J'ai passé la dernière demi-heure à attendre dans ma voiture. Ma playlist habituelle comme seule occupation, j'ai eu droit à plusieurs messages de Elya venant s'assurer que tout se passe comme prévu, comme elle l'a prévu. Mon supplice prend fin en voyant la porte de la maison s'ouvrir. Atiyan sort, un petit sac sur le dos. Il n'a pas de manteau mais un sweat qui recouvre son col roulé. Le tour de la voiture fait, il prend place à côté de moi. Je reste fixé sur la tonne de boucles d'oreille qui orne ses oreilles, au moins cinq de chaque. Sa capuche les cache à chaque fois.
— On va chez toi ? demande-t-il à moitié intéressé.
— Nop, m'exclamé-je en allumant le moteur. On sort.
Cette nouvelle ne le ravit pas, mais j'ai déjà organisé cette soirée. La route ne dure qu'une quinzaine de minutes. Entre la vérification dans mes rétroviseurs je l'aperçois, la tête contre la vitre embuée. La musique ne semble pas vraiment l'emballer.
— Tu veux que je change de musique ? tente-je. Ce n'est peut-être pas ce que tu aimes ?
— Nan, t'inquiète.
Sacré échec. Elya m'a fait un topo de tout, sauf du manque de conversation de son cher meilleur ami. Je me retiens de retenter ma chance, et me concentre sur la route, les mains encore machinalement à dix heures dix.
La voiture garée sur un carré d'herbe, je coupe le moteur et rejoins Atiyan, déjà sorti. Son grand cargo noir le rapetisse.
— Le parc ? sérieusement ? se retourne-t-il, dubitatif.
— Le parc de nuit, c'est une autre ambiance, tu vas voir.
— Une ambiance où on risque de se faire agresser ?
Je plisse des yeux, sidéré par ce qu'il vient de dire.
— Tu ne sais pas penser de manière optimiste, toi.
— Ce n'est pas mon truc, désolé, rétorque-t-il avec sarcasme.
Une main sur la lanière de son sac, il prend les devant et commence son chemin. Marchant côte à côte, les arbres qui nous entourent auraient pu nous plonger dans une véritable forêt si les chemins ponctués de lampadaires ne nous guidaient pas. J'adore cette ambiance, le calme qui y règne, la lumière tamisée, le vent balayant mon visage.
— Mme Lincolz va bien ?
J'ai beau m'être creusé les méninges, c'est la seule chose que je sais sur lui, – ou presque. J'ai une idée de son mal-être, mais pas sûr que ce soit le meilleur sujet à déballer. Il s'arrête et je fais de même. Cet air sur son visage me juge complètement.
— C'est tout ce que t'a trouvé ? Mme Lincolz.
— Disons que t'es pas la personne la plus simple à cerner.
Il a un hochement de tête, comme pour approuver ce que je viens de dire.
— Fais comme tout le monde, hausse-t-il les épaules. Pose des questions.
Il reprend la route avant de se retourner pour ajouter quelque chose.
— Pas de truc embarrassant ou intime, je te tue sinon.
C'était une blague ? Il a l'air bien sérieux. Un rictus calme mes frayeurs et je le rattrape. Je réfléchis à ma prochaine question tout en suivant son rythme. Pas de question sur le travail. Pas sur l'amour visiblement.
— C'est quoi ton animal préféré ? pose-t-il en premier.
— Mon animal préféré ? ricané-je, surpris.
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Jusqu'au prochain brouillard
RomanceMa pénombre a depuis longtemps éclipsé la lumière. Ponctuée de noirceur, la vie d'Atiyan n'est pas au bout de ses chamboulements. Pris dans une tempête personnelle, il s'est protégé de tout, sauf de l'espoir et encore moins de la forme qu'elle alla...