Chapitre 13 - Atiyan

45 7 0
                                    

L'éclipse est arrivée. Cette trêve. 

Elle a souvent été bénigne. 

Mais comme tout mon monde. 

Ma noirceur a fini par l'atteindre.

Ma veste jetée sur le dossier d'une des vieilles chaises remise au goût du jour, la chaleur des lieux est un réel plaisir. Tilla est partie en réserve, me proposant de m'installer en l'attendant. L'ambiance de la boutique est bien différente des autres jours. Tous les présentoirs sont vidés de leur garniture et le silence qui y règne, mélangé à cette douce odeur de chocolat, est apaisant. Tilla revient de la réserve deux verres à la main. Contrairement à moi, elle a pris le temps de se changer depuis hier. Elle me tend un des gobelets, elle a mémorisé que je prends habituellement un chocolat chaud.

— Ça va ? me demande-t-elle en essayant d'être naturelle.

Mes mains gèlent autour du verre. Je hoche bêtement la tête. Je dois encore empester l'alcool et la clope avec un supplément de transpiration.

— Ils t'en ont parlé ?

— J'ai deviné.

Je reste figée face au lait. Je ne veux pas voir la pitié dans son regard et encore moins d'empathie.

— C'est moi qui ai envoyé Léno te parler à la bibliothèque, m'avoue-t-elle.

Mon regard se lève instinctivement. Pourquoi ? Pourquoi elle a fait ça ?

— J'avais remarqué le changement dans ton regard depuis un moment, je n'ai jamais osé venir te voir. J'ai profité de sa culpabilité pour qu'il aille te parler.

Elle n'a jamais osé. Elle voulait me parler. Toutes ces informations prennent place dans mon esprit, je suis incapable de lui répondre alors elle reprend.

— J'avais peur de ne pas trouver les mots, d'être maladroite, continue-t-elle entre deux gorgées. Tu as toujours été un exemple pour moi, surtout en primaire.

— Moi ? un exemple, ricané-je nerveusement évitant de justesse de m'étouffer.

— Tu ne t'en rends pas compte hein, de cette aura que tu as.

Moi, 'ai une aura ? Je retiens les larmes d'escalader mes paupières. Ça parait si sincère.

— T'as beau être dissimulé sous ta capuche, tout le monde se retourne sur toi.

Je ne peux m'empêcher de rigoler. C'est un peu too much, là. Les gens me regardent surtout car je suis différent.

— T'es d'une gentillesse si pure et tu es si entier.

— Pourquoi t'es pas venu me parler si tu penses tout ça de moi ? osé-je demander.

La bouche entrouverte, je peux sentir sa gorge serrée, mais elle se ravise et avale sa boisson chaude.

— Je vais chercher le kit médical, change-t-elle brusquement de sujet.

D'un signe de tête, elle m'indique mon coude droit. Une tache de sang recouvre mon manches longues. Elle se lève et avant que j'aie le temps de parler, elle se faufile à l'arrière du magasin. Je déteste qu'on me force à parler, je ne peux pas lui imposer ça.

Quand elle revient, le kit à la main, mon chocolat chaud est descendu de moitié. Elle a beau faire comme si tout allait bien, ses yeux rouges et gonflés la trahissent.

— On n'en parlera pas, dis-je timidement. Mais ça va ?

— Oui, me répond-elle après une grande inspiration. Merci.

Jusqu'au prochain brouillardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant