The ice of your heart

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-Mais qu’est-ce qu’il t’est arrivé ? Je m’écris en désignant les pieds nus de Salomé. Tu as patiné jusqu’à l’épuisement ou quoi ?

Mon amie dissimule ses pieds derrière une serviette qui traîne sur le sol et fuit mon regard. Je soupire, son mutisme donne raison à ma supposition.

J’arrache le pauvre bout de tissu qui couvre ses chevilles et le jette un peu plus loin, sous les protestations de Salomé.

Je grimace en découvrant ses articulations gonflées, ses orteils bleus ainsi que ses blessures encore à vif. Je connais ce genre de pieds, je les ai expérimenté et ça fait un mal de chien.

- Tu as vu ton état ? Tu ne vas pas tenir avec ce rythme, la saison n’a même pas encore commencé. Il faut absolument que tu préserves ton corps.

Salomé passe une main dans ses longues boucles de jais, les lèvres pincées en une fine ligne remplie d'amertume.

-Tu ne comprends pas, Lily ! Je n’ai pas le choix ! Mes parents ont décidé de ne plus me soutenir dans ma carrière. Selon eux, mon coach leur revenait trop cher sans que ça ne porte ses fruits. J’ai réussi à négocier un an avec eux. Si je ne fais pas une bonne saison, le patin, ça sera fini pour moi.

Je savais que Salomé traversait une période difficile depuis sa mise en repos forcée mais elle a omis de mentionner à quel point la situation s'était aggravée.

Trop obnubilée par ma personne et mes pauvres problèmes, je n'ai pas su discerner les souffrances de mon amie dissimulées derrière le sourire jovial qu'elle affiche en permanence. Pourtant, j'étais au courant de la difficulté financière de ses parents. Entre l'entreprise de cordonnerie de son père qui peine à maintenir la tête hors de l'eau et les pauvres revenus de sa mère en tant que nourrice, prendre en charge un sport aussi coûteux que le patinage est un sacré frein dans la qualité de vie.

Je ne peux empêcher la pointe de culpabilité qui m'assaille de chuchoter dans un coin de ma tête jusqu'à ce que je n'entende plus que ça : j'aurais pu éviter d'en arriver là.

Je m’agenouille pour la forcer à confronter mon regard.

-Ecoute, Salomé. Même sans coach, tu y arriveras, d’accord ? Tu en as les capacités, mais pour ça tu dois faire attention à toi et te faire confiance.

J'attrape mon sac et fouille à l'intérieur pour en sortir mes coussinets en double.

-Tiens, c’est la marque qu'utilisaient mes parents. Alors je te garantis leur efficacité. Testé et prouvé.

Un faible sourire illumine le visage de mon amie et chasse les larmes qui ont commencé à se former dans le coin de ses yeux.

-Merci, Lily. Désolée, d’avoir été un peu dure…C’est juste que je suis un peu sur les nerfs en ce moment. Tu voudras bien me donner des conseils pour améliorer mon triple salchow ?

-Bien sûr, on s’entrainera ensemble. Mais avant ça, tu te ménages !

Salomé m'enlace et je lui rends son étreinte.

-Tu es la meilleure ! Pour te remercier, je t'invite à boire un verre ce soir !

-Je ne sais pas…

Je pèse le pour et le contre. D'un côté, je n'ai pas envie de délaisser une nouvelle fois Salomé, consciente qu'elle traverse une période difficile. Et de l'autre, je pense à la longue journée d'entraînement qui m'attend demain.

Si je me pointe avec une gueule de bois, mon père s'arrachera les cheveux. Pour avoir expérimenté ma première cuite avec Tobias un soir de semaine, je ne tiens pas à renouveler l'expérience de si tôt. D'autant plus que j'avais vomi toutes mes tripes sur la glace, ce jour-là. Heureusement pour moi, non seulement Tobias m'a couverte en affirmant à tout le club que c'était à cause de lui que l'on devait l'odeur nauséabonde qui empestait la patinoire mais en plus de ça, il m'a épargné le nettoyage en le faisant à ma place. Or, demain, Tobias ne sera pas là. Et cela m'étonnerait qu'Isaac se donne cette peine si cela devait se reproduire.