Chapitre 9
À vrai dire, j'avais passé la moitié de la nuit à préparer mon plan, l'autre à me repentir sur ce que j'allais faire. Mais l'idée n'était pas fameuse, pleine de faille, j'en étais sûr et certain. Je tremblai tant ça allait être douloureux de trahir la confiance d'Amaya, mais quelque part au fond de moi, je me disais qu'elle devait bien savoir. Allait-elle m'arrêter ? Je frémis à cette idée.
Chant numéro trois. Palpitation de mon cœur. Rougissement du halo autour de ma bougie. Noisette était là. Je serrai les poings pour me donner du courage. J'avançais vers la porte. Je fermai les paupières. Puis j'ouvris à la fois la porte et mes yeux.
Il sourit. Je souris. Je remis une mèche rebelle de ses cheveux en place. Noisette redressa mes lunettes. Mon cœur battait la chamade. Le sien aussi. Je pris ses mains entre les miennes. Noisette fit de même. Je récitais les paroles rituelles. Pas lui. Maintenant.
— J-Je me disais qu'on n'était pas obligé de le passer ? Chuchotai-je, en serrant ses mains.
J'allais chercher la bougie, toujours rouge, quelle horreur. Mais bon au moins ce n'était pas pour la violence. C'était un rouge plus tendre, doux. Pas couleur sang.
— Regarde. Ça ne marchera jamais. Les Déesses lisent en nous.
Noisette la prit, tout de même. Rouge, sans surprise. Il haussa les épaules, l'air résolu. Il s'y attendait.
— Ce n'est pas grave, je retenterai ma chance, l'an prochain. Dit mon ami, d'un ton qu'il voulait détaché.
En vrai, cela le peinait. Noisette voulait tellement rendre fier son père, en perpétuant l'héritage.
— J'ai réfléchi à une solution. Annonçai-je, tout bas.
— Attendre la guérison de Carle. Tenta-t-il, sans conviction, l'air ailleurs.
— Non, ce serait trop long. Je pourrais faire comme si ça avait été du noir (couleur du mystère et de l'élégance). Soufflais-je, d'une voix à peine perceptible.
Mon copain écarquilla en grand ses yeux chocolat. Si jolis. Je chassai cette idée. Amitié, non amour.
— J-Je ne peux pas, accepter ça. Balbutia-t-il, inquiet.
— Tu l'aurais fait si ça avait été Carle. Ne t'inquiète pas pour moi, je serais en assumer les conséquences. Répliquai-je, en croisant les bras pour me donner un air déterminé.
Il éclata d'un rire franc, croisant les bras à son tour, imitant mon expression. Noisette rapprocha son front du mien, yeux dans les yeux. Trop proche, que l'on nous le permettait. Heureusement, les Corbeaux sauraient nous prévenir si quelqu'un approchait. Et pour ma conscience, elle allait mal, très mal.
— Ah, tu veux jouer à ça, mon cher ami. Dit il, cessant de rire et en se donnant un air imposant.
Je ris mais je retrouvai vite mon sérieux. Je me détournais de mon copain. Ce mot pouvait être utilisé aussi pour appeler un ami, non ?
— Soyons sérieux, ça pourrait être ta chance. Repris-je, réprimant la honte du mensonge que je prévoyais, qui me tordait le cœur
Noisette semblait hésitant. Puis il eut comme une révélation, les yeux brillants d'un nouvel éclat. Comme si une de ces motivations lui avait échappé.
— Tu en es sûr ? Tu ne pourras pas revenir en arrière ?
Je poussais un profond soupir, nerveux. J'avais pris ma décision, si les Déesses en avaient voulu autrement elles m'auraient prévenu. En-tout-cas, je l'espérais.
— J'en suis certain. Répondis-je, avec ferveur.
— Alors, marché conclu.
Il tendit sa main que je serrai. Sa main était plus grande que ma petite main et la sentir contre la mienne était si agréable. C'était inutile, c'était une façon d'un côté de détendre l'atmosphère, mais d'un autre de rendre le moment plus solennel.
— Un secret de plus.
— Hé, oui mon cher !
Nous rigolâmes gênés de notre plan frauduleux. Je m'en voulais terriblement, pourtant, je ne regrettais pas. Oh, Déesse Amaya, j'étais désolé. Tellement, tellement désolé.
Une fois rentré chez mes parents, je me mis à rédiger la lettre qui témoignait du résultat de Noisette. Je signais, éprouvant un frisson. Et si les foudres des Déesses me tombaient dessus pour ce mensonge ? Heureusement, je n'avais jamais entendu parler de gens carbonisés pour ne pas avoir dit la vérité.
Je glissais le papier dans une enveloppe cacheté à l'emblème d'Amaya, un corbeau. Une fois scellé, il ne me manquait plus qu'à me rendre à la poste ou à trouver un « postier ». C'était de petite boules de poils qui apparaissait quand on avait besoin d'elles. Ces dernières étaient heureuses de rendre service et adoraient courir partout.
De plus, on disait que les créatures recevaient un énorme salaire car elles adoraient faire les emplettes. C'était probablement qu'une légende, je n'imaginais pas les postiers dans un restaurant ou avec de petites écharpes de laine de Suffolk. Enfin après tout pourquoi pas ? J'en avais déjà vu un portant les fameuses lunettes ailées.
D'ailleurs, l'un d'eux apparut devant moi. Il était de couleur crème et possédait des antennes gris/noir. Alors c'était l'un des plus rapides, compris-je à la vu des deux antennes. Celui-ci s'empara de l'enveloppe sans rien dire ou sans émettre de son puis disparu instantanément. Ce n'était qu'une illusion, en réalité la créature volait juste à une telle vitesse qu'elle en devenait invisible à l'œil nu.
Un instant, je me surpris à songer que j'aimerais bien être à sa place. Sa vie avait l'air si simple mais si joyeuse en même temps. Pas à se soucier de l'impact de ces décisions, rendre les gens heureux en se galvanisant de plaisirs frivoles.
Penser aux choses frivoles, me rappela le livre que m'avait confié Paëlla. Je l'avais enfoui sous deux coussins de satin, sans trop savoir pourquoi. Peut-être un mauvais pressentiment. Je retirai l'objet précautionneusement essayant de le toucher le moins possible comme s'il était maudit.
J'entrouvris, en tremblant de tout mes membres, l'ouvrage à la page du sommaire. Il se décomposait en quatre parties. Je me promis alors de lire une partie chaque jour à partir de ce soir, ainsi, je m'en débarrasserai au plus vite.
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Tome 1 : Miel | Un Monde Incolore
FantasyDans un planète lointaine, Miel, un serviteur loyale de la Déesse Amaya vit dans un monde sans couleurs. Au sens littéraire du terme comme au sens figuré. Les constructions comme les coutumes vestimentaires visent à promouvoir le noir et le blanc...