La tête embourbée dans une fatigue sans nom, je tente comme je peux de suivre le récit interminable de notre prof. C'est devenu normal d'avoir les paupières lourdes, les frissons me parcourant le corps et le manque aigu de concentration. J'ai de plus en plus de mal à enchaîner les cours, le taff, les devoirs, les sorties. Mais je ne peux pas échouer. Je me tape légèrement la joue, cela a comme unique effet de faire rire ma voisine. Les paupières plissées, je recopie ce que le tableau affiche. Ça ressemble à de l'histoire, ou peut-être de la géo.
Je dois me reprendre !
Une grande bouffée d'air frais inspirée, je suis bel et bien en histoire. Je rattrape du mieux possible mon retard même si je sais pertinemment que je finirai par demander une photo de son cours à Tilla. On a découvert qu'on était dans le même lycée et depuis, on reste tout le temps ensemble. Je l'aime bien, elle est plus calme que le reste des personnes que je côtoie. Sa chevelure blonde me rappelle ma mère. Ses iris bleus hypnotisent n'importe qui, elle fait craquer pas mal de monde.
— Monsieur Baltiman, pouvez-vous me répéter ce que je viens de dire ?
Je bégaye, ce qui fait rire la classe. J'en suis incapable, je ne me souviens même pas du timbre de sa voix. Madame Polini me mitraille du regard. Son carré plongeant démodé accompagné de son long nez me donnent l'impression que mes secondes sont comptées.
— Bien, vous viendrez me voir à la fin de l'heure, me punit-t-elle en retirant ses lunettes.
Le cours reprend sans que je ne puisse sauver ma peau. L'heure de retenue me guette, je ne peux pas me permettre d'être collé. Les quinze minutes qui restent mettent ma patience à rude épreuve. J'ai un léger sursaut à la sonnerie, j'attrape mon sac et je prie pour que ma présence ait quitté la mémoire de Polini.
— Baltiman, venez ici.
Et merde.
— Je ne sais pas ce qui vous arrive ces derniers temps mais votre attention en cours diminue, me sermonne-t-elle en rangeant ses affaires. Bien que vos notes soient correctes, restez en garde sur votre façon d'agir.
— Oui, Madame, m'excusé-je le plus sincèrement possible.
— C'est un avertissement, Baltiman.
Un demi-sourire aux coins des lèvres, elle prend pitié de moi et me laisse partir. Je ne suis pas particulièrement fan de Madame Poloni et de sa façon d'enseigner, mais ma frustration et mon immaturité ne doivent pas entraver mon jugement. Je dois me ressaisir.
Traversant les interminables couloirs qui longent les différentes salles de classe, je m'arrête à mon cassier. J'y loge mon sac qui ne contient qu'un cahier et une trousse. Je n'aime pas être ici, je trouve ça limite glauque. La déco vieillotte, les casiers et les portes en bois abîmées avec leur petit hublot renforcent l'ambiance d'hôpital psychiatrique. Je dois avoir mon diplôme, mais je ne peux nier mon envie quotidienne de quitter ces lieux.
— Alors comment va mon gars ?
Mon pessimisme est stoppé par Chris, un des potes avec qui je traîne les seules fois où je ne suis pas avec Tilla. Je rabats la portière de mon casier et le salue d'un check. Son grand sourire me fait rapidement oublier mes pensées, c'est l'un de ses talents. Il a cette joie de vivre qui peut entraîner tout le monde avec lui, mais sa folie occasionne parfois de sacrées situations. Une fois, il a eu l'idée de se raser complètement le crâne. Tout ça n'est qu'une façade, je me rappelle l'une de nos dernières soirées ou ayant trop bu, il m'a dégueulé toutes ses incertitudes. Sur sa famille, sur sa scolarité, sur le fait d'être l'un des seuls noirs de ce lycée, sur ses croyances. J'ai trop bu pour me souvenir de tout, mais je ressens la peine que ça m'avait procuré.
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Jusqu'au prochain brouillard
RomansaMa pénombre a depuis longtemps éclipsé la lumière. Ponctuée de noirceur, la vie d'Atiyan n'est pas au bout de ses chamboulements. Pris dans une tempête personnelle, il s'est protégé de tout, sauf de l'espoir et encore moins de la forme qu'elle alla...