Chapitre 2

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Astarion testa une dernière fois ses chaînes. Le cliquetis des boucles n'en était pas différent. Les deux paladins ne le quittaient pas des yeux, ils réprimaient leur impatience, ne le pressant pas de poursuivre. L'elfe voulut les informer qu'il était le rejeton de Cazador, mais une force furieuse le fit s'étouffer sur ses mots. Astarion força, se battit contre ce qui serrait sa gorge jusqu'à en transpirer à grosses gouttes.

Cazador l'empêchait d'avouer.

Il se demanda pourquoi. Quelle importance à ce que deux paladins ignorants sachent qui il était ? Ils savaient déjà qu'il était un vampire et ils avaient compris sans problème qu'il n'avait pas agi en son nom. Mais son maître était inquiet, il le ressentait. Jamais il n'avait pris la peine de l'aider à s'en sortir et jamais ne s'était-il senti en danger de qui que ce soit. Alors pourquoi eux ?

Il laissa échapper un grognement de frustration, sa tête retomba, épuisée et douloureusement tambourinante par l'effort vain qu'il venait de faire.

— Je ne peux rien vous dire, réussit-il enfin à articuler. Littéralement, je ne le peux pas.

La femme lança un coup d'œil à son camarade. Ce dernier sembla comprendre quelque chose et fit immédiatement non de la tête.

— C'est une mauvaise idée, fit-il.

— Tu en as une meilleure, peut-être ? répliqua-t-elle.

Il ne dit plus rien et croisa les bras tout en la dévisageant d'un regard désapprobateur.

— Une mauvaise idée de quoi ? demanda Astarion soudainement agité par ce qui pouvait passer par la tête de cette lunatique

Bien évidemment, aucun ne lui répondit quoi que ce soit. La femme vint à nouveau se placer à côté de lui, Astarion en fut plus mal à l'aise que la première fois, n'ayant aucune idée de ce qu'elle mijotait. Elle sortit une petite dague de sa bottine et la dégagea de son fourreau. Le vampire déglutit difficilement.

— Je déteste voir du sang être versé inutilement, particulièrement le mien, n'en venons pas à de tels extrêmes, je vous prie.

Mais la dague n'était pas pour lui. Sans l'écouter une seconde, la paladine se trancha le poignet sous ses yeux sans même tiquer. La vue et l'odeur du sang lui ravagèrent l'estomac d'une faim animale. La peine d'un ventre vide et demandant lui avait été presque insupportable pendant des dizaines d'années ; aujourd'hui, il pouvait partiellement l'ignorer. Mais voir de ses propres yeux le nectar carmin encore chaud d'une créature vivante, coulé en abondance à quelques centimètres de lui était tout bonnement de la torture. Il tira un grand coup sur ses liens, ne sachant trop s'il désirait sauter à son cou ou bien fuir le plus loin possible.

— Par Tyr, ses yeux... jura le demi-elfe. Attention, Ashe.

Ashe. Enfin un prénom sur un visage.

— Je sais ce que je fais.

Elle ramassa calmement une coupe qui traînait plus loin, vérifia qu'elle n'était pas sale, puis porta son poignet ensanglanté juste au-dessus. Elle banda ses muscles pour amplifier le flux de l'hémorragie puis elle attendit qu'elle se remplisse à plus de la moitié et marmonna quelques mots qui illuminèrent sa plaie d'une magie verte avant qu'elle ne se referme lentement. La jeune femme reporta ses yeux sur lui et Astarion dut admettre que le contact visuel fut fastidieux à maintenir, alternant naturellement entre ses iris et le verre.

— Vous avez un maître, n'est-ce pas ?

Ses lèvres, scellées de force, étaient une réponse en elles-même. Sans prévenir, elle lui plaqua la coupe à sa bouche avec une telle violence que son crâne fut projeté dans un craquement contre le bois du pilier. Ashe avait dû prévoir ce qui adviendrait, puisqu'avant même qu'Astarion n'ait le temps de se dérober, sa poigne ferme le maintint immobile par la mâchoire. La terreur absolue urgea à nouveau dans ses veines. Il ne devait pas. Il n'avait pas le droit. Il ne devait pas. Il n'avait pas le droit. Il allait le payer.

𝐅𝐎𝐑𝐆𝐎𝐓𝐓𝐄𝐍 𝐒𝐀𝐈𝐍𝐓𝐒 ─── 𝐴𝑠𝑡𝑎𝑟𝑖𝑜𝑛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant