12. Menteuse

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11h52. Déjà trois heures que je répare la voiture de Sean et je ne saurais dire si j’ai beaucoup avancé ou pas. Cette histoire de concours ne sort pas de ma tête et j’ai bien peur que les paroles de mon frère ne finissent par prendre le dessus.

S'il avait raison ? « T’y arriveras pas. »

Mais s’il y avait un infime espoir ?

« T’y arriveras pas. »

J’ai essayé de m’organiser au mieux : j'aimerais venir sur la piste à neuf heures, le plus de matins possibles, pour m’entraîner et battre un record…

Celui de mon grand-père.

La course est d’une durée totale de trois heures pour 160 pilotes. Au bout d’une heure et demie, il y aura un temps où les 80 derniers pilotes seront sortis du circuit, laissant place à l’affrontement des 80 premiers.
Cette course comprend au total 60 tours.

Et mon problème est là : mon grand-père a effectué un de ses tours en 2 minutes et 52 secondes, et si je veux avoir une chance de gagner, il va falloir que je batte ce record.

Faire moins de 2,52 minutes ? Est ce que j’en serai capable ?

J'essuie mon front du revers de ma manche et me remets aux réparations lorsque la porte s'ouvre et que la voix de Sean résonne dans la pièce.

— Ça va ? me dit-il en observant mon travail.
— Oui pourquoi ?

Étonnée de son apparition soudaine, j’oublie de lui retourner la question.

— Non, c’est juste qu'hier après la discussion avec ton frère tu, enfin, t’avais pas l’air très bien, répond-t-il en passant la main dans ses cheveux.

Ah.

— C'était rien, t’inquiètes, soufflé-je.

Menteuse.

Ce qu’il m’a dit hier m’a fait énormément de mal. J’ai essayé de ne pas y penser en m’endormant mais toute cette discussion hantait mon esprit.

Comment a-t-il pu me dire une chose pareille ?

Une famille doit se soutenir. T’amener vers la lumière, pas t’en éloigner.

Sean s’adosse au mur et pose ses yeux sur moi.

— Ça se voit, que tu vas pas bien. En tout cas moi je le vois, souffle-t-il.
— Mais je vais bien.

Il hausse alors un sourcil.

— Si tu le dis, dit-il en croisant les bras.

Je lui tourne ensuite le dos pour me remettre aux réparations.

— Tu comptes rester jusqu’à quelle heure ici ?
— Je sais pas, 13 heures je pense.
— Tu veux que je te ramène quelque chose à manger ?
— Non, je mangerai après.

Menteuse.

Hier, je m’en suis tellement voulu d’avoir mangé à midi que je n’ai rien avalé de toute la journée par la suite.
Et ce matin je n’ai même pas pris ma tranche de pain habituelle.

Je me dégoûte.
Mais c'est plus fort que moi.

Je sais très bien que si je ne mange rien, dans deux heures je risque de tomber dans les pommes.

Mais j’ai constamment cette impression que ce que je vois dans le miroir ne reflète pas ce que les autres voient.
Mes yeux me jouent des tours. Ils n’analysent que les imperfections chez moi.

— Tu ne manges jamais ? reprend-t-il.
— Si…si.

Il hoche la tête, n’a pas l’air très convaincu. Il finit tout de même par poser une petite boîte blanche qu’il avait dans la main début sur une table.
Je souris malgré moi.

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