Dans ma tête

Miaou

Mal de tête. Mal de dos. Mal partout. J'ouvre les yeux. Trop de lumière. Quelque chose sous ma cuisse. Je soupire. Je ne prends même pas la peine de regarder et me contente de le lancer par terre. Le bruit me fait grimacer. Je me risque à ouvrir une nouvelle fois les yeux. Je me redresse et m'assoie sur le canapé sur lequel j'ai dormi. Après quelques secondes à fixer la télé encore allumée sans vraiment la voir, je regarde autour de moi. Des bouteilles de bière vides partout, deux cartons de pizzas, la télécommande sur laquelle j'étais allongé... Et cette odeur ! Je fronce le nez avant de me lever en grommelant pour ouvrir ma fenêtre. Je laisse mon volet fermé, l'écran de ma télé éclairant suffisamment la pièce. J'arrive à atteindre la cuisine en évitant tout ce qui jonche le sol malgré ma tête qui tourne. Je m'arrête. Devant mon frigidaire ouvert se trouve une silhouette.

-T'es qui toi ?

Elle se retourne en m'entendant. Je vois ses yeux verts faiblement éclairés par la petite ampoule du frigo. Et ses oreilles, ses moustaches, ses poils... J'ai un soudain mouvement de recul : un chat est debout dans ma cuisine.

-Il te reste pas une bière ? Dit-il d'une voix grave.

J'appuie mon dos contre le chambranle de la porte et m'assoie par terre. J'ai encore du abuser hier soir.

-T'as qu'à regarder dans le salon...

-Merci mec, me répondit-il en passant devant moi.

Je frissonne en sentant sa queue frôler mes genoux nus. Je me relève maladroitement et le regarde inspecter chacune des bouteilles éparpillées. Puis, ayant trouvé ce qu'il cherchait, il s'affale sur un fauteuil. Il zappe un moment, les pattes arrières posées sur la table basse, avant de s'arrêter sur un documentaire sur les forges du 16ème siècle.

-Tu devrais plus regarder ce genre de choses au lieu de glander devant tes merdes.

Je reste muet, incapable de réagir. On entend seulement le bruit sourd du marteau qui tape contre une plaque de métal suivit d'une voix-off. Au bout d'un moment, il me regarde, étonné.

-Bah viens, reste pas debout comme un con.

Je m'avance lentement vers lui et m'apprête à m'assoir sur le canapé quand il s'écrie :

-Fais gaffe ! Tu vas te faire mal.

Je reste en suspens, à moitié assis dans le vide, sans comprendre. Puis je le vois prendre une sorte d'écharpe poilue dans mon dos et la mettre à côté de moi. Je regarde sans comprendre, puis m'assoie. Je tends la main pour prendre une bière à moitié vide quand je me rends compte que j'ai le bras recouvert de poils. Je le retourne et me retrouve face à quatre coussinets.

-Bordel de merde ! M'écrie-je en me levant.

Je cours dans la salle de bain où la lumière est déjà allumée. Le miroir me montre un véritable chat de taille humaine, debout et effrayé. Je me recule lentement, jusqu'à atteindre un mur sur lequel je prends appuie. Sans faire exprès, j'enclenche l'interrupteur et suis éblouie par la lumière vive de l'ampoule. Ampoule qui vient de s'allumer...

Je retourne brusquement dans le salon et attrape le chat par le cou, lui y enfonçant sans le vouloir mes griffes.

-T'es qui bordel ?

Il s'agite, arrive à se libérer et s'empresse de s'éloigner de moi, les poils hérissés.

-Tu vas te calmer mec ! J'sais pas c'que t'as pris mais c'est pas encore totalement redescendu alors t'en prends pas à moi. Tu respires et tu te poses, ça va passer. OK ?

Je le regarde, complètement perdu. Ça devait être ça, c'est simplement à cause de ce que j'avais pris la veille. Je finis par acquiescer.

J'allais me rasseoir quand on sonna. J'ouvre la porte pour me retrouver face à un livreur de pizza, humain lui. Il me fixe un moment avant de finalement lâcher ce qu'il avait dans les mains et partit en hurlant. Je sens que l'on me pousse sur le côté mais je ne réagis pas. Le chat ramasse les quatre pizzas que l'homme a laissé tomber tout en riant.

-C'est vraiment des femmelettes ces humains.

Il ouvre une des boites et la hume avant de continuer :

-Sens moi ça mec, un vrai bijou.

Comme je ne réagissais toujours pas, il me donne un tape sur l'épaule tout en recommençant à rire.

-Ça t'a vraiment mis à l'envers ton truc : on dirait que c'est la première fois que tu vois un humain.