Dépitée, Ariane ne cherche plus aucune logique à ses visions ; mais un désert ? C'est la mort assurée, à moins que...
Elle aperçoit Basile sous sa forme humaine, qui l'attend patiemment à quelques mètres du puits qu'elle se dépêche d'enjamber. Bien que son cœur refuse dorénavant d'adopter un rythme normal et d'exprimer sa joie, elle est contente de le voir. Heureuse, serait en fait le terme approprié. A travers toutes ses explorations, ses moments de terreur, ses espoirs, Basile a toujours été à ses côtés de près ou de loin. A vrai dire, elle s'est attachée à lui plus qu'elle-même oserait l'avouer. Il finit par briser le silence.
« Alors, ta petite exploration dans cette charmante cave a été de ton goût ? »
Il lui sourit, l'air ironique. Pourtant, elle sait pourquoi il l'a envoyée dans cette cave : elle y a découvert les mots de pouvoir, ce qui lui donne un avantage non négligeable. Depuis le début il n'a de cesse de l'aider ; hormis quand il se servait d'elle pour se nourrir, s'entend. Pourtant, Ariane a bien l'impression qu'en évaluant les actions de Basile, il est plutôt de son côté. Elle lui répond avec bonne humeur, se rapprochant de lui.
« Superbe exploration, très enrichissante je dirais ! Mais maintenant, nous voilà dans de beaux draps... Est-ce que tu sais pourquoi nous nous retrouvons en plein milieu d'un désert ?
— Bien sûr que je le sais... Mais ne compte pas sur moi pour te le dire. C'est un cheminement que tu dois faire sans que j'en trahisse les secrets...
— Très bien... On se met en route ? Je ne compte pas cuire sur place. »
La créature reste mystérieuse, mais la jeune femme est motivée à s'en sortir. En présence de son ange gardien, elle espère ne pas trop souffrir.
La traversée du désert se révèle bien plus pénible qu'elle aurait pu le prévoir. Maudit optimisme ! Elle est assoiffée, elle meurt de chaud et des mirages commencent à prendre forme devant elle sous forme d'images tremblotantes. Des hallucinations, rien de plus... Il faut qu'elle pense à autre chose qu'à sa piètre situation. Elle se tourne donc vers Basile, qui a l'air de bien mieux supporter les rigueurs du désert qu'elle : il est temps d'améliorer les conditions de leur exploration.
« Je m'aime. »
Basile pousse un cri étonné et se retrouve projeté à plusieurs mètres de là. Qu'a-t-elle fait ?! Elle se précipite vers lui en s'excusant, la créature lui lance un regard exaspéré.
« Ne prononce pas ce verbe devant moi !
— Tu veux dire que... à chaque fois que quelqu'un prononce ce verbe, ça te rejette de cette manière ?
— Exactement...
— Je voulais simplement améliorer les choses... Ça a marché dans la cave...
— Avec moi dans les parages, ça ne fonctionne pas. Désolé, trésor. »
Soit Basile, soit les mots de pouvoir... Pas les deux en même temps ; Ariane digère la nouvelle. Elle n'a donc aucun pouvoir d'améliorer leur sort ici ; enfin plutôt son sort, puisque Basile chemine à côté d'elle sans difficulté apparente. Pourtant, elle sait qu'elle ne mourra pas ici : il empêcherait que ça se produise.
Elle réalise soudain quelque chose : puisque la créature est rejetée par le fameux verbe « aimer », ça signifie que personne n'a jamais pu lui dire qu'il l'aimait ? Ça lui semble tellement tragique, tellement triste... Basile mérite d'être aimé, pleinement, inconditionnellement, et le fait qu'il ne puisse l'entendre de la bouche de personne est injuste. Son pouvoir a donc des limites, et sa carapace certaines failles... Ariane le trouve plus humain, à bien y réfléchir.
« C'est terrible, qu'on ne puisse pas te dire certaines choses... Je vais contourner le problème. Je t'apprécie, Basile. Beaucoup. »
La créature semble interloquée par la révélation d'Ariane : est-ce tellement étonnant ? Ne lui a-t-elle pas prouvé cet état de fait par sa confiance, son amitié ? Peut-être n'a-t-il pas vu tout ça, ou bien a-t-il refusé de le voir, trop habitué à être craint. En réalité, il ne doit pas croiser beaucoup de monde là où il se trouve... Une éternité d'isolement, voilà le sort qui lui est réservé ; mais Ariane compte bien briser ce destin. Elle est là à présent, avec lui, ils sont deux compagnons d'infortune ayant tissé des liens au fil de leurs aventures.
« Tu veux dire que... tu ne m'en veux pas de t'avoir soumise à des projections mentales ? De m'être repu de tes angoisses?
— Eh bien... non, je ne t'en veux pas. Je comprends pourquoi tu as fait ça. Et puis, tu m'as sauvé la vie plusieurs fois, ça compense, non ? »
Elle lui adresse un maigre sourire de ses lèvres sèches et gercées : la traversée du désert devient de plus en plus difficile.
Soudain, elle voit quelque chose à l'horizon : au départ elle pense à un énième mirage, mais cela se rapproche au fur et à mesure de leur avancée, et l'image est fixe. Si elle en avait la force, Ariane bondirait de joie.
Une oasis, en plein désert ! A croire que ses prières ont été entendues, à moins que ce soit Basile qui ait joué le rôle de porte-bonheur.
Les deux acolytes se dirigent vers l'oasis, leurs pas alourdis par le sable.
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Perdue
HorrorAriane fait des cauchemars depuis toute petite. Ce qu'elle n'aurait jamais pu prévoir en revanche, c'est qu'elle se retrouve coincée dans le royaume cauchemardesque... Tandis que ses proches essaieront désespérément de la réveiller, la jeune femme d...