Partie 3 | L'aventure (12)

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Chapitre 12

Suspendu à l'une des fenêtres à barreaux et aux vitres teintés s'agitait un drapeau aux couleurs de notre nation, deux bandes : une noire ébène et une blanche neige. Le poste de police de la ville d'Erion. Une sorte de lierre, une fine liane noire aux feuilles pâle flétrie comme malade, bordaient ses murs épais.

Il semblait abandonné ou délaissé même si ce n'était pas le cas. Il y avait juste peu de postulats comme pour chaque poste dans les alentours d'Erion. C'était un endroit éloigné des capitales, dans la périphérie, proche de la bordure du néant (une étendue de vide qui entourait les mondes ce qui explique le fait qu'il n'existe qu'une nation sur la planète).

Donc tout ça pour dire qu'Erion était une ville fantôme. En effet, nombres de ces habitants étaient insatisfaits de leur position géographique, ils ne pouvaient migrer, car la vie dans les grandes villes était trop chère, sans parler du coup des charrettes de déménagement.


— Il ne doit avoir que David à cette heure, il doit roupiller dans la cafeteria devant un livre sur les règles de vie en couple, niveau débutant. Lança Noisette, en fronçant ses épais sourcils qui soulignaient ses beaux yeux de jade.

Le manque de personnel, touchait encore plus Erion que ce que je m'imaginais. Je fus pris de remords en songeant que je faisais partie des jeunes privilégiés qui partaient faire des études en métropole, privant leur ville natale de travailleurs actifs.

— Des règles pour vivre en couple ! Alors là, ça dépasse mon imagination pourtant sans limites. Railla Paëlla, avec sarcasmes.

Noisette haussa les épaules.

— Que veux-tu que je te dise, il faut bien faire perdurer notre merveilleuse espèce. Concéda-t-il avec ironie, enfin, il me sembla.

— Moi, je ne suis pas surpris, c'est comme ça qu'on fonctionne pour trouver un partenaire avec qui fonder une famille tout en résistant aux dangers de la passion. On apprend à sortir avec quelqu'un comme on apprend que deux et deux font quatre. Répliquai-je.

En vérité, je cherchais aussi à me convaincre moi-même que je n'étais pas en train de sombrer dans la délinquance et dans les vices de la passion. J'essayai ne pas bifurquer du droit chemin tout en sachant que c'était peine perdue. À l'heure d'aujourd'hui, je me dirigeais à vitesse grand V vers le fossé.

Moi-même quelques années avant de devenir religieux, j'avais neuf ans et je lisais un livre de ce genre, Trouver votre collègue d'un travail à temps plein : être parents. Ce manuel ne m'avait guère passionné. Il y avait les tests de compatibilités : plus de triangles : la mère/le père de vos enfants sera d'un tempérament calme et souvent à la maison, plus de carré : elle/il sera sérieux et souvent à son travail.

Puis les instructions du code de vie à deux, les erreurs à éviter, les mots interdits, ... Enfin un témoignage de couples « parfaits ». J'avais conclu que j'étais trop jeune pour lire ce genre de chose et je l'avais rendu à la bibliothécaire qui m'avait regardé d'un mauvais œil. Elle devait se demander pourquoi un écolier empruntait un tel livre. La raison : j'avais pris au livre au hasard.

Noisette fit la moue. Il sembla un instant contrarié un bref instant.
- Ça se voit que tu n'as pas suivi les « cours de relations amoureuses » qui te donneront un autre avis sur le sujet.

Cette matière était enseignée lors des deux dernières années de la seconde école, puis lors des deux années de la troisième école. À part, si tu choisissais (comme moi) un autre cursus dans lesquels être en couple était un acte banni.

Comme ma sœur s'impatientait Noisette fouilla dans sa poche pour en extirper la clef. J'eus un pincement au cœur lorsque je reconnus le porte-clefs que je lui avais offert pour ses douze ans, un petit dragon tout doux aux ailes bleu marine.

Il poussa la porte qui s'ouvrit à la volée.

- C'est plus simple que de sonner et attendre David. Soupira-t-il. Surtout que mieux vaux que notre petite excursion aux archives reste secrète.

Secrète ? Ce mot sonnait comme "interdit". Je frémis. Encore, transgresser les règles. Combien de fautes avais-je déjà commis ces deux dernières semaines ? Serai-je pardonné un jour ? Mais je me souvins que l'on agissait pour réparer une erreur, alors je fus quelque peu rassuré. Pourtant, j'avais toujours une boule au ventre.

- Les archives... Ils l'ont déjà rangé aux archives comme si c'était un dossier terminé. Murmura Paëlla, ses cils battant frénétiquement.

- Je pense. C'est tout ce que j'ai pu tirer de mon patron lorsqu'il y a fait allusion. Il n'était pas très bavard sur le sujet et poser trop de questions aurait éveillé des soupçons. S'excusa Noisette.

Nous nous marchâmes en silence vers la dite salle. Malheureusement à notre arrivée un escadron de policiers se tenait devant la porte de la pièce.

Tome 1 : Miel | Un Monde Incolore Où les histoires vivent. Découvrez maintenant