Chapitre 19

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Un plafond blanc. Des murs jaunes pâle. Voilà ce qu'Ariane voit en premier lorsqu'elle ouvre les yeux. Elle est allongée sur un lit, mais de toute évidence elle ne se trouve pas dans sa chambre. Elle se redresse pour se lever, et elle se sent comme ankylosée. Tous ses gestes lui demandent plus d'efforts que d'habitude, elle doit lutter contre une fatigue diffuse. Elle parvient tout de même à se lever, et balaie la chambre du regard : aucun objet personnel, aucune décoration notable, une fenêtre avec des barreaux... Étrange. Cependant, le monde cauchemardesque l'a habituée à toutes les fantaisies.

La jeune femme sort de la chambre et débouche sur un large couloir, aux mêmes murs jaunes pâle. Non loin de là, elle aperçoit un bureau aux parois vitrées : trois personnes s'y trouvent. C'est la première fois qu'elle voit des humains « normaux »dans son rêve... Elle se rapproche, et l'un d'eux finit par la voir et vient à se rencontre.

« Bonjour mademoiselle Ogey, bien dormi ? »

Son ton est aimable, il porte une blouse blanche et un badge indique son prénom : Nathan. De plus en plus bizarre ce cauchemar.

« Bonjour... Ma question va peut-être vous paraître un peu bizarre, mais... pouvez-vous me dire où je suis ? »

Nathan arbore un sourire compatissant, avant de répondre d'un ton calme sans nuance d'ironie.

« Vous avez dormi longtemps, je comprends que vous soyez un peu déboussolée... Vous êtes à l'hôpital, en unité psychiatrique. Vous êtes arrivée hier, d'ailleurs votre maman devrait venir vous rendre visite aujourd'hui et vous ramener quelques affaires. »

En unité psychiatrique ? Qu'est-ce que c'est que ce bordel encore ?

« Il doit s'agir d'une erreur, je suis en parfaite santé... »

Nathan n'arrête pas de sourire, mais ça sonne un peu faux à présent.

« Ne vous inquiétez pas, mademoiselle. Vous avez simplement besoin de repos, vous êtes là pour ça. »

De repos ? Mais, si elle est à l'hôpital, ça signifie que...elle s'est réveillée ? Elle a quitté le monde des cauchemars ? Ariane en sauterait presque de joie, et un grand sourire s'affiche sur son visage tandis qu'elle poursuit son chemin, après avoir remercié l'infirmier. Néanmoins, un problème en remplace un autre, que fait-elle ici ? Son cerveau fonctionne légèrement au ralenti, et Ariane se demande si elle n'a pas pris certains médicaments lors de son arrivée ici, ce qui expliquerait son état vaseux.

Elle passe devant plusieurs portes fermées avec des numéros, des chambres à n'en pas douter. Devant l'une d'elles, elle perçoit même des cris mais décide de ne pas s'en mêler et de poursuivre son exploration. Le couloir débouche sur deux grandes salles : à droite il y a la salle à manger, et à gauche une salle de repos avec une télévision et quelques ouvrages dans une petite bibliothèque. Ariane ignore combien de personnes se trouvent ici, mais si elle en juge par le nombre de portes qu'elle a dépassées et la taille du réfectoire, ils doivent être entre dix et quinze patients dans le service.

Elle tente de se rappeler son admission, mais ne parvient pas à déterrer le moindre souvenir. L'instant d'avant, elle assistait à son enterrement. Puis, elle s'est retrouvée directement ici. La jeune femme a l'impression d'être éveillée, d'avoir quitté pour de bon le monde cauchemardesque, mais est-ce vraiment le cas ?Elle ne sait plus démêler le vrai du faux, elle a l'impression d'avoir complètement perdu la tête. Tout compte fait, sa présence ici est peut-être justifiée...

Ariane fait volte-face pour rejoindre sa chambre, ne sachant trop ce qu'elle pourrait faire d'autre. Elle croise une autre infirmière, portant le badge « Madison », à laquelle elle adresse un sourire poli. Soudain, elle sursaute lorsque la porte d'une chambre s'ouvre devant elle et qu'un homme très mince en sort, l'air complètement déboussolé. Ses yeux hagards se posent sur elle, alors qu'il murmure quelque chose.

« D'ici... Nous ne sortirons jamais... d'ici... Nous ne sortirons jamais d'ici ! »

Son murmure devient hurlement, tandis qu'il ne cesse de répéter la même phrase. Nathan et Madison arrivent en courant, tentent de le rassurer et l'emmènent au bureau vitré : l'homme les suit docilement, non sans poursuivre sa litanie. Ariane reste sur place, observant la scène, mais les deux infirmiers emmènent le patient dans un renfoncement du bureau et elle ne parvient pas à voir ce qu'ils font. Elle ne se sent pas rassurée, autant par la psychose de l'homme que par le mystère de sa prise en charge par le personnel soignant.

L'instinct d'Ariane lui intime de s'en aller d'ici, et vite ; mais elle ne peut rien faire, elle est impuissante face à sa situation. Il ne lui reste plus qu'à espérer que, si elle ne fait pas de vagues, on la laisse tranquille avec les médicaments. Peut-être que lorsque sa mère lui rendra visite, elles pourront demander ensemble sa sortie... Est-elle libre de s'en aller si elle le souhaite ? Elle espère que oui, sans aucune certitude.

 La jeune femme a l'impression qu'elle est sortie de son cauchemar pour en vivre un autre, d'une autre nature mais tout aussi inquiétant.

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