Chapitre 22

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Ayant quitté la salle de bal, la jeune femme se retrouve dans un nouvel endroit inconnu. Ils sont dans un couloir, mais celui-ci n'a rien à voir avec les larges et propres couloirs de l'hôpital. Celui qui est devant elle est plus étroit, et l'endroit semble abandonné au vu des gravas qui jonchent le sol. Elle aperçoit aussi par terre des petits chaussons d'enfants, une peluche, des étiquettes nominatives.

Où est-ce que j'ai encore atterri...

Elle se retourne vers Basile, n'ayant pas lâché sa main depuis tout à l'heure. Ariane est très surprise de constater qu'au lieu de la créature qu'elle connaît, elle tient la main d'un petit garçon aux cheveux bruns et aux joues rebondies. Étonnamment, ils font la même taille : la jeune femme baisse par réflexe les yeux sur ses propres mains, pour se rendre compte qu'elle aussi est une enfant.

Le jeune garçon prend la tête de l'expédition, et c'est ensemble qu'ils explorent ce nouveau lieu. Des portes sont alignées le long du couloir, de part et d'autre. Lorsqu'ils arrivent à la hauteur de l'une d'elles, ils s'engouffrent dans cette nouvelle pièce : il s'agit d'une salle de classe, jonchée de gravas et d'objets divers, les pupitres recouverts de poussière.

« Qu'est-ce qu'on fait là, à ton avis ? »

Ariane se dit que Basile a la pleine connaissance de ce monde, aussi doit-il avoir une explication sur le sens de leur exploration. Il reste pensif quelques instants, avant de lui répondre.

« C'est ton cauchemar... Une sorte de quête initiatique peut-être, tu dois avoir des réponses à trouver. »

Tout à coup, un bruit de grincement fait sursauter la jeune femme : ont-ils de la compagnie ? Elle aurait parié qu'il n'y avait personne, mais cet endroit semble vaste après tout... Une porte claque au loin. Elle se sent mal à l'aise, elle ignore ce qu'ils sont sensés faire ici ; distraite, elle manque de peu de marcher sur un clou rouillé, si Basile ne l'avait pas avertie au dernier moment... Ainsi, il n'est pas là dans le seul but de la voir souffrir. Peut-être que sa souffrance physique ne lui apporte rien.

« Dis-moi... Comment ça se fait que tu sois toujours à mes côtés ? Est-ce que sans le savoir, je serais en danger de mort imminente, encore une fois ? »

La créature semble réfléchir à sa réponse, avant de faire entendre sa voix fluette de petit garçon.

« Je n'ai pas l'impression que la mort te guette, pas encore du moins... Mais je n'ai rien de mieux à faire, alors je te tiens un peu compagnie. Est-ce que ça te dérange ? »

Cette question est inattendue, et Ariane est étonnée qu'il se soucie de la déranger ou non. Lui qui est d'habitude plutôt autoritaire, est devenu un petit garçon qui se soucie de ce qu'elle souhaite... C'est trop mignon. Elle lui adresse un sourire franc et chaleureux.

« Non, ça ne me dérange pas du tout. A vrai dire, j'apprécie ta compagnie... Quand tu ne cherches pas à me terrifier pour te nourrir, bien sûr. »

Elle a l'impression de discuter avec un ami, une personne qui vit avec elle ce qu'aucun autre ne pourra jamais envisager : ses pires cauchemars, sa terreur, mais aussi son courage et sa force. Ariane sent déjà que cette aventure l'a changée à tout jamais, et elle n'appréhende plus la vie de la même façon. Il est vrai que Basile lui manquera, si elle se réveille un jour ; et ses proches risquent de ne plus la reconnaître, de ne plus la comprendre. C'est une étape qui sera compliquée... A moins qu'on la prenne tout simplement pour une folle, une déséquilibrée bonne pour l'hôpital psychiatrique. Rien qu'à l'évocation de ce lieu qu'elle a dû traverser en rêve, elle sent des frissons désagréables lui parcourir l'échine.

Les deux enfants finissent de faire le tour de la salle, attentifs aux endroits où ils posent les pieds, avant de revenir dans le couloir. Tout à coup, ils entendent un grognement agressif qui n'augure rien de bon, Ariane se retourne et aperçoit un immense chien noir à quelques mètres d'eux. Elle est tétanisée, et ose à peine respirer, serrant plus fort la main de Basile.

On a aucune chance.

Pourtant, il faut bien tenter quelque chose : aussi se met-elle à courir, le plus vite possible avec ses petites jambes de fillette, dans la direction opposée à celle du molosse. Elle entend le garçon la suivre, le chien se met à aboyer furieusement et semble se lancer à leur poursuite. Sur une longue distance il ne tardera pas à les rattraper, avec ses quatre pattes musclées : la petite fille s'engouffre dans la première pièce venue avec son compagnon et elle ferme la porte.

Ils se retrouvent dans une petite pièce noire, sans fenêtres ni lumière : sans doute une sorte de cagibi. Ariane perçoit des bruits de grattement contre les murs, sans arriver à en définir l'origine : des souris, peut-être. Elle sursaute lorsque le chien arrive à hauteur de leur cachette, et se jette de tout son poids sur la porte, la faisant trembler. Il gratte furieusement contre la paroi de bois, et Ariane a conscience qu'ils ne tiendront pas longtemps dans leur cachette.

 Ils sont faits comme des rats.

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