Partie 3 | Effondrement (11)

10 5 0
                                    

Chapitre 11

Bols, verres, assiettes, couverts, et tout autres objets insolites gisaient au sol, cassés ou intact. Ma sœur s'était repris et respirait à grand coup. Noisette s'était attelée à tout ramassé, pour limiter le carnage.

— Miel ? Souffla Paëlla en relevant la tête et lâchant une dernière assiette, qui se brisa à son tour en atteignant le sol.

— Euh... Vous faites quoi ? Je n'avais rien trouvé de mieux à dire, et je regrettai déjà d'avoir prononcé des mots aussi inutiles dans un moment pareil.

— On fait la guerre contre l'armé ennemie, qui se trouve être la vaisselle. Ironisa Noisette esquissant un sourire.

— Hmm.

J'ai haussé les sourcils, sans parvenir à rire dans cette situation. Ça, c'était son truc à lui. Raconter n'importe quoi dans les pires moments pour détendre l'atmosphère.

— Bon, peut-être que tu appelles ça un massacre car nos pauvres adversaires ou plutôt victimes n'opposent pas vraiment de résistance. Reprit-il avec un clin d'œil en direction de ma sœur qui avait l'air un peu moins démente et avait abandonné la destruction de la vaisselle.

— Tu ne perds rien pour attendre. Maugréa-t-elle en brandissant un débris d'une assiette. J'imagine qu'elle n'était pas sérieuse.

— Ça va mieux ? Pas le temps pour toi de répondre, on est p.r.e.s.s.é.s. Reprit Noisette en décortiquant le dernier mot.

Étrange de prendre son temps ainsi alors qu'ils étaient soit disant pressés. Mais bon, parfois la logique de mon ami m'échappait.

Paëlla hocha la tête les yeux rougis et les doigts éraflés par les bouts de verres. Ils se dirigèrent d'un même pas vers la porte, en m'ignorant royalement.

— Hé ! Ne puis-je m'empêcher de m'exclamer avant de les suivre hors de l'appartement de ma sœur.

Fort heureusement, le logement de Paëlla était situé au rez-de-chaussée et s'étendait sur deux niveaux bien qu'il reste modeste. Il n'y avait qu'une chambre et une salle de bains à l'étage. Les voisins n'avaient pas dû être alertés par tout ce vacarme, car aucun n'avait sorti la tête par la fenêtre. Noisette se retourna tandis que Paëlla chuchotait « Zut. ».

— Vous allez faire un truc dangereux. Et je ne veux pas vous perdre. Alors n'y allez pas ou au moins laissez moi venir avec vous. Murmurai-je, en rassemblant tout le courage du monde, j'en avais besoin, et même cela ne suffit pas, en effet, ma voix tremblait.

J'attendais des explications. Mais je les redoutais aussi, comment ça Yann n'avait pas disparu ? Je n'avais pas très envie de connaître la réponse à cette question. Je serrai mon médaillon, priant pour Yann et pour ma sœur. Puis j'attendais le verdict, mes deux amis s'étaient arrêtés dans leur marche et demeuraient silencieux.

Noisette se décida enfin à prendre la parole, mais quand il ouvrit la bouche, ma sœur l'interrompit.

— Dis-lui la vérité sinon, ce sera encore pire, c'est comme une bombe à retardement. Tu fais tout pour éviter l'explosion, sauf qu'elle arrivera soudainement et beaucoup plus forte. Le mensonge n'est pas une solution, c'est une fuite qui t'épuisera et on a besoin de ton énergie pour... Protéger mon frère.

Elle avait deviné que je ne changerai pas d'avis. Ces mots de ma sœur me surprirent tout de même. À croire que faire des objets des victimes avait réveillé une nouvelle version d'elle-même. En vérité, je ne m'étais pas rendu compte, mais elle était juste épuisée et inventer un mensonge plausible et le faire durer aurait était trop fatigant pour elle.

— Tu es sûr ?... Bien sûr que tu es sûr, on ne dit pas ce genre de chose à la légère.

Ma sœur fut reprise d'une crise de panique et de tristesse. Cette fois, elle ne voulut pas détruire tous les objets à sa disposition.

Elle se retenait de pousser un hurlement pour se calmer. Mais ne pouvant pas (elle ne voulait pas réveiller les voisins.), elle serrait les poings, tremblant de tout son corps. Semblable à d'étranges démangeaisons. Comme si des épines se plantaient dans son cœur, et que même retirés la trace serait indélébile.

Une réaction normale quand on annonce la mort prochaine de son âme-sœur. Sauf qu'elle restait incomprise dans notre société, puisqu'ici, le Grand Amour n'existait pas. Il était prohibé.

Alors pourquoi je comprenais sa réaction ? À cause de ce foutu bouquin et de toutes ses romances à l'eau de rose. J'en venais à en dire que le "hors norme" était logique. Et je ne parvenais même pas à m'en vouloir, car comprendre ma sœur était bien non ? C'était dans les préceptes dictés par les Déesses ; prendre soin de son prochain, en se mettant à sa place.

Je ne vous cache pas que je ne réalisais pas. Yann... Mourir. C'était tout bonnement impossible. Une erreur de lecture. Il n'était pas un criminel et ne représentait aucune menace pour la nation.

Surtout que la religion, les Lois et tout autres règles avaient en première phrase, celle disant qu'il ne fallait point tuer son prochain.

Évidemment, j'étais encore dans la première phase de l'annonce de quelque chose de grave. Celle-ci consistait à avoir l'esprit nageant dans le vague et restant stupéfait en se répétant « Non ce n'est pas vrai. ». Et pourtant, je savais pertinemment que ça l'était.

Puis je me demandais comment il fallait réagir devant les autres sachant que les larmes allaient arriver d'un moment à l'autre. Ensuite, suivant la deuxième phase, je craquais et fondais en sanglots en me demandant pourquoi le malheur s'abattait encore sur nous.

Enfin, dans la dernière phase, je cherchais une solution, un espoir auquel se raccrocher. D'habitude, il n'y en avait pas. Mais en cet instant si.

Cinq jours, c'était cours presque impossible, mais ce serait cinq jours d'espérance et il fallait agir pour ne pas le regretter par la suite. Faire le maximum pour sauver une vie. Quand bien même si une des Lois serait traversée, ce serait pour suivre le commandement ultime des Déesse celui d'empêcher la mort si c'était à notre porté.

— On va y arriver. On va le secourir. Dis-je avec conviction. Je le sais, les Déesses sont avec nous.

— Je vous expliquerai le plan, sur le chemin. Beldeneige ira restera avec Frégate, elles pourront jouer ensemble et prendre soin l'une de l'autre. On avance tout droit et prochaine intersection à droite, puis à gauche et c'est le quatrième bâtiment. Renchérit Noisette, toujours aussi serein.

Paëlla acquiesça d'un signe de tête, essuyant ses larmes d'un révère de main. On a commencé à trottiner car chaque minute comptait.

— Nous allons faire sortir Yann de la prison dans laquelle il est enfermé. OK ? Commença à expliquer Noisette.

— On va appeler un avocat ? Ou bien contacter le chef de la police ? Ou alors plaider en justice ? C'est interdit de le tuer. On pourrait aller voir la Reine ou la Première Fille de la Déesse Jena. Elles sont influentes. En plus, elles connaissent nos Lois plus que personne et pourront arranger cette erreur, car c'en ait forcément une. Répondis-je.

Noisette et Paëlla se consultèrent du regard avec étonnement.

— Hmm, j'avais plutôt pensé, à aller au poste pour récolter des informations dans les documents de mon patron. Puis à me rendre sur place et à débarrasser Yann de ses exécuteurs. Répliqua Noisette.

Paëlla qui semblait songeuse pris la parole.

— Pourquoi pas les deux ? Nous pourrions aller fouiner un peu, comme tu proposes Noisette. Ensuite convaincre la reine pour qu'elle se range de notre côté et ordonne de libérer mon chéri, comme tu voulais Mielou.

— Ça me semble un bon compromis. Remarqua mon ami, tandis que j'opinais du chef.

— Ah, c'est ici. Reprit-il, en s'arrêtant devant une grande bâtisse de pierre de jais.

Tome 1 : Miel | Un Monde Incolore Où les histoires vivent. Découvrez maintenant