Chapitre 6

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Enfin un peu de sérénité...

La masse sombre prend la forme d'une forêt dense, peuplée d'arbres aux troncs élancés et aux faîtes touffus ; si touffus qu'il fait sombre quand Ariane pénètre au sein de la végétation. La jeune femme a le sentiment qu'elle va enfin pouvoir souffler un peu, car à ses yeux les arbres sont synonymes de paix et de calme. Elle plisse les yeux pour observer les alentours en dépit de l'obscurité, et elle n'aperçoit aucun intrus, rien d'effrayant, ce qui la fait soupirer d'aise.

Elle flâne entre les arbres, ses jambes caressées par quelques brins d'herbes hautes ici et là.

Si elle avait été plus attentive...

Elle aurait remarqué le silence. Elle aurait remarqué le bruissement des feuilles, alors qu'il n'y a nulle trace d'un quelconque oiseau. Elle les aurait remarqués, eux qui s'approchent d'elle avec la discrétion de loups guettant leur proie.

Quand elle les voit, il est trop tard : une massue imposante hérissée de pics métalliques menace de s'abattre sur sa tête. Elle n'a ni le temps pour une dernière prière, ni pour faire défiler le film de sa courte existence, et par réflexe elle ferme les yeux en se protégeant de ses mains. Pourtant, la douleur qu'Ariane attend ne vient pas. La mort non plus ne semble pas venir, c'est comme si le temps s'était suspendu pour quelques secondes, avant qu'elle entende un grognement étouffé.

Étonnée, elle ouvre les yeux pour constater que l'ombre, celle qui l'a aidée dans le labyrinthe, est revenue et a de toute évidence fait chuter son assaillant. Elle n'a pas le temps de réfléchir à ce qu'il se passe, il faut qu'elle prenne ses jambes à son cou et vite !

Ariane profite de l'avance qu'elle a pour se retourner et prendre pleinement conscience de la situation dans laquelle elle se trouve : trois créatures courent après elle, en brandissant des armes plus acérées les unes que les autres.

Ces êtres ne semblent ni humains, ni animaux, il s'agirait plutôt d'un mélange des deux : des corps d'hommes très imposants, surplombés de têtes de sangliers agressifs. Nulle armure ne vient entraver leur course, au contraire ils ne sont habillés que d'un pagne en cuir. Après tout, qui pourrait vouloir s'en prendre à eux... Y aurait-il des bêtes encore plus féroces qu'eux ici ?Ariane ne compte pas rester pour vérifier.

Elle court aussi vite qu'elle le peut, néanmoins ses poursuivants rattrapent peu à peu leur retard et elle fait de son mieux pour ne pas être tétanisée par la peur. Si elle doit mourir, autant se battre jusqu'au bout... Est-il possible qu'elle meure, dans son rêve ?

Tout à coup, une idée lui vient à l'esprit, et elle lui semble si évidente qu'elle se demande comment elle a fait pour ne pas y penser plus tôt. Si elle meurt dans son cauchemar... Est-ce qu'elle se réveillera ? L'idée de se faire déchiqueter par des clous rouillés ne l'enchante pas plus que ça, mais peut-être n'a-t-elle pas le choix pour quitter cet endroit... Ariane ignore donc la logique ainsi que son précieux instinct de survie, et arrête sa course, en profitant pour reprendre son souffle et calmer sa respiration saccadée.

Elle n'est tranquille qu'une poignée de secondes, avant de se sentir poussée violemment en avant. Ariane se retourne par réflexe et aperçoit l'ombre qui gravite autour d'elle, avant de la pousser à nouveau.

« Ariane... Tu vas mourir ! Va-t-en, cours ! »

Ces mots semblent venir de partout et nulle part à la fois, et la jeune femme en arrive même à se demander s'ils n'étaient pas tout simplement dans sa tête. Une voix d'homme continue tout de même à résonner, presque en un cri.

« Cours ! »

Trop tard, les créatures immondes sont arrivées à sa hauteur, et l'une d'entre elles brandit une espèce de grande faucille avant de l'abattre sur elle. Ariane recule par instinct, mais elle ne parvient pas à esquiver totalement le coup et sent une douleur fulgurante à son bras droit. Une plaie assez profonde y est apparue, et le saignement est abondant.

Putain, mais j'ai mal ! J'ai vraiment mal ! Comment est-ce possible dans un cauchemar ? Cet endroit ne peut être rien d'autre qu'un cauchemar, et pourtant est-ce que je pourrais... y mourir ?

La blessure de la jeune femme lui envoie comme une décharge d'adrénaline, et elle se remet à courir comme jamais elle n'aurait pensé en être capable, faisant de son mieux pour ignorer la brûlure de sa plaie.

« Cours ! Cours ! Cours ! »

L'ombre spectrale semble la suivre, ralentissant ses assaillants : serait-il possible qu'elle soit à l'origine de la voix qui lui parle ? Elle entend ses ordres comme une litanie, un encouragement à puiser dans ses ressources pour survivre.

Ses yeux balayent les alentours, à la recherche d'un endroit où elle pourrait se cacher ; mais l'effet de surprise de ses ennemis lui rappelle qu'ils sont eux-mêmes passés maîtres dans l'art de la discrétion, et que de toute évidence ils connaissent bien cette forêt. Il est donc impossible pour Ariane de prendre la forêt comme alliée.

Au fur et à mesure qu'elle avance, la forêt fait place à une prairie et la jeune femme va vite se cacher dans une grotte qu'elle aperçoit non loin, persuadée que les créatures ne la suivront pas dans un lieu qui ne leur est pas familier.

 Ariane va explorer, Ariane va implorer...

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