Chapitre 8

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La chute d'Ariane semble durer des heures, et c'est un vrai miracle qu'elle n'aille pas se briser les os sur une des parois rocheuses. Soudain, sans aucune logique apparente, une luminosité soudaine lui fait plisser les yeux et elle atterrit sur quelque chose de mou, lui évitant ainsi, sans aucun doute, de multiples et douloureuses fractures. La jeune femme ouvre peu à peu les yeux, et elle croit halluciner.

Çay est, c'est acté, je suis folle.

Ce qu'elle a sous les yeux est indescriptible tellement c'est aberrant et inattendu : il n'y a que les rêves pour lier de tels évènements les uns avec les autres sans aucun sens...

Ariane est au paradis ; enfin, l'idée qu'elle se fait du paradis. Elle est tombée sur un nuage, que de toute évidence elle aurait dû traverser mais qui soutient son poids sans qu'elle puisse expliquer comment. Il y a des nuages blancs et cotonneux à perte de vue, dans un beau ciel bleu.

Surtout, ne regarde pas en bas.

La jeune femme a une peur panique du vide, et elle ne peut que trop imaginer la vue vertigineuse qu'elle pourrait avoir de là-haut. On lui a souvent dit qu'il faut être sur quelque chose en contact avec le sol pour ressentir du vertige, mais de toute évidence ça ne s'applique pas à elle, parce qu'elle est toujours terrifiée par les vues prises de l'espace, ou les trajets en avion.

Le décor est paradisiaque, Ariane aperçoit un grand portail doré aux décors fins et délicats, peut-être le point d'entrée des âmes nouvellement accueillies ? Par contre, elle est vite étonnée du calme apparent, avant d'apercevoir un petit garçon de dos à quelques mètres d'elle. Il porte un short et un petit polo.

« Bonjour ! »

Elle se relève, retrouvant un semblant d'équilibre et marche sur le nuage pour aller rejoindre l'enfant : peut-être aura-t-il quelque chose d'intéressant à lui dire sur ce lieu, ou la raison de sa présence ici. Lorsqu'elle arrive à sa hauteur, il se retourne et son cœur manque un battement : la moitié de son visage est arrachée, comme s'il s'était fait mordre et déchiqueter par un très gros chien. Il braque l'œil qu'il lui reste sur elle, et sa tête penche en faisant un angle odieux.

Pourquoi faut-il que ce cauchemar n'ait pas de fin ? Et pourquoi son cerveau est-il si tordu à imaginer un enfant terriblement blessé de la sorte ? La jeune femme suppose qu'elle est en train de perdre la tête, et espère retrouver son intégrité physique et mentale à son réveil.

De toute évidence, cet enfant n'est pas un ange : pas d'ailes, pas d'auréole, et encore moins de visage angélique. Est-elle vraiment au paradis, ou bien dans une quelconque cité élevée dans les airs, très loin au-dessus des humains ?

« Bonj... »

L'enfant essaie de la saluer à son tour, mais sa moitié de bouche ne lui permet pas d'articuler convenablement et il baisse les yeux, l'air dépité mais résigné, avant de s'éloigner.

Ariane réprime un frisson et se remet en route, dans la direction opposée à celle empruntée par le petit garçon, espérant pouvoir découvrir quelque chose d'intéressant. La vue est dégagée sur les alentours, et elle aperçoit en face un bâtiment qui ressemble à une petite église, avec un cimetière parsemé de pierres tombales juste à côté. Un cimetière, ici ? Mais où donc sont enterrés les morts, puisque de toute évidence ils ne peuvent pas se trouver à l'intérieur des nuages ? La jeune femme ignore tout de cette cité étrange, et chaque pas soulève de nouvelles questions. Elle décide d'aller visiter les lieux, n'ayant de toute façon pas d'autre plan. Lorsqu'elle pénètre dans la bâtisse, elle a le souffle coupé d'admiration : l'église est beaucoup plus grande à l'intérieur que ce que sa façade le laisse deviner. Ariane peut admirer des plafonds aux peintures somptueuses, des vitraux aux couleurs éclatantes, et l'autel ainsi que toutes les décorations semblent faites en or.

La jeune femme déambule dans ce lieu, soulagée de croiser un peu de beauté et de calme dans son cauchemar. Elle est cependant troublée, persuadée d'entendre comme des soupirs venir des bancs de bois vides installés de part et d'autre du chemin menant à l'autel. Des soupirs venus de nulle part... Elle ne s'attarde dans l'église que quelques minutes, peut-être un quart d'heure, avant de sortir et de prendre le chemin du cimetière, par curiosité.

Ariane parcourt lentement les allées du cimetière, elle lit les inscriptions sur les pierres tombales et elle a les larmes aux yeux en découvrant qu'aucune des personnes décédées n'avait plus de cinq ans au moment de sa mort. Un cimetière d'enfant, avec des noms mignons comme Gabin, Théodore ou encore Zoé... Au fur et à mesure que ses pas la font progresser dans le cimetière, ses larmes se mettent à rouler sur ses joues pâles. Quelle horreur... Cet endroit n'est rien d'autre qu'une nouvelle facette de son cauchemar, encore une...

Ariane voudrait se réveiller par dessus tout, mais elle ignore comment faire et la frustration est presque insoutenable. Alors, elle fait une chose qu'elle n'a jamais faite : elle hurle pour se soulager.

« Je veux rentrer chez moi ! Je veux me réveiller ! Laissez-moi partir !! »

Procédé aussi étrange qu'inutile, puisqu'elle extériorise sa frustration mais que ça ne la mène absolument nulle part.

Ses cris ont amené un nouvel invité : elle aperçoit une têteau milieu des pierres tombales, une tête qui l'observe fixement.

 Une tête de clown.

PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant