Ariane rejoint James dans sa vieille voiture de collection, et ils se mettent en route vers le centre-ville. Aucun d'entre eux ne brise le silence pendant les dix minutes que dure le trajet, la jeune femme est plongée dans ses pensées comme souvent. La ville où ils habitent n'est pas spécialement belle, avec ses hautes tours grises et ses multiples panneaux publicitaires aux couleurs criardes. A vrai dire, Ariane préfère encore le quartier où elle habite : même si sa famille n'a pas les moyens d'avoir sa propre maison et loue un appartement, elle s'y sent chez elle.
Après s'être garés dans un parking souterrain éclairé à l'aide de nombreux néons, ils se baladent un peu avant de s'engouffrer dans un café. Comme à son habitude, Ariane commande un chocolat chaud avant de s'asseoir sur une banquette confortable, James s'installant face à elle. Ils échangent des banalités, parlant de leur journée ; Ariane lui parle un peu de son travail de la journée, sans évoquer plus en détails son cauchemar. Elle n'ose en parler ouvertement à personne, et même si James et elle sont ensemble depuis deux mois déjà, elle a parfois l'impression de ne pas parvenir à se confier à lui.
Ils se tiennent la main sur la table, les doigts de l'homme caressant doucement ceux de sa copine : voilà ce qu'il y a entre eux, beaucoup de tendresse et du réconfort. Deux âmes errantes se rattachant l'une à l'autre pour ne pas sombrer dans les méandres de la folie ou du désespoir... D'ailleurs, il y a des mots qui auraient dû être prononcés, et qui ne l'ont jamais été. Ariane se plaît à penser qu'elle ne les a jamais dits parce que ses agissements parlent pour elle, et que c'est largement suffisant. A moins que la vérité soit ailleurs...
La jeune femme sirote sa boisson chaude, détaillant l'homme face à elle. La trentaine, grand, mince, les cheveux châtains lui arrivant presque aux épaules, il ressemble un peu à une star de rock. Dommage qu'il ait loupé sa vocation, il vend des voitures dans un garage non loin du centre. Elle lui adresse un sourire affectueux, qu'il lui rend volontiers. Ila pris une bière, elle n'aime pas le goût de cet alcool ambré. D'ailleurs, elle ne boit jamais d'alcool, de peur que les cauchemars envahissent son esprit affaibli et qu'elle se retrouve impuissante face à eux.
« Quels sont tes projets ? »
Il la regarde, un peu surpris de sa question.
« Comment ça, chérie ?
- Je veux dire, quels sont tes objectifs dans la vie ? Est-ce que tu y as déjà pensé ? »
Étonné, il prend le temps de réfléchir à sa question.
« Eh bien... Je suppose que je serai promu responsable du garage un jour, si je fais du bon boulot... Et puis, on pourrait se trouver un petit coin tranquille à nous deux, s'installer, fonder une famille... Pas dans l'immédiat bien sûr, mais à long terme, pourquoi pas ? »
Pourquoi pas...
Elle se doutait de sa réponse, et la trouve particulièrement flegmatique et caricaturale. Pourquoi a-t-elle même posé la question ? Chaque comportement de la part de son petit ami semble les éloigner davantage, sans même qu'il s'en rende compte. Et pourtant, elle n'a pas envie de le quitter... Elle devrait sérieusement se remettre en question, mais elle ne s'y sent pas prête pour le moment. Ariane n'apprécie pas particulièrement le changement, la routine étant synonyme de sécurité dans un monde qu'elle trouve déjà bien assez hostile.
Consciente qu'il attend une réaction de sa part, elle hoche lentement la tête d'un air pensif. Ils boivent leurs boissons en silence, leurs doigts toujours entrecroisés, puis James la ramène chez elle. Il s'est écoulé plus d'une heure, peut-être même deux, et Ariane se laisse tomber sur son lit avec délice, contente d'être rentrée. Bientôt, Léon, Antoine et sa mère la rejoindront à la maison, emplissant le lieu de vie et de gaieté. Sa mère sera contente d'apprendre qu'elle a vu James, elle apprécie cet homme qu'elle trouve timide et poli.
Ariane se plonge dans la lecture d'un polar : s'il y a une règle à laquelle elle croit, c'est que pour bien écrire il faut lire. Les mésaventures des protagonistes la tiennent en haleine pendant une bonne heure, et elle entend sa famille rentrer sans sortir de sa chambre. Peu à peu, elle sent ses yeux s'alourdir et son regard se pose sur son téléphone : il est dix-neuf heures.
La jeune femme va aider sa mère à préparer le repas, les deux femmes discutant gaiement de tout et de rien avant d'appeler les garçons à venir manger. Ils mangent leurs spaghettis bolognaise avec appétit, puis Ariane se lève et remplit le lave-vaisselle. Elle se montre serviable par égard pour sa mère, mais aussi parce qu'elle ne veut pas retourner sur son lit tout de suite, par peur de s'endormir. Après tout, qui peut deviner ce que cette nouvelle nuit lui réserve...
Une fois arrivée dans sa chambre, elle regarde des clips vidéos sur son téléphone. Elle se laisse facilement emporter par la musique, un merveilleux moyen d'exprimer toutes ses émotions et de ressentir celles des artistes. Elle a d'ailleurs quelques posters de ses groupes préférés accrochés aux murs de sa chambre, celle-ci ressemblant en tout état de cause à celle d'une lycéenne. Elle n'a pas honte : de toute façon, elle n'a jamais été comme les autres et elle ne cherche à entrer dans aucun moule.
Parfois elle se dit que ce monde ne lui ressemble pas, et elle écrit justement pour des gens comme elle, cherchant à s'évader par la lecture, dans un monde nouveau où tout est à découvrir.
Malgré la musique, malgré ses pensées, et tous ses stratagèmes, ce qui devait arriver arriva.
Ariane s'endort... Et le moins qu'on puisse dire, c'est qu'elle va amèrement le regretter.
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Perdue
HorrorAriane fait des cauchemars depuis toute petite. Ce qu'elle n'aurait jamais pu prévoir en revanche, c'est qu'elle se retrouve coincée dans le royaume cauchemardesque... Tandis que ses proches essaieront désespérément de la réveiller, la jeune femme d...