15. Cœurs ouverts

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— 3 minutes et 15 secondes, le même temps qu’hier, me lance Sean accoudé aux barrières.

Je soupire. Je ne peux quand même pas m’améliorer du jour au lendemain.

— Tu ne m’as pas apporté des macarons cette fois ? lui dis-je en rigolant.
— Non, j’avais prévu de t’amener à la boulangerie directement.
— Sympa.

J'ôte mon casque et le dépose sur le toit de la voiture. J’ai décidé de me réconcilier avec la nourriture. Ou du moins, de faire de mon mieux.

Hier soir, j’ai réussi à manger une part de pizza. Peut-être que pour certaines personnes ce n’est rien, mais pour moi ça veut dire beaucoup.

J’étais fière de moi à ce moment-là, et puis quand Sean est parti, je suis allée dans ma salle de bain. C’est là que j’ai vu pour une énième fois mon reflet dans le miroir.

Un reflet que le monde autour serait capable de critiquer à maintes reprises.
Un reflet que j’ai moi-même jugé de nombreuses fois.
Un reflet pour lequel je me suis affamée pendant plusieurs années.
Mon reflet.

Et puis j’ai fermé les yeux. Pas pour effacer cette simple copie de moi à travers le miroir, mais pour me rappeler les regards de mon grand-père.
J’ai souris à l'idée de me sentir aimé par une personne au moins, même si elle n’est plus là aujourd'hui.

Quand je suis retournée dans ma chambre, June avait un grand sourire en coin et attendait avec impatience que je lui raconte le pourquoi du comment Sean était venu.
Alors je lui ai simplement répondu qu'il m’avait apporté une pizza.

Une simple pizza. Une si petite action. Pour une si grande cause.

Sean et moi nous rendons à pied jusqu’à la boulangerie, à quelques minutes du garage.

— Pain au chocolat ou croissant ? me demande-t-il, brisant le silence.
— Croissant, et toi ?
— Mmh, pain au chocolat.

J'acquiesce d’un hochement de tête.

— Tarte à la praline ou tarte au sucre ? dis-je alors.
— Praline.
— Moi sucre.
— Bon, il y a une chose sur laquelle je suis sûr qu’on sera d’accord.
— Laquelle ?
— Les macarons à la vanille, répond-il, les yeux scintillants et le sourire aux lèvres.

Effectivement.

Nous arrivons devant la boulangerie et entrons, laissant résonner la sonnette du petit magasin.
Sean s’avance jusqu'au comptoir et commande deux croissants.

Une fois les viennoiseries en mains, nous nous asseyons autour d’une petite table et commençons à les déguster.

À chaque bouchée, j’ai l’impression d’être coupable.

Coupable d’avaler ce simple petit déjeuner pour réussir à aller mieux alors qu’au final, le soir, je vais simplement voir le reflet même de l’imperfection.

Et me dégoûter. Alors que tout ce que je demande, c'est de m’en sortir.

— Tu sais, guérir prend du temps.

Je lève les yeux vers Sean. Je le sais.
Et peut-être que s’il n’avait pas décidé de m’aider, je serai toujours affamée.
Il essaie de m’aider du mieux qu’il peut et je lui en suis reconnaissante. Sincèrement.

— Une guérison prend du temps, mais tu y arriveras, continue-t-il.

En entendant ces mots, les coins de mes lèvres se redressent et mes yeux évitent les siens.

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