Surtout, ne pas bouger...
Ariane se dit que vingt-cinq ans, c'est décidément trop jeune pour mourir. De plus, elle préférerait largement décéder paisiblement dans son sommeil, plutôt que de finir déchiquetée par les griffes acérées d'un démon aux yeux rouges. Il est là, recroquevillé dans le coin supérieur droit du mur de sa chambre. Il ne bouge pas : il attend, se délectant semblerait-il d'avance de la capture de sa proie.
La jeune femme ose à peine respirer, inspirant et expirant par petites saccades, l'angoisse tendant chacun de ses muscles. Elle ne quitte pas le démon du regard, persuadée que sa fin est proche. Qui pourrait la sauver, après tout ? Le temps qu'elle appelle à l'aide, ou qu'elle songe seulement à se lever de son lit, la créature sera sur elle pour l'achever avec un rire dérangeant et malsain qu'elle entend déjà résonner à ses oreilles.
Ariane ne peut pas rester indéfiniment immobile, il va bien falloir qu'elle se lève, et cette entité peut sans doute passer l'éternité à attendre une erreur de sa part. Toutes les issues possibles lui semblent funestes, aussi se lève-t-elle d'un bond de son lit, se ruant vers la porte de sa chambre. Elle entend le démon sauter de son poste d'observation pour lui courir après, et elle redouble d'énergie pour atteindre la chambre de sa mère.
Comme si elle pouvait m'aider... Tout ce que je vais faire, c'est amener le démon directement à ma mère, et nous mourrons toutes les deux.
Elle ne parvient plus à réfléchir de manière logique et structurée, seule la terreur l'anime à présent. Survivre, c'est tout ce qu'elle souhaite ; elle tend le bras vers la poignée de la porte de la chambre de sa mère, mais le démon est plus rapide et elle sent ses griffes acérées s'enfoncer profondément dans la chair de son dos, lui arrachant un hurlement de douleur.
Ariane se redresse dans son lit en hurlant, la respiration haletante.
C'est fini... Ce n'était qu'un cauchemar.
Avant même de rassembler ses pensées, son regard balaye rapidement la pièce, centimètre après centimètre pour s'assurer qu'il n'y a plus aucune menace. La jeune femme pousse un soupir de soulagement, se concentrant sur sa respiration afin de ralentir son rythme cardiaque.
D'aussi loin qu'elle se souvienne, Ariane Ogey a toujours fait des cauchemars. Heureusement pour eux, ses petits frères Léon et Antoine, respectivement dix et huit ans, n'ont pas hérité de cette particularité étrange. Elle est habituée aux monstres, au sang, à la peur, et en a même fait son métier puisqu'elle s'inspire de ses voyages oniriques pour vivre de sa plume. Au départ, elle a publié de courts textes dans des magazines, avant de s'investir dans la narration d'histoires plus longues. Heureusement pour elle - ou malheureusement - son cerveau ne semble jamais à court d'imagination pour lui faire vivre des situations plus horribles les unes que les autres.
Un peu plus calme, Ariane se lève et va se préparer dans la salle de bain. Après une douche rapide, elle brosse ses longs cheveux raides et enfile une tenue confortable. Elle ne prend pas le temps de se maquiller, elle n'a pas prévu de sortir aujourd'hui et préfère laisser sa peau au naturel.
« Salut maman, bien dormi ? »
Elle s'engouffre dans la cuisine, ou sa mère s'affaire déjà à préparer le petit déjeuner des deux enfants.
« Oui merci, et toi ? »
Le regard éloquent qu'elle lance à sa mère les fait rire toutes les deux, par habitude. Il vaut mieux que cela reste sujet à plaisanterie, surtout ne pas prendre ce problème trop au sérieux.
Rien de grave, tu es forte, Ariane.
Bientôt, il sera l'heure d'emmener les garçons à l'école, puis sa mère ira travailler et elle restera seule chez elle, en tête-à-tête avec ses démons. La sonnerie de son téléphone la tire de sa rêverie ; elle sourit en voyant le nom affiché sur l'écran : « James ».
« Bonjour mon cœur, comment tu vas ?
- Ça va merci, et toi ma puce ?
- Tout va bien ici aussi, les cauchemars habituels, mais au moins je ne manquerai pas d'inspiration aujourd'hui...
- On pourrait aller boire un coup cet après-midi, je t'invite ! Qu'est-ce que tu en dis ?
- Avec plaisir, tu me tiendras au courant pour l'heure ! Bisous »
La jeune femme passe sans surprise sa matinée devant son écran d'ordinateur, pianotant sur les touches au rythme de la musique qu'elle a mis en fond sonore. La musique, en plus de ses cauchemars, l'aide beaucoup à trouver l'inspiration, à libérer ses émotions et ses ressentis. Elle est soulagée de voir qu'elle noircit plusieurs pages ainsi, elle se sent efficace et en voyant le message que lui envoie James, elle constate qu'elle a encore plusieurs heures devant elle pour exprimer son art.
Ses parents étant divorcés depuis plusieurs années déjà, Ariane vit avec sa mère et ses deux frères. Son revenu aide donc la famille à vivre sereinement, en plus de lui proposer un exutoire qu'elle ne peut se permettre de refuser.
L'heure du rendez-vous approchant, la jeune femme se change pour enfiler une tenue plus féminine et profite d'un passage à la salle de bain pour appliquer du mascara ainsi qu'un rouge à lèvres discret. Elle aime se sentir belle, et plaire à celui qui occupe une grande place dans son cœur.
Espérons qu'il me trouve à son goût.
Le bruit de la sonnette lui indique qu'il est temps d'y aller.
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Perdue
HorrorAriane fait des cauchemars depuis toute petite. Ce qu'elle n'aurait jamais pu prévoir en revanche, c'est qu'elle se retrouve coincée dans le royaume cauchemardesque... Tandis que ses proches essaieront désespérément de la réveiller, la jeune femme d...