𝐅𝐎𝐑𝐆𝐎𝐓𝐓𝐄𝐍 𝐒𝐀𝐈𝐍𝐓𝐒 ─── 𝐴𝑠𝑡𝑎𝑟𝑖𝑜𝑛

Chapitre 11

╭─────╮

Astarion partagea la fin de sa bouteille de façon peu équitable entre leurs deux verres.

— Mais qu'ils en mettent du temps, bafouilla-t-il.

Cyron sursauta, ce dernier s'étant légèrement assoupi. Il accepta la chope que l'elfe lui tendait et la finit cul sec.

— Votre soupe déborde, lui signala-t-il.

— C'est un nom de code qui est censé vouloir dire quelque chose ? questionna la paladin.

— Non. Votre soupe déborde vraiment.

Il lui indiqua le chaudron d'un doigt et Cyron se releva en jurant. Il tituba et Astarion dut venir l'aider à stabiliser la marmite avant qu'il ne renverse tout. Ils la posèrent au sol un peu plus loin, tous deux se brûlant les doigts sur le métal chaud.

— Ce n'est pas une soupe. C'est un potage !

L'articulation du demi-elfe ne valait pas mieux que la sienne. Le vampire leva les yeux au ciel avant de partir chercher une nouvelle bouteille. Ayant développé une très bonne résistance à l'alcool au fil des années, il lui en fallait beaucoup pour en ressentir les effets. Mais il devait bien admettre que la vinasse de ce monastère était coriace, une fois dans votre estomac elle s'y accrochait comme du ciment.

Il se rattrapa à un meuble, ayant mal calculé sa trajectoire, avant de voler une bouteille et de repartir. Astarion se laissa retomber sur le banc, Cyron avait choisi de s'asseoir par terre pour y caler son dos. Il fixa le rejeton tandis qu'il rajoutait du vin dans son verre déjà à moitié plein. Astarion le connaissait assez pour savoir qu'il s'apprêtait à lui poser une question.

— Vous buvez, mais pourquoi ? Tout ce qui n'est pas du sang est censé vous dégoûter.

Le vampire soupira.

— Et c'est vrai. Tous les mets ont un goût de cendres et toutes les boissons celui de la boue. Le vin est le seul à faire exception, pour moi en tout cas.

— Et quel goût a-t-il maintenant ?

— Je n'en sais rien. Je ne me souviens d'aucune sensation de lorsque j'étais encore en vie. C'était il y a trop longtemps... Un goût de vinaigre peut-être, rajouta-t-il devant la mine triste du paladin.

Cyron sembla se plonger dans une profonde réflexion, aussi profonde que son alcoolémie le lui permettait en tout cas. La vision des flammes l'absorba, Astarion s'amusa à les contrôler, formant des arabesques ici et là, leur offrant un minimum de divertissement en ces durs temps de cohabitation forcée.

— Vous pensez qu'un peu de sang en rendrait le goût meilleur ? C'est un bon vin, c'est dommage que vous ne puissiez pas y goûter.

L'elfe se méfia immédiatement, presque sûr qu'il s'agissait là d'un énième test. Il essaya d'y penser à deux fois, de trouver quelle était la supercherie. Mais son cerveau embrumé ne lui permit pas d'aller plus loin qu'une simple inquiétude.

— Je suppose, répondit-il les yeux plissés fixés sur le paladin.

— Donnez-moi votre verre.

À la place, Astarion le plaqua résolument contre son torse. Cyron roula ses yeux dans ses orbites.

— Je ne vais pas vous empoisonner. Pas sous vos yeux en tout cas.