Chapitre 13

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Ariane ne saurait dire si elle est inquiète ou soulagée d'avoir retrouvé Basile, sa seule bouée de sauvetage dans ce monde qui n'est pas le sien. Tout à coup elle prend conscience de la situation : elle est dans les bras de la créature ! La jeune femme se dégage vivement, un peu gênée. Pourquoi se montre-t-il si attentionné tout à coup ? Pourquoi a-t-il répondu à son appel ? Il ne semble même pas en colère qu'elle se soit échappée de sa cage dorée... La situation lui paraît plus que louche.

Elle se frotte les bras, soudainement glacée. Malgré la pénombre, Basile semble y voir comme en plein jour, et reprend d'autorité Ariane dans ses bras.

« Pourquoi... Pourquoi tu fais ça ?

- Je suis ton ange gardien, tu te souviens ? »

Elle perçoit un petit rire amusé, puis une douce sensation de chaleur prend possession de son corps... tandis que celui de l'homme reste froid. Comment fait-il alors pour la réchauffer ? Elle est à peu près sûre que cette sensation vient de lui pourtant...

Les projections mentales. Prends conscience de ce qu'il se passe en toi.

Il peut autant lui faire peur que la rassurer ou lui donner une impression de chaleur apaisante... Comment se fait-il que Basile cherche à l'aider, si c'est pour mieux la torturer par la suite ? Ariane a beau se triturer les méninges, elle n'arrive pas à le cerner. Le futur étant on ne peut plus incertain dans ce monde cauchemardesque, la jeune femme décide de simplement profiter du présent et se laisse aller à ce bien-être aussi étonnant que bienvenu.

Elle ne saurait dire combien d'éternités se déroulent ainsi, dans les bras de Basile, bien au chaud dans l'obscurité... Jusqu'à ce qu'une vision étrange s'impose à son esprit, puis que son cœur loupe un battement.

Oh non, pas encore...

Des chats. Une montagne de chats écorchés vifs, miaulant de douleur et de désespoir.

Une femme à qui on arrache son enfant, et qui se jette du haut d'une falaise, déchiquetée par les rochers pointus en contrebas.

Un tueur en série, se délectant de ses meurtres et conservant les dents de ses victimes dans de petites boîtes en bois en guise de trophées.

« Arrête s'il-te-plaît ! »

Ce n'est qu'après avoir ouvert la bouche qu'elle se rend compte qu'elle crie : ces visions lui sont insupportables. Il devrait le savoir, c'est une certitude qu'il en ait conscience, alors pourquoi continue-t-il ?

« Tu sais, on cherche tous à survivre ici... »

La peau de la créature devient à nouveau brillante comme du diamant, légèrement phosphorescente dans la pénombre. Ainsi, elle avait vu juste : ces visions qu'il lui impose ne sont qu'une manière de se nourrir... de son angoisse, peut-être ? De son effroi ?

Pourquoi faut-il que la seule entité qui veuille l'aider ici soit aussi celle qui ait besoin d'elle pour se nourrir ? Ariane ressent un fort sentiment d'injustice, et s'écarte de plusieurs pas en arrière.

« Moi ce que j'aimerais, c'est surtout me réveiller et rentrer chez moi. Tu crois que c'est possible ? »

Un silence pesant s'abat sur eux, uniquement dérangé par le bruit de la respiration rapide de la jeune femme, encore angoissée. De toute évidence, il ne semble pas disposé à lui répondre ; aurait-il au moins une réponse à lui apporter ? Rien n'est moins sûr.

« Ma chérie...

- Ma... Maman ? Maman, où est-ce que tu es ? »

La jeune femme sent l'espoir revenir en elle au son de la voix de sa mère, et tente de la localiser pour la rejoindre, laissant Basile derrière elle.

« Nous nous reverrons, je le sens... »

Ce murmure, comme une menace, résonne dans son dos alors qu'elle essaie d'avancer le plus rapidement possible à tâtons. Ariane n'a qu'une idée en tête : rejoindre sa mère, qui doit être terriblement inquiète de ne pas la voir se réveiller.

Comme si un soleil illusoire se levait au loin, la pénombre laisse peu à peu place à la clarté et la jeune femme voit maintenant où elle se trouve : dans un champ de cactus. Elle est à peu près certaine que ces étranges végétaux n'étaient pas là quand elle tâtonnait, elle s'en serait vite rendue compte... Aucune logique, elle commence à s'y habituer à force.

Plus important : elle ne voit sa mère nulle part.

« Maman... ? »

La jeune femme crie, attentive au moindre bruit qui pourrait lui répondre, et effectivement elle entend un bruit de pas précipités vers la gauche : elle se précipite dans cette direction en évitant les plantes piquantes. Elle finit par quitter le champ, pour apercevoir une femme de dos à quelques mètres d'elle...

« Maman ? »

Ariane se sent tellement soulagée d'avoir retrouvé sa mère, qu'elle ne se rend pas tout de suite compte qu'il est impossible que celle-ci se retrouve ici avec elle... Mais l'ombre qu'elle connaît bien maintenant, la forme éthérée de Basile, se charge de le lui rappeler avant de disparaître.

« Ta mère n'est pas ici... Personne ne peut t'atteindre là où tu es. »

 La jeune femme arrive à refouler ses sanglots jusqu'à ce que la femme à quelque distance d'elle se retourne pour lui faire face.

PerdueOù les histoires vivent. Découvrez maintenant