Chapitre 3

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« Ariane... »

La jeune femme ouvre les yeux, avant de froncer les sourcils en une mine perplexe : elle ne reconnaît pas l'endroit où elle se trouve.

« Ariane... »

Encore ce murmure venu de nulle part, des murs de la maison décrépie et abandonnée dans laquelle elle a ouvert les yeux. Elle se situe dans ce qui ressemble à une chambre, laissée en l'état depuis des décennies semble-t-il. Les meubles sont renversés et brisés, comme si un grand monstre avait voulu se frayer un passage. Elle entend le couinement de petits animaux qui grattent dans les murs, et elle décide de se lever, horrifiée par l'atmosphère glauque du lieu.

Il fait si froid...

Ariane est parcourue d'un frisson, sans pouvoir dire s'il provient de la température ou d'un sentiment de dégoût qui l'habite de plus en plus. Elle effectue quelques pas mal assurés entre les débris jonchant le sol, observant des jouets d'enfant mêlés aux morceaux de bois des meubles cassés. Elle ne se stabiliserait pour rien au monde en touchant les murs, moisis et suintant d'humidité.

Il doit bien y avoir quelqu'un ici, puisqu'elle a entendu prononcer son nom à deux reprises. Il faut qu'elle trouve cette personne, peut-être lui donnera-t-elle davantage d'informations sur le lieu où elle se trouve.

La jeune femme sort de la chambre et s'engage dans un couloir, long et plongé dans la pénombre. Elle manque de tomber à trois reprises, se prenant les pieds dans le tapis troué et relevé par endroits. Encore une fois elle n'ose pas toucher les murs, à l'humidité repoussante. Cependant, quand elle les observe elle peut observer des endroits plus clairs, comme s'il y avait eu des cadres photos accrochés pendant longtemps et qui auraient été enlevés récemment.

« Ariane...

- Qui... Qui est là ? »

Sa voix est mal assurée, pas aussi convaincante qu'elle l'aurait voulu. Personne ne lui répond, et elle se laisse guider par ce qu'elle pense être l'origine du murmure.

Ariane pénètre dans la cuisine, et ce qu'elle y découvre lui donne un haut-le-cœur incontrôlable : de la nourriture moisie partout, dans les assiettes sur la table, dans le frigo ouvert, dans le micro-ondes fourmillant de cafards et de mouches. Elle ne s'attarde pas dans cette pièce, visiblement déserte, et continue son exploration.

Elle débouche dans le vaste salon, un peu moins dégoûtant que l'endroit qu'elle vient de quitter.

Au moins il n'y a pas de restes de nourriture en décomposition... Je ne vois toujours personne.

L'endroit est très calme, comme suspendu dans le temps. Elle y voit un grand canapé, une vieille télévision, une table basse, des plantes en pot...

Elle ne peut s'empêcher de pousser un cri : dans le pot de la plante la plus proche d'elle se trouve un serpent, mince et très long, qui apparemment n'apprécie pas la proximité de la jeune femme. Celle-ci s'éloigne promptement, prenant appui sur un mur par inadvertance. Ariane sent un frisson d'horreur parcourir son échine : du sang dégouline du mur où elle a sa main, qu'elle ôte par réflexe. Bientôt, ce sont des litres et des litres de sang qui tapissent les murs du salon, lui arrachant un cri d'horreur.

« Ariane... Tu nous as tués... »

Ce murmure, encore ! La jeune femme ne comprend pas : elle n'a tué personne, elle n'a rien fait de mal et la voilà coincée dans cette maison cauchemardesque...

Mais oui, un cauchemar ! Je suis en train de rêver ! Réveille-toi, Ariane...

La jeune femme se sent stupide de ne pas y avoir pensé avant, absorbée qu'elle était par son exploration et les murmures qui l'appelaient. Elle se pince le bras, espérant se réveiller dans sa propre chambre avec uniquement des souvenirs glauques pour alimenter son inspiration, mais rien ne se passe. Elle ressent la douleur dans son bras, mais c'est tout.

Bon, eh bien puisque je ne parviens pas à me réveiller, c'est qu'il doit me rester quelque chose à faire ici.

« Je n'ai tué personne ! »

Elle crie, espérant que quelqu'un l'entende et que le cauchemar se dissipe de lui-même. Soudain, les murs se mettent à trembler, comme sous l'impulsion d'un tremblement de terre. Ariane cherche du regard un endroit où elle pourrait s'abriter pour se protéger d'éventuels éboulements, mais il n'y a rien pour l'aider ici.

La jeune femme se met à courir, continuant l'exploration. Elle ne tarde pas à découvrir la salle de bain, et ce qu'elle y voit la fait hurler de terreur : un miroir brisé, une douche au rideau en plastique tâché de sang et surtout, un cadavre en décomposition dans la baignoire. L'odeur est insoutenable, et Ariane doit quitter la pièce, l'image du cadavre imprimée sous les paupières.

Elle court à en perdre haleine, et pour son plus grand soulagement elle ne tarde pas à découvrir la porte d'entrée aux vitraux brisés.

 Elle ouvre la porte en grand pour s'enfuir de cette maison maudite, espérant se réveiller par la même occasion.

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