Chapitre 22

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Jordan Parrish n'avait pas menti, il était bel et bien repassé. Le lendemain, un carton dans les mains. Les parents Whittemore s'étaient regardé d'un air inquiet, lequel... Était une parfaite réaction face à l'expression plus qu'embêtée du chien de l'enfer. On l'autorisa à poser son léger fardeau sur la table basse du salon, face au canapé sur lequel traînait encore un plaid à moitié en boule. Le plaid que Jackson n'avait pas rangé après cette autre nuit passée là. Sa chambre, il refusait de la reprendre et même si ses interactions avec Stiles étaient si rares que l'on pouvait presque les qualifier d'inexistantes, il campait sur ses positions. Le confort, il le lui laissait... Dans l'espoir de le voir sortir de cet état apathique si poussé qu'il en était terrifiant. Il ne fallait pas compter sur Jackson pour cela : si Stiles était toujours le premier à faire tomber quelque chose, Jackson se savait capable de blesser n'importe qui sans le vouloir. Les mots, il les utilisait généralement mal. En cela, il ressemblait à Derek – pourvu de bonnes intentions, mais extrêmement maladroit. Ainsi, il préférait se taire plutôt que d'essayer.

Et les parents du sportif, quelque peu décontenancés par la situation, faisaient simplement de leur mieux pour ne pas se faire envahissants. Ils avaient l'habitude du calme, de la constance dans le comportement et la vie de leur fils – le côté surnaturel mis à part. Que Stiles entre dans la danse était déjà une surprise : que sa situation personnelle soit aussi terrible en était une autre, bien plus sordide. Alors découvrir ce carton...

- Ce sont ses affaires, celles que j'ai pu récupérer, finit par expliquer l'adjoint du shérif. Puisque Stiles est pour le moment chez vous, je me suis dit... Que j'allais l'amener ici.

- Déposez-le sur le canapé, je vais venir vous aider à décharger les autres, fit David Whittemore en désignant le carton après avoir repris contenance.

Son bouleversement intérieur avait été très discret, si bien que seule sa dulcinée aurait pu deviner l'état réel de son mari en ne faisant que le regarder.

Parrish s'exécuta tout en secouant la tête.

- Je n'aurai pas besoin de votre aide. Je n'ai rien pu sauver de plus que ce qu'il y a dans ce carton.

Devant l'air soudainement interloqué qu'arborèrent mari et femme, l'adjoint du shérif se racla la gorge. Quelque peu gêné, mal à l'aise lui aussi... Il peinait à dire les choses de manière factuelle, à se détacher purement et simplement de ses émotions. Stiles, il le connaissait bien.

Son père davantage encore.

Et c'était peut-être cela le plus horrible. Vivre tout à fait normalement à côté d'un père devenu abusif en un clin d'œil, lequel avait commis des atrocités sans nom et sur le point d'en ajouter d'autres à sa liste s'il n'avait pas été arrêté à temps. Noah, c'était son supérieur, un homme qu'il appréciait beaucoup et à qui il aurait pu confier sa vie sans problème. Quelle erreur. Jordan n'aurait pas pu se fourvoyer davantage.

Mais maintenant, c'était l'homme de loi qui se trouvait derrière les barreaux. Il n'avait même pas cherché à se défendre... Ni à se justifier. Pire : il ne disait rien, s'enfonçant davantage dans sa position de coupable. Comptait-il tout de même ne serait-ce que... Faire semblant de s'indigner quant à son sort ou se sentait-il réellement serein par rapport à ce qu'il avait fait ? Jordan n'en avait aucune idée tant il avait eu l'impression de faire face à un inconnu lorsqu'il l'avait arrêté puis qu'il était allé lui rendre visite dans sa cellule. Noah Stilinski, le shérif au grand cœur, était désormais froid comme la glace. Il n'avait plus rien de chaleureux, ne dégageait plus cette aura de confiance qui poussait tous ses collègues à se détendre en sa présence.

Le masque était tombé.

- S'agit-il vraiment de tout ce qu'il lui reste ?

La voix quelque peu chevrotante de madame Whittemore sortit Jordan de ses pensées avec une efficacité remarquable. L'adjoint du shérif vit dans ses yeux quelque chose qu'il n'aurait jamais cru trouver. Cette femme, il la connaissait de loin et comme son époux David, Catherine Whittemore était connue pour ne pas faire l'étalage de ses émotions. On la disait froide, stricte. Sans doute l'était-elle... Dans une moindre mesure et seulement pour sauver les apparences dans la sphère publique. Après tout, elle restait humaine, comme son mari, et n'était par conséquent pas dépourvue de cœur.

- Affirmatif, finit par répondre le chien de l'enfer.

Il sentit que les parents Whittemore aimeraient qu'il développe, qu'il donne davantage d'explications... Mais il ne le fit pas et les raisons, il les garda pour lui. Bien sûr qu'il savait ce qu'il était advenu du reste tant le contenu des sacs poubelles dans la chambre de Stiles était parlant... C'était tout ce qu'on avait pu en retirer, tout ce qui était encore portable – et ce n'était pas grand-chose.

Cette histoire le secouant bien plus qu'il ne l'aurait voulu, Jordan indiqua à ses interlocuteurs qu'il se devait de partir mais qu'il n'était pas sans revenir. Conscient du fait que Stiles ne resterait pas éternellement ici, il demanda à David et Catherine de lui indiquer le temps qu'ils comptaient lui accorder dans leur foyer. Les époux ne lui donnèrent pas de réponse précise tant cette idée était le cadet de leurs soucis. Leur priorité n'étant pas de chasser l'hyperactif, ils n'y pensaient tout simplement pas.

- Tenez-moi simplement au courant, fit Parrish d'un air fatigué.

Parce qu'il ne voulait pas que Stiles finisse par se retrouver à la rue... Isolé de tout et de tout le monde. Il se souvenait de son apathie, de son détachement apparent de la veille : autant dire qu'il le croyait capable de réaliser certaines bêtises. Pour dire vrai, Jordan avait peur pour lui et se savait prêt à l'accueillir chez lui si besoin est. Ce n'était pas parce que le comportement du père l'avait bouleversé qu'il oubliait le fils et l'état dans lequel celui-ci se trouvait.

Alors les parents Whittemore hochèrent la tête et le saluèrent lorsqu'il s'en alla réellement. Catherine s'assit doucement sur le canapé et laissa ses doigts courir sur le scotch qui scellait le carton. Pas si petit, pas si gros non plus. David, quant à lui, le regarda en poussant un profond soupir. Lui qui se savait parfois un peu exigeant et un peu froid avec son fils se rendait compte qu'il n'était pas un si mauvais paternel, finalement... Disons qu'il essayait de faire au mieux, de jongler entre sa casquette d'avocat et sa casquette de père, d'être l'homme dont sa famille avait besoin tout en restant solide face à l'adversité. Il reconnaissait ses défauts et les corrigeait chaque fois qu'il le pouvait... A croire que le shérif avait fait l'exact inverse.

Le fils de Noah Stilinski avait l'âge de Jackson. Il n'était encore qu'un adolescent, un jeune homme... Dont la seule préoccupation à l'heure actuelle devrait être de travailler pour réussir ses examens.

Pas de tenter de se remettre d'un choc aussi violent que celui causé par son propre père en détruisant aussi bien son innocence que sa vie de façon générale.

- Nous ne sommes pas aux pièces, dit-il à l'attention de sa femme en la regardant enfin.

Les époux Whittemore se connaissant très bien, Catherine comprit aussitôt où son mari voulait en venir.

- Et puis ce n'est pas une bouche à nourrir supplémentaire qui va mettre nos finances à mal, renchéri-t-elle d'un air entendu sans que sa main ne se décolle du carton.

David hocha simplement la tête – à ses yeux, ce geste seul suffisait à exprimer à la fois son accord et sa pensée.

AcceptanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant