Chapitre 10 - Atiyan

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Tu viens de le promettre.

Dix minutes ? Une heure ? Trois ? Ça n'a plus d'importance. Mes bras sont immobiles le long de mon corps. Regarde-toi. Tout est vide de sens, je suis vide de sens... J'attrape la barre d'un lampadaire qui m'éclaire avant de tourner autour, sans même savoir si je vais le lâcher. Je reprends mon chemin. Mes larmes ne cessent de couler, je ne suis pas triste, mais elles continuent de ruisseler. Je ne suis plus rien. Je me contente d'aligner le prochain pas et de voir ce qui se passe. Je ne sens plus le froid, il n'y a plus rien à ressentir. T'es faible. Cela me fait sourire, ça n'a plus d'importance, ça n'en n'aurait bientôt plus. La situation et l'endroit ne sont pas les mêmes, mais chaque sensation est identique à ce soir-là. Dans cette cuisine, contre ce frigo, avec ce couteau. À l'exception que ce soir, je n'ai pas la foi d'appeler quelqu'un. Il est hors de question que je me brise encore pour rien. Pour que rien ne change. Pour qu'ils fassent comme-si ce n'était jamais arrivé. Qu'ils continuent leurs petites vies, et qu'ils oublient mon existence.

T'as même pas le courage d'assumer tes torts.

J'envoie balader cette pensée, pas question qu'elle vienne gâcher ce moment, ce dernier moment. Tout doit être silencieux, Il ne doit y avoir que mon cœur et ma respiration profitant de leurs dernières secondes de fonctionnement. Les étoiles ont tiré leurs révérences pour cette nuit. Il n'y a que le croissant de lune brillant entre les nuages. Je n'ai pas la force aujourd'hui, je ne pourrai pas attendre jusqu'à sa prochaine apparition.

Mon téléphone vibre dans ma poche, Elya. C'est sûrement un signe, un dernier espoir de ne pas sauter le pas. ça reviendrait à quoi ? Si je ne le fais pas maintenant, ça sera dans une semaine, un mois. Je raccroche et sans regarder les messages, éteins mon téléphone. Je le laisse glisser entre mes doigts jusqu'à se fracasser contre le bitume. Ça n'a plus d'importance. L'atmosphère est calme ce soir, paisible, douce. Les pieds au bord du trottoir, la pointe de mes orteils vole dans le vide. L'air est si pur, il le sera chaque seconde là-bas. Mon visage s'illumine, pas grâce à un lampadaire, mais par des phares. Je ferme les yeux, mais je vois la lumière s'approcher, puis c'est au tour du moteur de ronronner dans mes oreilles. Je souris, je ne peux faire que ça, je ne veux faire que ça. Ma main se pose dans le bas de mon dos. Elle ne m'en voudra pas hein ? pensé-je en regardant le ciel. Je lui ai promis, mais je suis assez nul pour tenir mes promesses. Le regard sur la lune, elle est si belle. C'est maintenant les roues que j'entends glisser. Une larme m'échappe, puis une seconde sans s'arrêter. Le klaxon résonne comme dernière tentative de me ramener. Je lève mon pied et me laisse tomber.

— AAATTTIIIYYYAAANNN !!!

C'est fini, je vais rencontrer le sol, une seconde de douleur pour une éternité en paix. Des mains enroulent mon ventre et je ne ressens que la douleur. Roulant sur l'asphalte, à m'en déchirer les coudes. Je rouvre les yeux, la lune est toujours là au-dessus de moi. Je devais être avec elle, pourquoi je suis aussi loin, pourquoi encore. Un visage passe au-dessus de moi, ses mains sur mes joues. Il me parle, rien ne me paraît réel. Je détourne le regard, la voiture s'est arrêtée, le conducteur est toujours dedans. Je vais devoir vivre avec le fait de l'avoir traumatisé. T'es pathétique. Tout devait être si simple, plus de tempête, plus rien, mais je suis encore là, sous ce lampadaire qui me brûle les rétines. Pourquoi, pourquoi tu m'as sauvé ? Pourquoi Léno ? Laisse-moi mourir.


Jusqu'au prochain brouillardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant