Jour 38 - Miah & Théodore (Montréal, Canada)

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          Théodore se faisait littéralement traîner dans la rue par sa femme.

Plutôt que de perdre du temps à discuter, elle avait fini par l'attraper par le poignet et elle remontait maintenant l'avenue d'un bon pas tandis que lui bougonnait dans son sillage.

– On n'est pas obligé d'y aller aujourd'hui Miah... Tenta-t-il de protester.

Plus il y pensait, moins il était chaud pour cette idée.

– Est-ce que tu as la moindre idée du temps qu'il faut pour avoir un rendez-vous chez ce médecin ? Lui dit-elle. C'est déjà un miracle qu'il ait accepté de nous recevoir ! Alors tu vas aller le voir et il va vérifier que tout va bien.

Comme nombre d'hommes, Théodore avait expérimenté les règles une semaine plus tôt et Miah, en bonne hypocondriaque, avait décidé qu'il devait aller voir son gynécologue pour s'assurer que tout était normal.

Les jérémiades de Théodore la semaine passée l'avaient plus impressionnée qu'elle voulait bien l'avouer et elle craignait que cette pathologie, comme elle aimait l'appeler, s'accompagne de problèmes de santé plus graves.

– Mieux vaut être sûr qu'il n'y a rien, dit-elle, je serais plus tranquille une fois qu'il t'aura examiné. Tu verras, ça n'est rien du tout. Je fais cela tous les ans et je n'en suis pas morte.

Derrière elle, Théodore n'était pas rassurée. Miah sentit les muscles de son bras se contracter sous sa paume.

– Tu ne me laisseras pas tout seul, hein, Miah ? Lui demanda-t-il.

Théodore n'était pas l'homme le plus courageux qui soit.

Miah jeta un regard par-dessus son épaule à la petite femme au regard de chien battu que devenait son mari chaque fois qu'il était effrayé.

– Bien sûr que non, Théo, dit-elle. Je resterai si tu le souhaites. Il n'y a pas de problème.

Depuis la veille, l'idée qu'il allait consulter un de ces médecins l'affolait tellement qu'il n'arrivait plus à redevenir un homme. Dès qu'il fermait les yeux, il voyait des images qui oscillaient entre le glauque et le terrifiant et un goût de panique lui envahissait la bouche.

Il va me regarder « là » ? Se répétait-il. Il va mettre sa tête entre mes cuisses et il va me regarder ? Il va me toucher et m'introduire des ustensiles ?

C'était cette partie-là qui l'effrayait le plus.

Et pour cause.

La semaine précédente, lors de ses premières règles, Théodore avait voulu utiliser les tampons hygiéniques de Miah. Après tout, on disait partout que c'était la solution la plus pratique pour continuer à mener une vie normale lorsqu'on avait ses règles.

La douleur qu'il avait ressenti en insérant sans réfléchir le petit bâtonnet de coton blanc lui avait fait pousser un cri et Miah était immédiatement venue voir ce qui se passait.

– Ça n'est pas ainsi qu'il faut faire, lui avait-elle dit. D'abord, tu dois trouver une position confortable, ensuite il faut te détendre. Tu dois y aller doucement, c'est une partie sensible.

Jamais il ne serait venu à l'esprit de Théodore qu'un simple tampon hygiénique pouvait le faire crier de douleur.

Mais alors, avait-il songé, les rapports sexuels ça doit être terrible si c'est mal fait ? Et se faire violer... ça doit être un véritable supplice ?

L'idée que des hommes puissent prendre du plaisir en faisant subir ce genre de choses à des femmes lui donnait envie de vomir et, depuis, une nouvelle peur s'était mise à le hanter : celle de se faire violer.

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