Chapitre 4

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Ariane court à en perdre haleine, mettant le plus de distance possible entre elle et la maison maudite. Autour d'elle, une immensité blanche mais ce n'est pas de la neige : la matière est mate et pas fraîche comme les doux flocons de l'hiver. N'ayant aucun moyen de se repérer, et trop paniquée par ce qu'elle a vu pour réfléchir plus longtemps, la jeune femme se dirige droit devant elle en forçant l'allure.

Au bout de quelques minutes, elle aperçoit une masse sombre au loin devant elle : intriguée, Ariane continue d'avancer et constate qu'il s'agit de grandes haies au feuillage sombre, faisant facilement deux mètres cinquante de haut. Il est donc impossible pour elle de voir au-delà de cette végétation...

Elle aperçoit un chemin entre les haies, sans savoir où ça peut la mener.

Est-ce que j'ai vraiment une autre option ? Hors de question de continuer à errer dans le désert blanc, il n'y a rien d'autre à plusieurs kilomètres.

La jeune femme s'avance donc entre les haies, d'un pas moyennement décidé. Son trouble grandit quand elle constate que le chemin qu'elle suit depuis plusieurs minutes se divise en de multiples embranchements : quelle voie choisir ? Prudente, elle laisse sa main frôler la verdure à sa droite, décidant de continuer à avancer en gardant sa main proche de la paroi. Ainsi, impossible de se perdre ; du moins c'est le seul plan qu'elle trouve relativement logique.

Il ne fait ni chaud ni froid, aucune brise ne soulève sa longue chevelure brune et le lieu est faiblement éclairé, sans qu'Ariane puisse distinguer le Soleil ou la Lune dans le ciel gris. C'est calme, trop calme...

Soudain, la jeune femme entend un bruit : plutôt ténu au départ, puis de plus en plus fort au fil des secondes. Elle n'arrive pas à déterminer son origine tout de suite, mais au fur et à mesure que le bruit semble se rapprocher son cœur semble louper un battement et le sang quitter son corps : une tronçonneuse.

C'est une putain de tronçonneuse, bordel de merde !

Ariane a ses limites comme tout le monde, et ce cauchemar qui s'étire en longueur met ses nerfs à rude épreuve. Elle commence à paniquer, elle sent des frissons désagréables lui parcourir l'échine et sa respiration devient saccadée, la poussant à s'arrêter quelques secondes pour tenter de se calmer.

Bon, d'accord Ariane, il y a une tronçonneuse qui se rapproche. Essaie de voir le bon côté des choses : jusqu'à preuve du contraire, ça signifie simplement qu'il y a quelqu'un d'autre pas loin. Peut-être pourrais-tu lui demander de l'aide pour sortir d'ici ?

Les haies denses et touffues lui compliquent la tâche pour se repérer tant elles se ressemblent toutes, et étant dans un cauchemar elle a de gros doutes sur les intentions de l'homme à la tronçonneuse. De toute façon il se rapproche, il doit déjà savoir où elle se trouve, alors autant lui demander directement...

« Il y a quelqu'un ? »

Elle crie plus fort pour couvrir le bruit incessant de la tronçonneuse qui ne cesse de se rapprocher.

« Il y a quelqu'un ? »

Elle semble avoir été entendue, car le vrombissement infernal de la machine s'interrompt... Durant quelques secondes c'est le calme plat à nouveau, Ariane entend uniquement le bruit de sa respiration. Le soulagement est cependant de courte durée, car après une dizaine de secondes la tronçonneuse retentit à nouveau, l'air plus furieuse et assoiffée que jamais. Ariane se met à courir, sa main frôlant toujours la paroi de haies à sa droite : partout où son regard se pose il n'y a que cette végétation. Tout à coup, elle pousse un hurlement d'effroi : une femme à la carrure imposante, armée de la fameuse tronçonneuse fait irruption devant elle, commençant à la poursuivre en affichant un sourire carnassier.

Ariane fait volte-face en courant le plus vite possible, et au premier embranchement elle prend à droite, consciente qu'ainsi elle ne reviendra pas sur ses pas mais explorera au moins un nouveau chemin, en espérant pouvoir trouver une issue et échapper à cette furie. Le plus pénible dans ses cauchemars, c'est qu'il n'y a pas de logique autre que la souffrance et la peur : pourquoi chercherait-on à la découper en petits morceaux ? Ça n'a aucun sens, et pourtant elle redoute l'horrible supplice qu'elle aurait à vivre avant de se réveiller, si cette femme finissait par l'attraper.

« A l'aide, au secours ! Est-ce que quelqu'un peut m'aider ? »

Elle entend la femme qui se rapproche inexorablement derrière elle, et des larmes de panique coulent le long de ses joues rougies par l'effort. Elle ne voit pas d'issue, elle espère un miracle dans un monde où l'espoir n'a pas sa place. La tronçonneuse ne cesse de se faire entendre, de plus en plus fort...

Tout à coup, elle aperçoit à l'extrémité de son champ de vision une ombre noire qui arrive de nulle part. Au départ elle craint d'avoir affaire à un autre ennemi, mais cette ombre surgit devant elle et fonce en ligne droite dans les haies, lui dégageant un chemin rectiligne jusqu'à la sortie.

Voilà le miracle qu'Ariane appelait de ses vœux ! Les larmes de soulagement succèdent aux larmes de panique, mais elle ne s'arrête pas pour autant : la prédatrice, quoique légèrement étonnée par cette étrange apparition, continue à courir dans sa direction.

La jeune femme s'engouffre donc dans ce passage, courant toujours tout droit, levant haut les jambes pour ne pas s'empêtrer dans des racines ou des branches basses.



 Elle doit rejoindre cette ombre salvatrice, la seule étoile dans cette nuit d'horreur.

PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant