Brand New Dawn - Wilder

Chapitre 36

L'élan de courage et de détermination qui avait guidé mes pas jusqu'au petit salon commençait peu à peu à me quitter maintenant que je me trouvais face à mes parents. Je devais tout de même admettre que l'expression adoucie de mon père m'aidait à ne pas perdre toute contenance.

Asher, qui devait sentir ma vaillance s'évaporer, glissa ses doigts entre les miens. Je relevai la tête vers lui et lui adressai un petit sourire reconnaissant.

– Dites-moi que c'est une blague, cracha ma mère. Tu n'es pas sérieusement en train de te présenter devant moi au bras de cet homme !

Je me crispai au point que mes épaules envoyèrent des pics de douleur le long de ma colonne vertébrale. Je m'apprêtai à rétorquer, mais ce fut Nick qui prit la parole.

– Madame Nesori, Monsieur Nesori, je suis profondément désolé. Je n'ai pas été suffisamment attentif aux agissements de mon fils et la responsabilité de tout ceci...

– Papa, l'interrompit Asher en le foudroyant du regard. Je te défends formellement de t'attribuer la responsabilité de mes actes.

Encore une fois j'ouvris la bouche pour intervenir mais cette fois mon père me prit de court.

– Allons Nicholas, il n'est pas question de responsabilité ici. Ce que ces jeunes gens tentent de nous faire comprendre, c'est tout simplement qu'ils sont tombés amoureux l'un de l'autre. N'est-ce pas les enfants ? nous interrogea-t-il.

Je ne pus réprimer un sourire de pur bonheur. Si un jour on m'avait dit que mon père prendrait ma défense dans pareille situation...

– Enfin Howard, es-tu tombé sur la tête ? s'égosilla ma mère, effaçant instantanément mon sourire. Ta fille défie ouvertement notre autorité et tu approuves son attitude ?

Mon père, sans se départir de son expression sereine, se tourna vers ma mère.

– Margaret, notre fille a trop longtemps souffert du carcan dans lequel nous avons tenté de la faire évoluer. Elle n'est pas comme toi. Elle n'est pas comme moi non plus. C'est une jeune femme adulte, qui, pour une fois dans sa vie, a choisi d'aller où son cœur la mène. Rappelle-toi des désirs qui t'animaient à son âge. N'aurais-tu pas apprécié que tes parents te soutiennent et t'encouragent dans la voie que tu aurais voulu suivre ?

Le regard de ma mère fouillait les yeux bruns de mon père, en quête des vérités qu'il aurait pu déguiser.

– Pas si cette voie avait dû causer ma perte, répliqua-t-elle, acide.

Je sentis le corps d'Asher se tendre à côté de moi. Je pressai doucement sa main, toujours dans la mienne.

– Tout ce que je te demande, mère, c'est d'accepter que je puisse être heureuse en ne suivant pas le même chemin que toi.

Le regard perçant de ma mère pivota vers moi et je le soutins.

– Jamais je n'accepterai une telle chose. Tu n'es qu'une petite ingrate écervelée. Si tu t'imagines que c'est ce bellâtre qui fera ton bonheur, tu te trompes jeune fille.

– Et comment pourrais-tu le savoir ? éructai-je. Que sais-tu de ce que peut être le bonheur ? Dis-moi, mère, quand as-tu été heureuse pour la dernière fois ?

Sa bouche se tordit en une grimace hideuse et je me préparai au pire.

– Si ma mémoire est bonne, bien longtemps avant ta naissance, cracha-t-elle.

J'eus un mouvement de recul et la main d'Asher migra de ma paume à ma taille, comme s'il craignait que je vacille sous le poids des mots de ma propre mère.

– Margaret ! tonna mon père.

– Je ne veux rien entendre, Howard. Si ta fille persiste dans ce chemin, c'est moi qui quitterai cette maison maudite.

Sur ces derniers mots, elle quitta la pièce, la tête haute et les épaules droites. Lorsque la porte claqua derrière elle, je sursautai légèrement.

Alors mon père s'approcha de moi et il me serra dans ses bras. Je me détendis peu à peu et lui rendis son étreinte.

– Merci papa, murmurai-je.

– Ne me remercie pas, fille. Pardonne-moi plutôt. Et acceptez tous les deux ma bénédiction, même si j'ai bien conscience que vous n'en avez pas besoin.

Il adressa un clin d'œil à Asher qui lui sourit.

– Je vais tenter d'arranger les choses avec ta mère, soupira-t-il. Nicholas, j'espère que vous saurez vous réjouir autant que moi de cette nouvelle.

Une fois mon père parti, Nick sortit du brouillard dans lequel il semblait évoluer depuis une bonne heure.

– Je... j'ai besoin d'explications mon garçon.

Asher et moi nous assîmes sur le sofa inconfortable du petit salon tandis que Nicholas prenait place sur l'un des fauteuils face à nous.

– Je ne sais pas, répondit Asher en posant sa main sur mon genou. Qu'est-ce que tu veux qu'on t'explique ?

Nick fixa la main de son fils, posée sur la jambe de la fille de son employeur. J'imaginais à quel point la situation devait paraître lunaire pour un employé aussi dévoué que lui.

– Comment est-ce arrivé ? souffla-t-il dans l'incompréhension la plus totale.

Asher secoua la tête et passa la main dans ses cheveux.

– Je n'ai pas de réponse à cette question, finit-il par répondre. Comment est-ce qu'on tombe amoureux ? Tu as la réponse toi ?

– Asher, je m'efforce de comprendre. Quand est-ce arrivé ?

– Je ne sais pas, papa ! s'agaça Ash à côté de moi. C'est... tellement loin. En ce qui me concerne, je crois que ça a toujours plus ou moins été.

– Je ne comprends pas... Comment est-ce que j'ai pu passer à côté de ça ? C'est... pour le moins inattendu.

Asher s'empara de ma main et la serra entre ses doigts.

– Je ne crois pas qu'il y ait tant à comprendre, Nick, intervins-je. C'est comme ça parce que ça ne peut pas être autrement. Ça a beau être inattendu, c'est tout aussi inévitable.