Chapitre 23

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De sa vie, Jackson ne s'était jamais senti aussi peu à l'aise que depuis que Stiles logeait chez lui... Depuis qu'il avait choisi de l'y emmener. Ce n'était pas vraiment sa présence qui le dérangeait, d'autant plus que l'hyperactif n'avait jamais été aussi discret que depuis l'agression qui l'avait amené à vivre ici. Il parlait à peine, bougeait peu, mangeait le strict minimum et lorsqu'il peinait à dormir, il restait strictement immobile, histoire de ne pas attirer l'attention. Ce qui gênait Jackson relevait justement de ce comportement-là, cette attitude... Troublante. Parce que le kanima, aussi dur qu'il avait pu l'être avec lui par le passé, ne désirait qu'une chose : le mettre à l'aise. Et il n'y arrivait pas. Parce que cette situation n'avait aucun sens et que l'excentrique Stiles Stilinski auquel il avait l'habitude de se confronter était ailleurs. Jackson n'irait plus vraiment jusqu'à dire qu'il avait disparu, mais l'on n'en était pas si loin, car il ne saurait le dire avec précision. Il gardait espoir à ce sujet, avec retenue toutefois.

Le truc, c'est que ses parents avaient dû partir après que Jordan Parrish était passé. Ils lui avaient confié un carton à moitié fermé contenant, selon leurs dires, les affaires de Stiles qui avaient pu être récupérées chez lui. Autant dire qu'il avait été surpris et qu'il peinait toujours à y croire. Par respect, Jackson n'avait pas jeté le moindre coup d'œil au contenu de cette pauvre boîte, mais il espérait... Que récupérer des choses qui lui appartenaient permettraient à Stiles de se sentir un peu mieux, de retrouver un peu de ce mordant qu'il lui connaissait depuis toujours. L'hyperactif, ainsi discret et silencieux, lui semblait comme vide de toute émotion, dépourvu de toute couleur. Et ça, ça ne lui allait pas. Alors oui, Jackson le regrettait, ce stupide hyperactif beaucoup trop bruyant pour être vrai. Au moins, il vivait et était lui-même sans concession aucune.

Jackson fixa un moment la porte de sa chambre. Derrière elle, Stiles pensait. Il ne dormait pas – le kanima l'aurait senti. Ainsi, il s'agissait du meilleur moment pour lui donner ce carton et le laisser retrouver un semblant de familiarité dans ce monde qui semblait lui avoir volé sa joie de vivre. Car malgré ses a priori le concernant, Jackson savait que son invité était quelqu'un de fort. Il se trouvait simplement dans un moment de faiblesse qui requérait un rechargement de ses batteries et... De digérer réellement ce qui lui était arrivé. De faire table-rase de ses croyances – tout à fait logiques pour certaines –, de sorte à accepter cette réalité morbide et ce, pour mieux avancer.

Jackson s'arma de courage – depuis quand en manquait-il ? – et toqua. L'accord de Stiles pour qu'il entre lui parvint faiblement, et pour cause : celui-ci considérait que le kanima n'avait pas besoin de prendre de pincettes. Il s'agissait de sa maison, de sa chambre, de son lit... Et Stiles ne comprenait toujours pas ce qu'il foutait là, pourquoi on lui accordait cette chambre alors qu'un simple canapé lui conviendrait très bien. Mais de cela, il ne disait rien. L'énergie et la force de se battre, même pour des choses aussi insignifiantes, lui manquaient.

Jackson garda pour lui les remarques qui lui vinrent rapidement. C'était dingue comment l'humain faisait peine à voir... Comment son regard traduisait tout et rien à la fois. Un mélange d'émotions aussi fortes que contradictoires, atténuées toutefois par un choc pas encore totalement passé. Puis sa peau, déjà fort claire, atteignait un niveau de blancheur record. Toute étincelle l'avait quitté, toute forme de vitalité aussi, peut-être... Mais Jackson se refusa à continuer de dresser un portrait si peu flatteur. Il n'avait pas envie de... Réduire Stiles à son état. Ce serait le rabaisser, même sans un mot et le kanima lui accordait bien trop de respect pour cela. Un respect qu'il s'avouait à peine à lui-même et qu'il ne verbaliserait pas, mais qu'il n'irait pas complètement nier non plus.

Stiles lui jeta un regard avant de le baisser vers le carton. La confusion se peignit sur son visage... Un sentiment que Jackson avait beaucoup trop vu chez lui récemment. Stop, se rappela-t-il. Il s'agissait malgré tout d'un fait : l'hyperactif avait perdu toute assurance et affichait régulièrement un air de ce genre, comme s'il ne comprenait plus rien, ou que le sens de la plupart des choses lui échappait.

Les deux idées n'avaient malheureusement rien d'incompatible.

Jackson se mordit brièvement la lèvre inférieure et posa le carton au bord du lit, près de lui.

- Des affaires à toi, finit-il par lâcher en voyant que l'hyperactif ne bougeait pas.

Non, il se contentait de fixer la petite caisse d'un air indéchiffrable. Et bizarrement, le kanima n'aimait pas beaucoup ça. Ne pouvait-il pas avoir... Un semblant de réaction ? Pas grand-chose, juste un début, un semblant d'émotion, autre chose que cette confusion paralysante... Pourtant, Jackson avait volontairement omis de préciser qu'il s'agissait là de tout ce que Parrish avait pu récupérer – ce qui se résumait au final à bien peu de choses. Il avait improvisé sur le tas, en se faisant la rapide réflexion qu'il valait peut-être mieux le protéger – au moins tant qu'il n'en était pas capable lui-même. En tout cas, Jackson le faisait comme il le pouvait, dans l'espoir que cela fonctionne. Était-ce une bonne idée ? S'y était-il bien pris ? Le blond avait la boule au ventre tant il ne savait que faire. Le mensonge valait-il mieux que la vérité ? Il avait tendance à penser que oui dans cette situation, mais... Comment savoir ? Comment savoir réellement ? Jackson décida d'arrêter de se prendre la tête. De toute façon, il était parti dans cette direction, alors... Autant y rester pour le moment. Il ne connaissait pas les limites de Stiles, n'avait aucune idée d'à quel point elles avaient pu être franchies, alors autant tenter de le ménager. Mais ne serait-ce pas lui donner de l'espoir quant à l'existence d'autres affaires à lui ? Le kanima se raisonna : Stiles ne devait pas donner grande importance à des biens matériels actuellement... Sans doute était-ce le cadet de ses soucis – à raison.

Jackson laissa son regard se poser sur ces mains peu assurées, lesquelles se dirigèrent vers le carton. Pas besoin de cutter pour l'ouvrir puisqu'aucun gaffeur ne fermait la boîte couleur café : les pans étaient simplement rabattus de façon à se bloquer entre eux. En en retirant un, le reste venait. Accéder à son contenu était donc relativement simple.

En toute logique, Jackson devrait sortir de la chambre, laisser Stiles en paix dans ce qui était sans doute pour lui un moment aussi improbable que déchirant. Retrouver des choses qui lui appartenaient tout en sachant que rien dans sa vie ne serait plus jamais pareil... Nul doute que c'était fort difficile. Pourtant, les jambes du kanima restèrent immobiles et ses pieds, cloués au sol. Il ne pouvait pas se résoudre à bouger, encore moins le laisser seul. Et ce sentiment, il ne saurait en expliquer ni l'origine, ni la raison... Mais il était là et Jackson ne pouvait tout bonnement pas le combattre.

Et son regard accrocha les doigts pâles aux ongles rongés par l'angoisses, ouvrir ce carton maudit. Mais très vite, c'est son contenu qui attira son attention.

Car la première chose qui lui apparut fut... De la laine. Un projet à peine commencé, de quelques rangs seulement, sur des aiguilles à tricot en bois.

AcceptanceOù les histoires vivent. Découvrez maintenant