Chapitre 26

107 6 12
                                    

Un vote ⭐

Bonne lecture 📃







Se laisser aller.















"Perdre le contrôle de soi-même, c'est renoncer à sa propre essence."






















Alezia


Cassée.

Mon reflet me montre une image éclatée, comme une toile abstraite de ma propre chute. Les larmes coulent librement sur mes joues, se mêlant à la morve de mon nez, témoins silencieux de ma douleur.

Cette souffrance va bien au-delà des pertes que j’ai déjà subies ou des cicatrices laissées par mon passé. C’est une douleur plus profonde, qui dépasse même les pires traumatismes que j’ai vécus, comme les abus ou la domination. C’est une blessure de l’âme.

La douleur serait-elle différente si elle venait de quelqu’un d’autre ?

C’était son premier jour dans la maison de ma grand-mère, mais pas en Espagne. Nos regards se sont accrochés là-bas, et je suis tombée sous le charme de ses yeux. Comme si ce moment avait scellé le destin de ma fragilité. Ses yeux, d’un gris changeant, semblaient refléter les tempêtes intérieures qui faisaient rage en moi, et j’ai cru qu’il pourrait les calmer.

C’était un enfant si gentil malgré sa tendance à rester seul. J’avais envie de m’approcher de lui, mais il m’a repoussé. Je devrais avoir compris à ce moment-là, mais j’étais juste une petite fille fascinée par ce garçon mystérieux. Il a été le premier à recevoir mon sourire amoureux et mon regard ébloui. À seulement onze ans, il a fait naître ces fameux papillons dans mon ventre chaque fois qu’il me regardait. J’étais tellement amoureuse que je ne pouvais pas soutenir son regard plus de deux minutes.

Je voudrais tellement pouvoir revenir en arrière et empêcher ce moment où il m’a envoyé son premier sourire depuis mon jardin, alors que j’étais dans ma chambre. Ce sourire m’a apporté tant de bonheur, je me souviens même d’être sortie sous la pluie pour le rejoindre, malgré la boue du jardin. Ce jour-là, il ne m’a pas repoussée comme d’habitude. Déjà, enfant, il était charmant. Je me suis salie avec la boue, et il est allé dans la cuisine me chercher quelque chose pour essuyer mon visage et mes mains et m'a posé un bisou sur la joue. 

Je ne sais pas quand je lui ai offert cette confiance aveugle. Peut-être quand il a commencé à me défendre devant ma grand-mère qui m'accusait silencieusement de la mort de sa fille. Ou peut-être quand il était toujours là pour moi, dans mes rires et mes pleurs. Peut-être quand il m'a murmuré un 'je t'aime' un soir d'août, juste après avoir soufflé mes treize bougies. Ou peut-être quand il a continué à se battre sans relâche avec les camarades de mon école pour me défendre.

Je ne sais pas exactement à quel moment j'ai accordé cette confiance, mais je sais lorsqu'il m'a fait regretter de l'avoir fait. Je sais à quel moment j'ai été entraînée dans une spirale de comportements dévergondés, d'ingratitude et de mensonge, une personne qu'il m'a forcée à devenir.

Je sais aussi, lorsque j'ai contribué à ses propres changements de comportement envers moi, quand il est devenu la personne qu'il est. Je sais à quel moment mes actions l'ont blessé et détruit, transformant le respect et l'amour dans ses yeux en dégoût et rancune. Je sais, où, quand et pourquoi nous avons cessé de former ce « nous » que nous étions autrefois.

𝗔𝗟𝗘𝗭𝗜𝗔Où les histoires vivent. Découvrez maintenant