Tout devait disparaître.
N'être qu'éphémère.
Mais je respire encore.
L'oxygène me brûle les poumons.
Et mon cœur déchire ma chair.
Je suis là, en vie. De retour dans cette chambre aux couleurs irritantes. Je n'ai pas parlé à Léno de tout le trajet. Il a insisté pour me ramener chez moi pour être sûr que je ne retente pas. J'ai senti ses regards pendant que je fixais le paysage. Il a attendu que je parle, que je me confesse. Je n'ai réussi qu'à revoir ses mains autour de ma taille, qui m'ont éjecté en arrière.
Il n'avait pas le droit, il devait respecter mon choix. Il croit qu'il peut venir me sauver comme ça ? Je suis seul et il est hors de question qu'il se pointe comme une fleur pour changer ça, c'est trop facile.
Je repasse ce mépris en boucle dans ma tête. Je n'ai pas fermé l'œil de la nuit. Même les premiers rayons du soleil ne m'ont pas fait réagir. Je n'arrive pas à dormir, mais j'arrive encore moins à me lever. Calé contre l'oreiller, engouffré dans mon matelas, il m'aspire. Foutue dysanie. Ma seule occupation est de rassurer Elya, qui est restée toute la nuit au téléphone avec moi. J'entends toujours ses ronflements. Elle est la seule autre personne à être au courant, j'ai fait promettre à Léno de ne rien dire. Reste à voir s'il sait garder les choses pour lui.
AAATTTIIIYYYAAANNN !!!
J'envoie valser ce souvenir, je n'ai pas besoin de ça, mais je revois ses mains, son visage. Il avait été là... Je me lève d'un bond, pour ne pas y penser et surtout parce que la porte d'entrée vient de s'ouvrir. J'attrape mon téléphone et regarde quel jour il est. Dimanche. C'est peut-être ma sœur ou mon frère, mais le plus probable reste ma mère. Je mets fin à la communication avec Elya, la fin de ses ronflements plongeant ma chambre dans un silence glacial. J'ouvre entièrement mes volets, puis balance mes vêtements, jusque là étalés sur le parquet, sous ma couette. Je m'arrête à mon bureau, remettant ma chaise à sa place.
— Chéri, résonne sa voix en bas.
C'est elle.
Les crayons remis dans ma trousse, je jette plusieurs mouchoirs usagés avant d'harmoniser le tout. Ses pas résonnent dans les escaliers. Je frotte mes yeux comme si cela suffirait à faire volatiliser mes cernes.
— Ouhla, monsieur tu n'as pas beaucoup dormi, dit-elle du même ton enjoué que d'habitude.
Je la regarde sans répondre, un sourire hypocrite sur mes lèvres. Les mains dans mon dos, mes ongles se préparent. C'est ma mère, mais elle ne voit rien. Elle l'aurait sûrement remarqué si elle avait vu mon état en rentrant cette nuit, mais elle n'est plus là, elle a choisi une autre vie.
— Tu veux manger quelque chose ? demande-t-elle avec ses yeux noisette.
Je me contente d'acquiescer.
— Parfait, tu descends ? Faut que je te parle d'un truc.
Un truc ?
Je hoche à nouveau la tête.
J'ignore si je me suis éternisé dans ma chambre ou si le temps est juste passé vite. Le radio-réveil du salon affiche treize heures. Rivée sur sa messagerie digne d'une pré-ado, elle m'attend, assise sur le canapé. Elle a sorti des tiroirs tous les petits déjeuners, périmés ou pas. Elle ne me remarque qu'une fois que je m'installe dans le fauteuil, le cuir de celui-ci qui marque mon action d'un bruit insupportable. Son sourire s'élargit, ça n'annonce rien de bon. J'attrape une brioche et mange, attendant qu'elle daigne commencer son discours.
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Jusqu'au prochain brouillard
RomanceMa pénombre a depuis longtemps éclipsé la lumière. Ponctuée de noirceur, la vie d'Atiyan n'est pas au bout de ses chamboulements. Pris dans une tempête personnelle, il s'est protégé de tout, sauf de l'espoir et encore moins de la forme qu'elle alla...