Chapitre 7

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Astarion écoutait sans grande conviction Gayle parler de la meilleure façon de mijoter un canard tandis qu'il préparait ce dernier. L'elfe s'était rabattu sur son armure après l'avoir lavée et rincée, reprisant ses manches détruites par leur altercation avec les gobelins. Il avait oublié ce qu'était la sensation de calme et de repos bien mérité, reconnaissant du simple fait d'être assis, au bord d'un feu lors d'une soirée tempérée, un verre de vin calé contre ses chevilles. Une sensation oubliée, oui, mais pas inconnue ; et il se demanda bien à quoi pouvait donc ressembler sa vie passée pour être aussi douce. Les bavardages du mage sonnaient presque comme de la musique, sa voix grave et l'odeur de viande grillée, à laquelle il était hélas devenu insensible, berçant quelque peu Astarion dans son activité. Il en était venu à copier de mémoire les broderies qui ornaient ses précédentes manches, il se débrouilla plutôt bien, reproduisant avec précision la symétrie des arabesques dont il décorait son armure. L'elfe ne s'interrompait que pour boire une gorgée de vin ou pour répondre avec lassitude à l'une des nombreuses questions de Gayle.

— Astarion, vous ne m'en voudriez pas si je vous posais une question indiscrète ?

— Probablement si, mais faites donc.

— Pouvez-vous sentir votre corps se décomposer ?

Le vampire haussa un sourcil.

— Parmi toutes les questions qui pourraient vous tarauder sur ma personne, c'est celle-là que vous choisissez ? Je suis plutôt habitué à ce qu'on me demande mes préférences au lit mais à chacun son truc, je suppose. Et non. Je ne ressens rien du tout. Mon corps est mort dans un certain sens mais toujours vivant d'un autre. J'ai toujours été plus inquiet pour mon odeur corporelle... Effluve de cadavre n'a jamais été une note très avantageuse pour qui que ce soit. Mais honnêtement, il n'y a rien qu'un peu de bergamote ne puisse masquer.

— Bergamote ? Vous sentez plus le brandi si je puis me permettre.

— Oh mais permettez-vous donc. J'adore les louanges.

— Si vous adorez les louanges, permettez-moi de vous dire que ce que vous faites est très joli.

La voix qui venait de raisonner très près dans son dos le fit sursauter, il se piqua un doigt avec son aiguille et jura tout en lançant un mauvais regard à Ashe qui l'avait surpris.

— Je ne me doutais pas que vous saviez broder, ajouta-t-elle.

— Je ne me doutais pas que vous aviez un diplôme en furtivité.

Elle se laissa tomber sur le tronc à sa droite, se positionnant entre lui et le magicien qu'elle félicita aussi pour la cuisson du canard. Elle se reconcentra sur Astarion et sa couture.

— Puis-je ? demanda-t-elle en lui indiquant son armure sur ses genoux.

— Bien entendu.

Il la lui tendit et elle la saisit avec précaution, coinçant l'aiguille et le fil dans sa paume pour ne pas gâcher sa progression. Ashe inspecta rapidement les broderies, tendant le cuir pour mieux les faire ressortir. L'elfe nota quelque chose dans l'intensité de ses yeux, de la nostalgie peut-être. Malgré l'étrange sentiment qu'elle semblait éprouver en observant quelques brodures, Ashe était visiblement tendue. Astarion avait remarqué son dérobement au groupe lorsqu'ils s'étaient installés autour du feu. Cyron manquant aussi à l'appel, il n'avait pas été très compliqué de déduire sa destination. Le blond ne tarda d'ailleurs pas à faire bientôt sa réapparition lui aussi. D'encore plus mauvaise humeur que d'habitude, il partit s'isoler dans la tente générale.

— Vous vous y connaissez en couture ? finit-il par demander à la demi-elfe pour faire la conversation.

Ashe laissa échapper un rire léger, comme si l'idée même était absurde.

𝐅𝐎𝐑𝐆𝐎𝐓𝐓𝐄𝐍 𝐒𝐀𝐈𝐍𝐓𝐒 ─── 𝐴𝑠𝑡𝑎𝑟𝑖𝑜𝑛Où les histoires vivent. Découvrez maintenant