Chapitre 13 : Confession

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Nous continuons de courir une dizaine de minutes et ne nous arrêtons qu'une fois sûres d'avoir semé l'officier. Je suis un peu essoufflée, mais bien moins que si j'avais couru sur mes deux jambes. Nous nous asseyons sur un banc pour nous reposer. Je repense à ce que nous venons de faire et à quel point c'était agréable de courir comme ça, même pour de mauvaises raisons. Je me suis sentie libre un moment... Quelle ironie du sort de se sentir libre, pourchassée par son ancien geôlier... Je regarde le ciel dont je connais maintenant le nom. Je trouve ça apaisant de le regarder... les différents évènements de la journée me reviennent en mémoire... J'explose de rire. Kira me regarde avec de grands yeux.

- Pourquoi tu rigoles comme ça ?

- Je sais pas, je réponds entre deux éclats de rire. Il s'est passé tellement de trucs aujourd'hui que j'ai la tête trop remplie ! Que des choses improbables !


Je continue de rire tandis que la princesse me regarde avec un sourire et un je ne sais quoi de tendresse qui la rend encore plus magnifique que d'habitude. Elle finit cependant par me rejoindre dans un fou rire. Les passants nous jugent mais, vu ce qu'on a fait aujourd'hui, plus rien ne nous gêne. Le temps passe et ils se fait rapidement 18h. Les rues se vident peu à peu laissant doucement place au calme du soir, tandis que nous restons assises là. Kira prend ma tête et la pose sur ses cuisses, me forçant ainsi à m'allonger sur le banc, ce que je fais sans protester. Je suis tout de même fatiguée de cette journée. Je continue à regarder le ciel pendant que la jeune fille me caresse la tête. Je voudrais rester comme ça le reste de ma vie, ne plus bouger et sentir cette main jouer avec mes cheveux... Nous restons comme ça un long moment, se glissant quelques paroles de temps à autres. Il n'y a pas six mois, jamais je n'aurais cru être à l'extérieur, dans des vêtements normaux, allongée sur la princesse de ce pays. Jamais je n'aurais cru pouvoir courir comme je l'ai fait et encore moins pour échapper à un officier. Jamais je n'aurais cru pouvoir tenir un chat dans mes bras ni même savoir ce que c'est. Et pourtant, j'ai fait tout ça. Je l'ai fait et j'ai adoré. Je souris en songeant à toutes ces belles choses que m'a permis de faire cette réalité abstraite à laquelle je ne croyais pas : la vie.


Je ferme les yeux et sens une main parcourir l'entièreté de mon visage. Je ne sais pas combien de temps ce petit jeu dure, mais lorsque je réouvre les yeux, la nuit est là et les rues sont désertes. Penchée au-dessus de moi, se trouve Kira sous sa forme originale. Je me relève alors et demande :

- Pourquoi tu es sous ta forme de démon ?

- Oh, il n'y a personne à cette heure-ci dans les rues, alors je me permets de le faire à chaque fois. Tu peux aussi, même les officiers ne traînent plus dehors à ce moment de la journée.

- Oh, je vois, je réponds en laissant à mon tour ma forme reprendre le dessus.


De légers picotements me parcourent le bas du dos et la tête avant de finalement s'atténuer lorsqu'une masse les remplace. Je me rassois et m'étire longuement. Un bruit se fait entendre derrière moi. Tendue, je me retourne vivement et vois le petit chat de tout à l'heure chasser une souris qui passait par-là. Je me décrispe et soupire. Un petit mouvement bizarre sur le haut de ma tête m'y fait placer mes mains. Mes oreilles se baissent, signe qu'elles étaient relevées. Je souris toute seule. C'est bien la première fois qu'elles se sont relevées sans que je sois dans un état de rage me soutirant ma conscience. Cet élan de liberté a redonné un peu de vigueur à mon corps qui ne demandais que ça depuis toujours. Peut-être que je finirai par reprendre le contrôle total de mon corps... Nous nous levons pour nous mettre en marche et mon sourire perdure tandis que je lève la tête pour regarder ces autres choses que j'ai toujours rêvé de voir. Les étoiles. J'en avais entendu parler sans jamais savoir ce que c'est. C'est si beau... L'autre côté des murs du centre m'a toujours attirée et je ne regrette en rien d'avoir été achetée. Si ce n'est d'avoir rencontré Kira dans ces conditions...


Je me retrouve pour croiser le regard de la jeune fille mais suis surprise par ce que je vois. C'est une Kira que je n'ai pas l'habitude de voir qui me fait face. Elle a l'air nerveuse et évite mon regard. Sa manière de jouer avec ses doigts traduit un besoin de se confier. Je m'avance vers elle afin de lui demander si ça va mais suis devancée. Elle prend mes mains avant de finalement lever les yeux vers moi.

- Méora, je... commence-t-elle. Je voulais juste te dire que...


Perdue dans ces mots, je l'incite à continuer. Elle prend une inspiration et se lance finalement.

- Ça fait maintenant un peu plus de six mois que tu vis avec moi et je dois te dire que, de ma vie, je n'ai jamais été aussi heureuse que depuis que tu es là. C'est agréable de vivre avec toi, je trouve que tu as une personnalité incroyable et c'est ça qui te rend magnifique. Enfin, pas que tu sois moche ! Tu es très jolie, hein ! Oh là, là...


Tandis que je regarde Kira chercher les mots, la seule différence notable entre une tomate et moi est la présence de cheveux.

- Bref, tout ça pour dire que, déjà, tu es quelqu'un d'extra. Et puis à propos d'il y a quelques jours... Mon père a tout de même prévu une nouvelle cérémonie à laquelle il a prévu de me marier dans six mois, mais je ne te remercierai jamais assez pour ce que tu as fait. Je me voyais déjà malheureuse le restant de mes jours avant que tu n'interviennes. Jamais tu n'aurais dû finir avec ça pour m'avoir sauvée, souffle-t-elle en frôlant ma peau blessée non loin de mon œil qui est à l'air libre puisque j'ai perdu mon patch dans notre course. Depuis quelques temps déjà, je me sentais... différente en étant avec toi et... Différente en bien, je te rassure ! Mais, je ne savais pas ce que c'était et... j'avais peur que mon père s'en prenne à toi s'il l'apprenait... Mais depuis que tu as empêché ces fiançailles de se produire, je ne pouvais plus le nier. Peu importe ce que dirait mon père. Je n'ai de toute façon pas l'intention de lui dire avant un bon moment, il ne serait que néfaste. Ce à quoi je veux en venir, c'est que... J'éprouve des sentiments pour toi. Des bons, des forts. Je veux rester avec toi, pas avec l'autre moche, ni aucun autre moche, ni même quelqu'un de beau, enfin tu es très belle, mais avec toi. Mes proches m'ont souvent dit que c'était mal d'aimer quelqu'un du même genre donc je comprendrai tout à fait si tu ne voulais pas de moi ou...


Je l'écoute m'expliquer ces différentes choses qui se passaient en moi et auxquelles je n'arrivais pas à donner un nom. C'est donc ça ? Devant mon silence, Kira détourne le regard et commence à s'excuser, mais je l'interromps en libérant mes mains afin d'attraper son visage et de poser mes lèvres sur les siennes. Mon geste la surprend et elle stoppe tout mouvement. J'ai les joues en feu et sens les siennes chauffer également.


Oh, non, non, non. Était-ce la mauvaise chose à faire ? Je n'ai pas cherché à savoir s'il le fallait, j'en ai juste eu envie et je croyais que- Ma réflexion s'arrête là car elle pose ses mains sur ma taille et me rend mon baiser. Je sens ma queue bouger contre mes chevilles et des frottements au niveau de ma tête. Je n'ai jamais ressenti ça avant et je veux être sûre de pouvoir le ressentir encore après ça. C'est comme si j'avais été en manque de quelque chose durant mes années de captivité et que je venais d'en découvrir la source. Ce qui est finalement le cas. Je passe les bras autour de son cou et me hisse sur la pointe de mes pieds. Nous nous stoppons après quelques secondes, par manque d'air. Nous rouvrons nos yeux qui s'étaient fermés naturellement. Je me sens rassurée de voir que je ne suis pas la seule à ressembler à une pivoine. Nous nous fixons un instant avant que Kira ne passe ses mains sur ma tête.

- Tu vois que tu y es arrivée, murmure-t-elle avec un sourire en caressant du bout des doigts mes deux oreilles maintenant levées.


Ayant peine à y croire, je porte à mon tour mes mains à mes cheveux. Les deux petites masses sont maintenant droites et je peux les bouger comme bon me semble. C'était pour moi une sorte d'objectif à atteindre depuis mon achat auquel je ne croyais pas vraiment, mais finalement, j'ai réussi. Ou plutôt, elle a réussi. Je me lève les yeux vers la jeune fille qui me regarde avec un tendre sourire avant de l'embrasser de nouveau, ne pouvant contenir ma joie. Il y a six mois, jamais je n'aurais cru que mes oreilles pourraient se relever. Jamais je n'aurais cru me retrouver au milieu de la rue à embrasser la princesse de ce pays. Jamais je n'aurais cru tomber amoureuse.

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