19. Vieux jours

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Je serais seule au milieu de tous ces pilotes.
Complètement seule.

Je tourne la tête et aperçois Kinsey, suivie de près par June, s’approcher de moi. Elles doivent sûrement revenir d’un stage.

— Tiens Everly, ça faisait longtemps, me dit-elle ironiquement.
— Comment ça va, Everly ? ajoute June en s’asseyant à côté de moi.
— Bien, et toi ?
— Moi tout va bien.

Elle tourne la tête vers la piste, puis reprend :

— Ils sont fort dis donc.
— Ils sont surtout professionnels, eux au moins, termine Kinsey d’un ton neutre.

June soupire bruyamment. Je ne réponds rien, fais comme si je ne l'avais pas entendu.
Elle sait très bien que toutes ces petites remarques me blessent.
Et ce, depuis le collège.

Sean nous rejoint et s’installe près de nous, accompagné d’Ethan.

— Ils sont super forts ces pilotes ! lance Ethan les yeux rivés sur la piste.
— Attends de voir Everly les gagner, lui répond Sean.
— C’est clair, termine June en passant un bras autour de mon cou.

Je souris malgré moi. Malgré mes doutes.

— June, ça te dit d’aller faire un tour ? lui demande Ethan.
— Oui, bien sûr, répond-t-elle tandis que je lui donne un petit coup de coude.

Les deux se lèvent ensuite et s’en vont un peu plus loin. Sean tourne alors la tête vers Kinsey.

— Je vais y aller, dit-t-elle froidement.

Lorsque nous nous retrouvons seuls, face à face, Sean plonge son regard dans le mien et ne le détourne pas.

C'est donc moi qui met fin à ce jeu en posant mes yeux sur la piste de course. Son regard suit le mien et Sean vient s'asseoir à côté de moi.

— Même les plus grands savants doutent parfois, tu sais ? me souffle-t-il en passant son bras autour de mes épaules.

J'hoche doucement la tête.

— Certains ont donné raison à ces doutes, d'autres se sont battus pour leurs prouver qu'ils avaient tort, à toi de me dire ce que tu veux faire, continue-t-il.
— Je veux leur prouver qu'ils ont tort, finis-je par dire.
— Alors montre-leur à tous de quoi tu es capable, Everly.

Je tourne la tête dans sa direction et cette fois, c'est moi qui plonge mon regard dans le sien. Il me sourit, sans détourner les yeux.

Et je ne saurais dire combien de temps nous restons là, à nous regarder.

— Je peux faire le tour du monde et revenir ici, vous serez toujours en train de vous dévorer du regard, lance une voix à côté de nous.

Je me retourne et aperçois June et Ethan, plantés derrière moi.

— Elle n’a pas duré longtemps votre balade, articulé-je simplement.
— Non, il y avait trop de monde.
— Vraiment, vous serez combien de pilotes ? demande Ethan.
— 160.
— Sacrée compète, souffle-t-il.

Toujours avec son bras autour de moi, Sean me caresse l'épaule, probablement pour me rassurer.

Je souris et June se place devant moi, le sourire en coin.
Ses yeux se posent sur le bras de Sean puis sur moi, sur le bras de Sean et encore sur moi.
Elle détourne ensuite le regard après m'avoir mimer un baiser de sa bouche.

— Ça vous dit un pique-nique ? demande-t-elle ensuite.
— Quand ?
— Là, tout à l'heure, on peut aller acheter quelques trucs à la boulangerie et se poser dans un parc ensuite.
— Carrément, intervient Sean, ça te tente ? me demande-t-il.

Je me contente seulement d'hocher la tête en guise d'approbation.

— Parfait, on se retrouve à midi à la boulangerie ? propose June.

Nous acquiesçons.

Je termine deux ou trois petites réparations et je pars pour la boulangerie.

June et Ethan sont partis marcher et Sean est retourné chez lui. Je suis restée pour avancer les réparations, d'ailleurs il faut vraiment que j'accélère la cadence si je veux aussi avoir le temps de travailler la carrosserie.

11h37. Je sors du garage en dirction de la boulangerie, vaut mieux arriver en avance qu'en retard.

Je longe la route et après plusieurs minutes de marche, j'arrive enfin devant le petit magasin. Ils ne sont pas encore arrivés.

Je décide de rentrer à l'intérieur pour commencer à choisir mon repas, je pense qu'un cookie pourrait me suffir pour ce midi.

Je pense.

J'entre dans la boulangerie sous le petit bruit de la clochette.
Le vieille dame qui m'a servi la dernière fois est toujours là. Je lui souris et m'approche du coin des pâtisseries.

— Vous désirez quelque chose mademoiselle ? me demande-t-elle.
— Euh, un cookie au pépites de chocolat s'il vous plaît.
— Pas de soucis, vous attendez quelqu'un ? ajoute-t-elle en me voyant regarder par la porte vitrée.
— Oui, j'attends des amis.
— Mmh.

Ses yeux noir sont posés sur moi et ses cheveux gris sont tressés et tombent sur son dos.
Les rides sur son visage nous laissent comprendre qu'avec l'expérience qu'elle a, plus rien ne lui échappe. Pas même un sourire présent pour dissimuler chaque crainte.

Après lui avoir tendu quelques pièces de monnaie et récupéré un sachet contenant le cookie, je pars m'asseoir en attendant l'arrivée de mes amis.

Quelques minutes s'écoulent et la dame me rejoint à la table.
Elle s'assoit en face de moi.

— Il fait beau, aujourd'hui, souffle-t-elle, l'air pensante.

Je souris, tourne la tête vers les vitres.

— Parfait pour une petite promenade, continue-t-elle.
— Je vais faire un pique-nique, tout à l'heure, finis-je par dire.
— Oh, et donc c'est votre repas ? dit-elle, l'air étonné en montrant le petit sachet.
— Oui.
— Attendez, je reviens.

Elle se lève et revient avec un sandwich et une bouteille d'eau.

— Tenez, c'est cadeau, vous ne pouvez pas manger seulement une petite pâtisserie, la faim vous rattrapera très vite, annonce-t-elle avec un clin d'œil.

J'attrape la nourriture et la pose devant moi.
Je lui souris. Chaque bonne action entraîne un sourire. Un vrai.

Elle se rassoit ensuite en face de moi et regarde à travers la vitre.

L’écran de mon téléphone s’allume et laisse apparaître un message de Sean.

« T'es déjà partie ? Je t'attendais devant le garage, j'arrive bientôt. »

Je souris en lisant son message.

— C'est un temps pour aller se promener, comme je disais, continue la dame, il y a une cascade sympa pas très loin.

J'acquiesce d'un hochement de tête, plutôt concentré à lire mes anciennes conversations avec Sean.

— C'est un bel endroit pour passer un moment avec une personne qui compte pour nous.

Je lève la tête et remarque ses yeux posés sur mon écran de téléphone. Elle sourit.
Je suppose que mes joues ont viré du beige au rouge car elle se met à rigoler doucement.

Je sens les extrémités de mes lèvres se lever et baisse les yeux.

— Certaines personnes débarquent dans notre vie au moment où l'on s'y attend le moins, mais en même temps le moment où l'on en a le plus besoin.
— Au moment où l'on en a le plus besoin, répété-je en chuchotant.

Sous le petit bruit de la sonnette, Sean fait son apparition et me rejoint.
Du coin de l'œil, j'observe la vieille dame sourire.

— June et Ethan ne vont pas tarder à arriver, je vais me choisir quelque chose, me dit-il alors.

Il part ensuite, suivi pas la dame.

— Ose et profite de ta jeunesse, tu verras, la vie passe vite, me souffle-t-elle en passant, crois moi, à mon âge, je sais ce que je dis.

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