Prologue

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Quelque part, dans la Haute-cité de la porte de Baldur, lors d'une belle soirée après une journée pluvieuse, année 1268.

Astarion avait repéré l'homme qui se cachait au coin de sa rue, ne fréquentant guère les coupe-gorges, il ne s'était pas inquiété de cette attitude suspecte. Il savait, de toute manière, se défendre et n'en était pas à sa première représaille. Ses oreilles à l'ouïe sur-développée ne lui avaient cependant pas permis de percevoir la respiration affolée des cinq autres roublards, chacun posté de façon à complètement le cerner.

L'elfe sifflota, faisant tourner les clés de ses appartements entre ses doigts, il mima une démarche décontractée tout en gardant à l'œil l'homme douteux qu'il allait enfin dépasser.

Puis tout se déroula très vite. Trop vite.

L'acier fendit l'air à quelques centimètres de ses côtes. Astarion était toujours armé, ayant appris qu'il valait mieux l'être à ses dépens ; alors il décoinça rapidement sa dague de sa ceinture et se tourna vers son attaquant, lame à la main. Ce n'est qu'à cet instant qu'il remarqua les trois autres ombres derrière ce dernier, ainsi que les deux autres dans son dos.

Sa décision fut instantanée, avisée, habituée par la confrontation à ce genre de situations. Astarion sourit, plaça ses mains en haut de sa tête tout en desserrant ses doigts de sa dague, sans pour autant la laisser tomber.

— Allons, avança-t-il, vous savez que la justice ne peut toujours satisfaire tout le monde. Si l'un de mes jugements vous a déplu, j'en suis désolé. Mais nous pouvons trouver un terrain d'entente. Alors, vous êtes qui ? De quelle affaire êtes-vous donc les vilaines victimes ?

— Le problème avec les magistrats nobliaux, commença celui qui devait être le chef, c'est qu'ils sont toujours persuadés que tout se règle avec quelques jolies paroles et un sourire. Et le monde leur tombe sur la tête lorsqu'ils apprennent qu'il ne leur est pas dû.

Astarion perdit son rictus confiant lorsqu'il sentit les hommes se rapprocher de lui dans des bruits métalliques d'armures et d'épées dégainées. Il reconnut l'insigne des chasseurs Gurs sur la cape de celui qui s'était le plus avancé, il n'avait pas eu de litiges avec ces malotrus ces derniers temps, mais il n'entretenait pas de très bonnes relations avec ce genre de criminels en général.

— Qu'est-ce que vous voulez ? cracha-t-il.

La peur fit tourner son sang plus vite, il se sentit plus vif mais pas assez pour esquiver le deuxième coup qu'on lui porta. Il put enfin voir le visage de celui qui en avait après sa peau, un visage grotesque, digne d'un conte pour enfant. Un visage vide de principes et d'humanité, un visage qui accompagna parfaitement ces paroles :

— Mon argent.

Astarion n'eut pas le temps de se remettre du coup de dague dans son ventre qu'il en prit un deuxième en plein milieu du dos. Ses jambes lachèrent et il sut qu'il les avait perdues à jamais. La douleur prit le contrôle sur ses pensées rationnelles, la suite ne se résuma qu'à des coups de pieds dans ses côtes, un dans sa tête, lui cassant le nez et la mâchoire, une perte de conscience lente mais retenue par son instinct de survie coriace. Les voix fanèrent, remplacées par le bruit de bottes sur le pavé s'éloignant et de sa respiration irrégulière. Son sang baigna bientôt le sol gelée par la pluie et la boue, tandis que son corps se refroidissait, perdant la vie qu'il s'évertuait à retenir.

Il ne voulait pas mourir.

Pas comme ça. Pas maintenant. Pas en étant aussi jeune. Pas avec l'avenir radieux qui attendait les nobles d'une bonne famille baldurienne telle que la sienne. Ses pensées n'allèrent pas vers ses proches, pas à tous ses clients qu'il abandonnait lâchement derrière-lui ; non, ses pensées allèrent à lui-même, d'une vanité comique, ridicule. Astarion avait toujours été égoïste ; la terreur de mourir, de se retrouver seul il ne savait où, ou pire encore, de se retrouver nulle part, dominait tout le reste.

𝐅𝐎𝐑𝐆𝐎𝐓𝐓𝐄𝐍 𝐒𝐀𝐈𝐍𝐓𝐒 ─── 𝐴𝑠𝑡𝑎𝑟𝑖𝑜𝑛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant