14. Regards extérieurs

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À chaque virage, chaque accélération, chaque freinage, cette impression me revient. En fait, à chaque fois que je conduis, j'ai l'impression que tous mes soucis ne sont plus là. Partis. Envolés. Disparus. Effacés.
Et lorsque je pose un pied sur le sol, tout me revient, toutes mes pensées se perdent de nouveau et j’ai l’impression de le quitter.

Parce qu’à chaque fois que je conduis, j’ai l’impression qu’il est sur le siège, à côté de moi, j’ai la sensation que mon grand-père est toujours là. Alors que ce n’est pas le cas.

Mais pourtant…

Ce qui est dans ton cœur ne meurt jamais.

Encore une dernière accélération et je parviens à franchir la ligne d’arrivée de la piste.

— 3 minutes et 17 secondes, me dit une voix lorsque je sors de la voiture.

Je me retourne et aperçois Sean sur le bord de la piste, un chronomètre à la main.

— C’est pas mal, mais tu ne gagneras pas à cette vitesse là, continue-t-il.
— Qu’est ce que tu fais ici ?
— Je suis venu t’apporter quelque chose, me dit-il en me tendant une petite boîte blanche.

Il l’ouvre alors, laissant apparaître quatres petis macarons à la vanille.

— C’est pour toi.
— Je n’ai toujours pas faim.
— Si, t’as faim, prends.

Oui, j'ai faim. C’est vrai.

Etant donné que ce matin, je n'ai pas pris mon habituelle tranche de pain, est-ce que je peux me permettre d’en prendre un ?
Juste…un ?

— Everly, il faut que tu manges.

Je sais, je sais.
Je tends malgré moi la main pour piocher dans la petite boîte. Sean m’imite et porte à la bouche un petit macaron couleur blanc cassé.

Certains comprennent le dégoût des autres envers la nourriture. Je ne sais pas si Sean le comprend, tout ce que je sais, c'est qu’il fait de son mieux pour m'aider.

— Tu vas t'entraîner ici ? me demande-t-il ensuite.
— Oui, chaque matin. Jusqu’à ce que j'atteigne un niveau satisfaisant.
— Je serai là demain aussi alors.
— Comment ça ?
— Je vais t’aider à t’entraîner, à deux, c’est toujours plus simple.

Il veut m'aider ?

— Je ne suis peut-être pas le meilleur coach, mais je ferai de mon mieux.
— Et pourquoi tu veux faire ça, au juste ?
— On perd espoir beaucoup facilement quand personne n’est présent pour nous encourager.

Je ne réponds rien, je me contente de le regarder. À vrai dire, ça ne me dérange pas plus que ça.

— D’ailleurs, tu n’as qu’à refaire un tour, je te chronomètre.

J'hoche la tête et retourne dans la voiture.  Je démarre le moteur et commence mon tour à toute vitesse, mais cette fois sous pression.

La pression de savoir que quelqu’un m’observe et contrôle mon temps. Sauf que le jour J, ce ne sera pas seulement Sean qui me regardera, ce sera plusieurs centaines de personnes.

Et sous ces centaines de regards, j’aurai deux possibilités : perdre ou gagner.

Je ralentis à l'approche d’un virage puis accélère lorsqu'une ligne droite se dresse devant moi. L’indicateur de vitesse affiche 320 km/h.

Le tour se termine et je sors de la voiture, regarde Sean pour qu’il m'annonce mon temps.

— 3 minutes et 15 secondes, deux secondes de moins.

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