Chapitre 7

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Karina se tenait devant le grand portrait de ses parents, les yeux fixés sur les visages peints avec une précision presque inquiétante. Les yeux de son père, noirs et profonds, reflétaient les siens.

Il y avait dans ce regard une détermination inébranlable, une confiance paisible, mais aussi une douceur qu'elle ne connaissait que par les récits de sa mère. Ce mélange de force et de tendresse l'ébranlait, car malgré tous les récits, elle n'avait aucun souvenir vivant de cet homme qui avait tant compté pour le royaume et pour sa famille. Et pourtant, son absence lui pesait chaque jour. Un bruit de pas derrière elle la sortit de ses pensées.

Elle se retourna brusquement pour voir Manrat, l'un des plus proches conseillers du général Marsnael, s'approcher silencieusement, son regard fixé sur elle. « Votre Altesse, » salua-t-il d'une voix calme.

Karina, surprise par cette apparition inattendue, répondit : « -Cher Marsnael... » Sa voix trahissait une certaine confusion, comme si elle venait d'être tirée d'un rêve. « Bonsoir. Que faites-vous ici à une heure si tardive ? »

Manrat esquissa un sourire en coin. « - Je pourrais vous poser la même question, Votre Altesse. » Elle se retourna vers le portrait, cherchant des réponses dans les yeux de son père peints.

« - Le portrait de la Reine et du Roi... Reposant en paix... Il est magnifiquement fait, n'est-ce pas ? »

Manrat hocha la tête, son regard glissant du portrait à la jeune princesse. « - Vous lui ressemblez tellement, à votre père. »

Karina sentit un pincement au cœur. « - Oui... Il est décédé alors que je n'avais qu'un an. Anaiar n'a même pas eu la chance de le rencontrer, elle est née deux mois après sa mort. »

Pourquoi je lui raconte tout ça ? Se demanda Karina.

Cette vulnérabilité la mit mal à l'aise, mais elle ne pouvait s'en empêcher. Elle se demanda pourquoi elle ressentait le besoin de se confier à lui, un homme qu'elle connaissait à peine mais en qui elle percevait une certaine compréhension. Manrat baissa légèrement la tête en signe de respect.

« - Je suis désolé, Votre Altesse. Il doit vous manquer terriblement. » Les mots résonnèrent dans le silence de la galerie.

« - Vous ne pouvez même pas imaginer à quel point, » répondit-elle, sa voix à peine audible, tandis qu'elle sentait les larmes monter. Manrat la regarda avec une compassion sincère.

« - Votre père serait fier de vous maintenant, princesse. Vous êtes tout ce que le royaume a toujours rêvé d'avoir. »

Ces mots étaient censés la réconforter, mais ils ne l'ont pas. Karina sentait les larmes brûler derrière ses paupières. Elle ferma les yeux, essayant désespérément de contenir ce torrent de sentiments qui menaçait de déborder.

« - Excusez-moi, général, » dit-elle brusquement en se détournant, « mais je dois partir. Je dois me préparer pour demain matin. »

Manrat s'inclina légèrement. « - Puis-je vous accompagner, Votre Altesse ? » Elle hésita un instant.

Il y avait en elle une lutte entre le désir d'être seule et l'envie inexplicable de rester en sa compagnie. Finalement, elle acquiesça d'un léger mouvement de tête. « - Oui... » Ils quittèrent la galerie, marchant côte à côte dans un silence chargé de pensées non exprimées.

Chaque pas résonnait dans les couloirs déserts du palais, amplifiant la tension entre eux. Karina était partagée entre un sentiment de sécurité étrange et une colère sourde contre elle-même. Elle détestait se sentir faible, et encore plus être perçue ainsi. Pourtant, la présence de Manrat, loin de la rassurer, ébranlait ses défenses. Ce n'est qu'à l'approche de ses appartements que Manrat brisa le silence.

« - Je suis reconnaissant de pouvoir enfin entendre votre voix, » dit-il, son ton empreint d'une sincérité désarmante.

Karina ne répondit rien, les mots coincés dans sa gorge. Elle ressentit un mélange de gratitude et de rage. Ce simple compliment, si anodin en apparence, l'énervait au plus haut point. Il avait le don de la désarmer, de la rendre vulnérable, et cela la terrifiait. Ils arrivèrent devant la porte de sa chambre. Karina s'arrêta, se tournant vers lui. Elle chercha dans ses yeux une réponse, une explication à ce tumulte intérieur. Elle aurait voulu lui dire quelque chose, n'importe quoi, pour briser cet instant trop intense. Mais au lieu de cela, elle se contenta de hocher la tête en signe de remerciement avant d'entrer précipitamment dans ses appartements.

Alors que la porte se refermait derrière elle, Karina serra les poings, sentant le froid métallique de la dague cachée dans sa robe. Une partie d'elle avait envie de hurler, de se battre contre cette faiblesse qu'elle détestait tant. L'autre partie, cependant, ne pouvait s'empêcher de se souvenir des mots de Manrat et de la douceur qu'ils avaient laissée en elle, malgré elle. Mais la troisième, oublia ce moment et ne pouvait pas attendre le moment le plus excitant qui passerait le lendemain.

Sonate au clair de lune [TOME 1]Où les histoires vivent. Découvrez maintenant