Chapitre 21

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De Jackson, Stiles ou encore Jordan Parrish... Il était difficile de désigner celui qui fut le plus perturbé suite à leur entrevue commune. Parce que l'adjoint du shérif n'avait pas cherché à prendre l'un des deux adolescents à part pour ensuite s'occuper du second, comme l'aurait voulu la procédure... Il avait jugé bon de les laisser être là l'un pour l'autre. Bien sûr, Jackson Whittemore et Stiles Stilinski n'étaient pas connus pour partager une grande amitié, mais le simple fait que l'hyperactif soit encore chez le kanima voulait dire beaucoup de choses... Y compris que Jackson, qu'importe la relation qu'il entretenait avec Stiles, n'hésitait pas à l'aider. Même si c'était sans grande amitié, il tenait à lui... Et ça se voyait.

Cela s'était particulièrement remarqué dans les regards qu'il lui lançait, cette façon qu'il avait de le surveiller lorsqu'il répondait aux questions de Parrish. Il se tenait légèrement en retrait de Stiles, respectueux de son espace vital et en même temps, prêt à agir en cas de problème. Sans doute avait-il peur qu'une improbable crise d'angoisse prenne possession de lui, ou simplement de le voir s'effondrer en plein interrogatoire – car en soi, il s'agissait bien de cela. Même si Jordan prenait des pincettes et essayait de ne pas trop le brusquer, il était obligé de faire son travail. Après tout, il ne venait pas seulement pour prendre des nouvelles de l'hyperactif... Il se devait de l'interroger sur ce qu'il avait subi pour la simple et bonne raison que son père, le shérif de Beacon Hills, avait été placé en garde à vue. L'enjeu était double.

Stiles, de son côté, se montrait coopératif. Il avait néanmoins une façon de répondre qui tendait aussi bien Jackson que Jordan : entre sa voix monotone, son détachement apparent et son regard vide mais fuyant, il y avait de quoi s'inquiéter. Stiles agissait de façon robotique... Sans réussir à cacher ses craintes, cette peur qui le chevillait au corps... Ou ce choc qui ne passait pas. En d'autres termes, il lui faudrait du temps pour accepter ce qui lui était arrivé, car il n'avait pas encore complètement réalisé.

Au moins, il ne cherchait pas à mentir pour protéger Noah. Au contraire, il décrivit précisément la façon dont il lui avait parlé ainsi que ce qu'il lui avait fait subir depuis le début de ce cauchemar. Mais Stiles ne le faisait pas pour se décharger : il parlait parce qu'on le lui demandait et que les questions de Jordan... Etaient à la fois vagues et précises, le genre à soutirer le plus d'informations possibles sans en avoir l'air. Evidemment, il fallait pour cela que l'interrogé coopère – ce qui était son cas. Stiles ne cachait rien... Et ne semblait d'ailleurs pas se rendre compte qu'il parlait devant Jackson. Ou alors il le savait, mais ne donnait pas l'impression que cela ait une quelconque importance pour lui. A ce stade-là, son indifférence apparente se comprenait. Elle était là pour l'aider à se tenir droit face au policier, à lui parler sans tabou... Mais aussi et surtout à l'empêcher de s'effondrer. Stiles fonctionnait – il ne fallait pas lui en demander plus.

Quand vint le tour de Jackson, Stiles s'effaça volontairement. Sans s'en aller pour autant – on ne lui avait pas demandé explicitement de partir alors il ne bougeait pas –, il s'enfonça dans le canapé et se fit tout petit. S'il écouta ? Nul ne saurait le dire. Son regard ne fixait rien de particulier mis à part le vide et... Il n'esquissait pas le moindre mouvement. Et Jordan vit Jackson y faire explicitement attention. Des coups d'yeux, il lui en jetait régulièrement... Peut-être plus que lorsque c'était lui qui parlait. Parce qu'il était habitué à un Stiles agité, qui parlait dans tous les sens, son étincelle personnelle le faisant briller... Montrer cette joie de vivre qui le caractérisait.

Où avait-elle disparu ? ... Existait-elle encore ?

Alors Jackson, s'il se montra aussi coopératif que Stiles, fut quelque peu... Inattentif, par moments. Son attention toute concentrée sur l'hyperactif, il en oubliait parfois les questions de Parrish qui, compréhensif, n'hésitait pas à les répéter. De son côté, il prenait le temps de noter le maximum d'éléments. A sa mine des plus sombres, il était clair que bien peu de choses semblaient être du côté du shérif... Tout l'accablait et Stiles lui-même n'avait rien caché de ses agissements. S'était-il rendu compte des mots qu'il avait employés ? De leur portée ? Savait-il ce qu'il avait décrit au policier ?

Avec tout ce qu'il avait en sa possession, Jordan pouvait aisément faire tomber Noah, et pourtant... Ce n'était pas ce qu'il voulait au fond de lui. S'il était normal pour lui d'agir pour que la justice puisse faire son travail, il fallait avouer qu'il avait encore un peu de mal à croire que son supérieur puisse être une pourriture pareille, une enflure d'une telle envergure. Qu'y pouvait-il si l'image qu'il avait de Noah Stilinski était si nette et dépourvue de toute tâche qu'une horreur de ce genre était de l'ordre de l'incroyable. Dans un sens, oui, Parrish aimerait ne pas y croire.

Mais rien que le visage de Stiles et son attitude parlaient pour lui. A cela s'ajoutaient son témoignage et celui de Jackson. Le fait qu'il s'agisse de Whittemore et non de quelqu'un d'autre ne pouvait que consolider cette vérité qui lui sautait aux yeux. Stiles et Jackson n'étaient pas amis, loin de là. Mais si Whittemore prenait sa défense, c'est que la chose était véritablement sérieuse.

- Je pense que tout est bon pour moi, finit par lâcher Jordan quelques minutes plus tard.

En réalité, des questions, il en avait encore des tas... Mais elles sortaient quelque peu du cadre de l'enquête qui venait d'être ouverte à l'encontre du shérif lui-même. Et puis Parrish n'était pas certain de vouloir en entendre davantage. S'il lui tenait à cœur de faire son travail, il fallait également lui laisser du temps pour digérer, accepter l'ignoble vérité. Parce que Noah, il le voyait comme un père. Un supérieur conciliant, chaleureux, qui... Avait vraisemblablement pris un tournant des plus violents. Qui aurait cru qu'il aurait maltraité et battu son fils pour... Une raison aussi stupide que son orientation sexuelle ? D'autant plus qu'il serait, d'après Stiles, passé à l'étape supérieure si Jackson n'était pas arrivé à temps. « Il disait vouloir traiter ma maladie à la racine » avait soufflé Stiles sans mâcher ses mots, sans y mettre d'ailleurs l'ombre d'une émotion. « Il voulait que je haïsse les hommes. » Tout était si simple à comprendre lorsqu'il parlait... Mais en même temps si difficile à accepter. Cependant, le détachement dont il faisait preuve était si fort qu'il témoignait à lui seul aisément de la violence qu'il avait subie. Stiles parlait et agissait de façon dissociée, ses émotions mises au placard. Et surtout, il n'avait rien caché, tout avoué de façon mécanique. A chaque question sa réponse – parce que c'était comme ça que les choses fonctionnaient à l'heure actuelle.

Jackson hocha la tête, jeta un nouveau regard à Stiles. Ce dernier observait Parrish sans vraiment le voir, sans faire attention au fait qu'il s'était levé, qu'il allait partir. Qu'on en avait terminé avec ces questions, avec ce témoignage qu'il se devait de donner. Et si Jackson pouvait s'infiltrer dans la tête de l'hyperactif, il n'y aurait trouvé que du brouillard. Du brouillard et un silence tonitruant. Des compartiments bien distincts et dissimulés au plus profond de lui. Invisibles, dans l'ombre.

- Merci Parrish, se sentit obligé de dire Jackson après s'être levé à son tour.

Pas qu'il ne le pense pas, il avait juste... Du mal à agir simplement, comme il en avait l'habitude. Aucune de ses réactions n'était naturelle, pas plus que ses agissements. Stiles le perturbait trop pour qu'il arrive à faire la part des choses.

- Je repasserai, finit par lui dire l'adjoint du shérif d'un air préoccupé en jetant à son tour un coup d'œil à l'hyperactif.

Et Jackson ne saurait dire s'il s'agissait d'une bonne ou d'une mauvaise chose.

AcceptanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant