Partie 1 | Mon monde (1)

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Chapitre 1

J'avançais lentement, admirant ce paysage entièrement blanc. Tout d'abord blanc, car le sol était blanc comme la neige, mais ni humide ni froid. C'était plutôt comme marcher dans du sable fin, mais sans la chaleur du soleil tapant sur les plages d'été ni le clapotis des vagues. Mais surtout sans grains de sable, juste une étendue moelleuse et agréable albâtre.

Puis le ciel bien que sans aucun nuage était blanc immaculé. Mais pas tout à fait blanc plutôt nacré, car il y avait des reflets rose pastel, bleu cyan, violet lavande, orange mandarine çà et là.

Les fleurs ressemblaient à de grandes et élégantes roses blanches mesurant cinquante à soixante-dix centimètres de large, et poussant d'un mètre cinq à un mètre quinze du sol. Leur tige était fine et transparente entre le cristal et la glace, entre l'éternel et l'éphémère.

Les feuilles de ces éblouissantes fleurs étaient légères et volantes semblables aux plumes d'une chouette harfang des neiges. Ces étranges roses ne possédaient pas d'épines, donc pas de défense simplement l'innocence et la pureté.

Je n'avais ni chaud ni froid, on ne connaissait pas ces sensations en cet endroit. Il n'y avait ni vent, ni pluie non plus. Juste la brume. La brume invisible mais présente. On la percevait cependant, se rependant sur notre corps. La brume était partout et indispensable comme l'air sur Terre.

Je savais que bientôt, à quelques pas, je me retrouverais dans un lieu ressemblant à celui-ci, mais peint de la couleur opposée au blanc, le noir. Une fois la limite entre blanc et noir franchie, et les gardiens du semi-monde salués (les uns protégeant le territoire de satin, les autres celui de jais), je pénétrais dans un désert de sable ébène, dur comme de la roche.

Pas inconfortable, mais on ne s'y enfonçait pas, au contraire du sol de l'autre moitié de monde. Un pot d'encre renversé sur une toile aurait produit le tableau idéal pour représenter le ciel.

Les toutes petites roses, de la taille des fourmis, aux pétales de réglisse, formant une sorte de spirale autour de la tige. Les épaisses, mais souples tiges étaient couvertes d'épines noires. La brume permettait de respirer dans les ténèbres également. Voir dans l'obscurité comme voir dans la lumière était aisé pour moi et pour tout autre habitant d'ici.

Plus loin, j'aperçus les premières maisons de Black Town, la Ville Noire. Black Town était l'une des ville les plus influentes avec White City, la Ville Blanche. Les petites et grandes bâtisses étaient toutes construites en pierre volcanique pour certaines et en obsidienne pour les autres. Un peu à l'écart sur une dune de roche, se trouvait le lieu où je me rendais.

Le Temple du Diamant Noir. Le seul bâtiment construit en diamant noir serti de petits saphirs noirs au reflet bleu sombre. Sur les vitraux, il était dessiné des représentations en noir et blanc des trois déesses : Jena, la déesse de l'équilibre, et ses filles Alba, déesse de la clarté et Amaya déesse des ténèbres.

Des Reines des Abysses, fleurs légendaires aux pétales noirs rayées de blanc ou blancs rayées de noir, symbole de l'immortalité, décoraient la porte de bois d'ébène. Des statues de diamant noir, de la Déesse Amaya, se tenaient de chaque côté de l'entrée comme pour accueillir les visiteurs ou pour protéger le lieu sacré.

Je me tenais devant l'entrée du Temple, maison de la Déesse des Ténèbres, en chuchotant « Louez Amaya ». Lorsque les Corbeaux, Oiseaux de la Nuit, m'aperçurent, ils se mirent à faire du bruit, le deuxième chant celui réservé aux Servants de l'Ombre, pour signaler ma présence.

On raconte qu'Amaya, elle-même pouvait se changer en l'un de ces volatiles. On vint alors m'ouvrir. La Sœur Tamala. Les serviteurs de la Déesse Amaya, sentinelles du lieu de connexion étaient tous considérés comme les Enfants de la Protectrice des Ténèbres.

— Soyez béni par les trois Grandes Protectrices, Frère Miel. Me salua Tamala.

— Que les Déesses soient avec vous également, ma sœur. Répondis-je.

Je serrai la main de Sœur Tamala, ce qui consistait ici à entrecroiser nos index, puis j'entrai. Je me surpris à regarder les yeux gris bleu et beaux cheveux noir jais mi-long de ma sœur. Elle s'était coupé les cheveux, ou du moins le coiffeur lui avait coupé. Et sa nouvelle coupe lui allait bien. Je me gardais de lui dire. Cela aurait été un blasphème, d'émettre un avis sur cette subtilité qu'était l'apparence, surtout en lieu saint.

Je me mis donc à regarder les petites statuettes en ébène représentant la Déesse. Parfois, elle se tenait dans une pose guerrière, d'autres fois, on aurait dit qu'elle conseillait les fidèles. Sur les murs de pierres avaient été peintes de grandes fresques blanches. Dessus l'une d'entre elles, Amaya, sauvait les humains d'une inondation, sur une autre, elle soignait une femme malade ou encore défendait la ville avec héroïsme.

J'allumais une bougie. Le feu étant symbole de vie et les cendres de résurrection. Cette flamme, ne produisit pas de chaleur, les différences de température étant rare voir inexistantes en ce pays.

De plus, le feu prenait ici une teinte noire ou blanche, cela dépendait du moment de la journée (blanche à l'aube, noire au crépuscule). En ce moment, la flamme de la bougie était d'un blanc satin. Elle ne dégageait pas de fumée, mais autour de la source de feu la brume devenait visible.

Blanc. Pureté et innocence. J'obtenais souvent ces mini goutte évaporés blanches. Ceci était une des couleurs les plus recherchées avec le noir. Posséder un esprit noir ou blanc signifiait que l'on respectait les valeurs des Déesses.

Je me mis ensuite à genoux sur le tapis de jais. Doux comme du coton ou de la laine de mouton. Je récitais les prières habituelles aux côtés de Sœur Tamala et de Sœur Zilla. Cette dernière n'était pas humaine.

C'était une Voyageuse. Sa peau était translucide, ses cheveux rose bonbon, des écailles tapissaient ses bras, ses doigts étaient pourvues de petites griffes recourbés et surtout elle possédait des oreilles pointues. Ce qui rendait les Voyageurs mal vus par la population. Certains disaient qu'ils étaient des démons.

Je ne croyais pas à ces rumeurs basées sur un aspect physique, seul l'intérieur comptait. Et l'âme de Zilla était l'une des plus nobles.

Depuis déjà deux semaines, que Sœur Zilla avait décidait de ne plus voyager comme le faisaient les siens, il avait été difficile pour elle de trouver du travail et un logis en ville. Elle avait fini par me rencontrer et j'avais fait preuve de la charité naturelle en lui proposant de devenir une de nos sœurs.

Personne n'avait pu refuser, ce serait contraire à la religion que de rejeter quelqu'un dans le besoin. Mais même s'ils le cachaient plutôt bien, une grande partie de mes aînés n'avaient qu'une hâte, que Zilla s'en aille loin du Temple et de la ville. Ils avaient peur qu'elle sème le chaos ou fasse quelque chose de démoniaque.

J'avais déclaré en assumer l'entière responsabilité. Pour achever de les convaincre, j'avais effectué sous le regard des trois Grandes le serment maudit. Comme on peut s'en douter briser un serment maudit est passible de mort. Alors autant vous dire que j'avais une totale confiance en Zilla, comme en tout être vivant. Confier ma propre vie entre les mains de l'égalité, je trouvais cela juste car c'est ce que voudrait la Déesse Mère.

Mieux valait mourir en ayant été une bonne personne servant loyalement les causes des Déesses que vivre rongé par la culpabilité et la honte de condamner Zilla pour ses oreilles. Je passais une main dans mes cheveux roux et bouclés, avant de me lever. Le temps de prière était terminé.

 Le temps de prière était terminé

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Tome 1 : Miel | Un Monde Incolore Où les histoires vivent. Découvrez maintenant