Perdue

Chapitre 17

Ariane marche avec délectation dans le sable blanc et chaud de la plage, en direction de l'immense bateau échoué au loin. Une légère brise fait onduler sa longue chevelure, et elle se plaît à sourire en savourant la sérénité de l'instant. Nul ne sait ce que renferme cette épave, mais la jeune femme sait à présent que rien n'est jamais calme indéfiniment dans ce monde, aussi se tient-elle sur le qui-vive en arrivant à hauteur du lieu abandonné. Ses yeux se lèvent sur ce bateau, couché presque horizontalement sur son flanc. De toute évidence, il devait s'agir d'un navire de croisière, vu sa taille imposante, les multiples hublots, balcons et ponts. Le silence est assourdissant, seulement brisé par le bruit des vagues venues s'échouer sur le sable et contre les parois du navire.

La jeune femme ne peut pas pénétrer dans ce bateau : il est tellement grand et haut que les accès sont inaccessibles de la terre ferme, et puis ça pourrait être dangereux. Aussi, elle l'observe de longues minutes de là où elle se trouve, perplexe.

C'est trop calme.

Un pressentiment lui fait lever les yeux, et c'est là qu'elle l'aperçoit, dévalant un des ponts en pente raide. Une créature ressemblant à un homme, à la chair affreusement putréfiée et à la démarche bancale. Il dévale le pont clopin-clopant, puis chute d'une bonne quinzaine de mètres pour venir s'écraser sur le sable, ce qui arrache un cri à Ariane.

Qu'est-ce que c'est que ça encore ? Est-ce que... c'est mort ?

Elle ignore si elle devrait s'approcher pour s'assurer du décès de la créature, ou si elle devrait fuir. De toute évidence, la chose a plusieurs fractures ouvertes ; pourtant, elle la voit avec effroi se relever, puis se diriger dans sa direction d'une allure assez soutenue.

Plus de doute... C'est un zombie. Apparemment, les morts-vivants existent ici... Génial. C'est vraiment fantastique.

Ariane a un rire nerveux, qui s'arrête bien vite en voyant une dizaine de zombies sortir de l'intérieur du bateau pour dévaler à leur tour un des ponts, suivi par la suite d'un flot ininterrompu de ces créatures. La suite est prévisible : ils se jettent dans le vide pour venir s'écraser durement au sol, avant de se relever bon gré mal gré.

C'est le moment de courir, ma vieille, et t'as intérêt à battre un record de vitesse sur ce coup-là !

La jeune femme prend ses jambes à son cou dans la direction opposée : elle devrait voir la montagne de laquelle elle provient s'ériger devant elle, mais celle-ci a disparu au profit d'une forêt. Le décor qui change tout seul n'est qu'une énième fantaisie de plus dans le monde cauchemardesque ! Ariane court donc le plus vite possible vers cette forêt, persuadée qu'en zigzaguant entre les arbres elle arrivera à semer cette horde de zombies.

Elle dépasse les premiers arbres lorsqu'elle pousse un cri : un mort-vivant a réussi à lui agripper l'épaule. Elle se débat comme une furie en continuant de courir, donne un grand coup d'épaule et entend le râle de la créature s'éloigner, visiblement semé par sa course effrénée. Ariane ne se retourne pas, elle sait que ce serait une erreur parce que ça la ferait sans doute paniquer de voir le nombre de ses assaillants ; à la place, elle se concentre sur son parcours, faisant des écarts aussi souvent que possible pour ne pas cheminer en ligne droite.

Elle n'est pas une grande sportive, et sent déjà ses forces diminuer : son pouls s'est même un peu accéléré, ce qu'elle prend comme une preuve qu'elle fait encore partie du monde des vivants. C'est une bonne nouvelle, mais si elle veut le rester elle doit trouver un plan, et vite ! Elle entend déjà le râle d'un zombie proche de son oreille...

Une ombre bien connue fait irruption dans la forêt, et Ariane s'autorise à regarder en arrière : Basile renverse des groupes entiers de morts-vivants, qui tombent pathétiquement au sol, mettant un temps infini à se relever. Elle le remerciera plus tard : la jeune femme doit profiter de la diversion pour se cacher. Elle reprend sa course, et ne tarde pas à trouver un renfoncement, sous les racines d'un grand arbre. Sans plus attendre, elle s'y recroqueville, persuadée que les zombies passeront au-dessus d'elle sans la voir. Est-ce qu'ils peuvent sentir la présence d'un être humain ? Il ne lui reste plus qu'à espérer que non...

Ariane reste ainsi un long moment, limitant au maximum sa respiration, observant les zombies passer au-dessus d'elle sans se douter de rien, pour finir par se disperser parmi la végétation. Elle attend un long moment, des heures peut-être, puis elle sort de sa cachette. Il n'y a plus trace de Basile, ni de ses poursuivants : elle avance précautionneusement dans la forêt, avant d'apercevoir quelque chose d'étrange entre deux arbres. On dirait une sorte de portail, brillant d'une lumière rosée, mais où mène-t-il ? Elle en avait déjà vu dans des films ou des jeux vidéos, mais c'est la première fois évidemment qu'elle en voit un en vrai.

 Persuadée que si elle reste dans la forêt elle finira par retomber sur d'autres zombies, la jeune femme se dirige vers le portail, avant de s'y engouffrer.