Chapitre 14 - Atiyan

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Il y a toujours eu deux types de tempêtes. 

Celles que tu vois venir, et les imprévisibles. 

Je préfère les imprévisibles, elles sont certes déstabilisantes. 

Mais elles ne trottent pas dans ta tête jusqu'à en exploser. 

Et celle qui arrive, je la sens au fond de moi depuis le début de la semaine.

Samedi.

J'étouffe, pour une fois pas à cause d'une crise d'angoisse – pas encore –, mais à cause de ce col roulé. C'est moche et ça gratte, mais c'est le seul habit à peu près classe que j'ai. Les manches sont suffisamment longues pour ne pas mouler mes bras squelettiques. Ça suffirait peut-être à éviter les commentaires. Mon parfum aspergé, ma coiffure peaufinée, il ne me reste plus qu'à attendre. J'entends de ma chambre le vacarme que fait ma mère en bas. J'aurais pu aller l'aider, mais on n'a pas vraiment parlé depuis la dernière fois. Elle m'a présenté des excuses, mais à la première occasion, ça va repartir. Je me contente de rester assis sur le bord de mon lit. Mon téléphone à la main, Elya a enfin fini de me harceler par message. Ce qui me tient en haleine, c'est le Insta de Léno. La phrase de Tilla m'a trottée dans la tête toute la semaine.

Je pense que ça serait bien que t'envoies un message à Léno.

Mon agacement a beau s'être apaisé, je n'arrive pas à prendre le recul nécessaire pour savoir si c'est la meilleure chose à faire. Je reste face à la conversation, sa photo de profil au sommet. Je commence à taper.

Atiyan : Salut, c'était pour te dire que tout allait bien.

J'efface et réessaie.

Atiyan : Salut, j'espère que ça va.

Pourquoi je suis si nul ?

— Tu parles à ta meuf ? me surprend une voix masculine.

Je lève la tête. Accoudé aux murs violets de ma chambre, il porte son plus beau costard. Ses cheveux coiffés en arrière, ses mèches châtains me rappellent ceux de ma mère. Le pendentif familial autour de son cou, sa barbe récemment rasée.

Mon frère, Hiris.

— T'es con, lui lâché-je en éteignant mon téléphone.

Léno peut attendre un jour de plus.

— Ça raconte quoi ? continué-je.

— Pas grand-chose, répondit-il en passant sa main dans ses cheveux. Le travail quoi, et toi ?

Et moi ?

— Les gars vous venez m'aider ? crie ma mère.

Maintenant qu'il est là, je n'ai pas d'excuse pour descendre. Je passe devant, pour ne pas créer un blanc je finis par répondre rapidement.

— Pas grand-chose.

En bas, le salon est toujours le même, ce n'est qu'une fois arrivé dans la salle à manger que je vois les efforts mis en place par ma mère. Elle a dressé la table à l'aide d'un chemin en toile. Les petites assiettes dans les grandes, les couverts alignés sans oublier les flûtes à champagne à côté des verres à vin. Pour la fantaisie, elle a rajouté de petites bougies scintillantes ainsi que des morceaux de bois en forme de feuille, de vague ou de soleil. Ce n'est pas très raffiné, mais mignon.

— Ça sent trop bon, s'enjoue Hiris arrivé au pied de la cuisine. T'as fait quoi ?

Les mains protégées par des gants, son tablier autour des hanches, me rappelant Léno et Tilla, elle sort un grand plat du four qu'elle jette presque sur le plan de travail. Un voile de fumée se dégage. Et je vois de là la salive couler sur les lèvres de mon frère. C'est un des défauts de vivre seul, les repas ne sont pas très élaborés et très répétitifs.

Jusqu'au prochain brouillardOù les histoires vivent. Découvrez maintenant