5 - Natacha

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— Natacha ! Que fais-tu ?

La voix rogue brûlée par les cigarettes d'un de mes gardes me fait sursauter. Je ne peux jamais être tranquille bien longtemps. On me surveille comme une casserole de lait sur le feu.

— J'ai besoin d'un moment ! Je suis constipée !

— Devant le lavabo ? Grogne-t-il.

— Et alors, tu veux venir m'essuyer les fesses ?

— Non, bien sûr ! Prends ton temps !

— Encore heureux, dis-je excédée.

Je dois demeurer ferme. Il m'arrive de leur donner des ordres. Les Mutri sont à ma botte pour s'exécuter et me protéger. Je suis l'épouse de leur chef. À ce titre, j'ai droit à bien des égards. Bien entendu, la courtoisie ne fait pas partie de notre mode de communication, j'ai dû très vite l'apprendre.

Je claque le couvercle recouvert de diamants de mon pilulier pour le fermer. Je promène avec moi une valeur inestimable, toujours. C'est une exigence du Régent. Ce combat, je l'ai abandonné. Trop épuisée, je m'efforce de me redresser et de reprendre contenance, ce cachet de caféine devrait me redonner de l'énergie rapidement. Je dormirai plus tard à l'aide de la chimie, à un moment approprié.

Je sors mon tube de "rouge interdit" tartinant mes lèvres d'une couche épaisse. Puis, je les frotte l'une contre l'autre, étalant bien cette crème épaisse. J'admire le résultat dans le miroir.

Je suis une forteresse imprenable...

Parfait !

Aucun homme n'aurait envie de m'embrasser. J'en ricane.

Je regarde ma montre ciselée de diamants... encore. Je souris. Il est 20 heures en Bulgarie, je pourrais téléphoner.

Heureuse à l'idée de passer ce coup de fil, je sors de ce lieu, pleine d'énergie. La caféine commence à me donner un coup de fouet, à moins que ce ne soit ce sursaut de bonheur. Je remets ma carapace au fur et à mesure que j'avance. La plupart du temps, mes soldats ne me regardent pas, ils n'en ont pas le droit. En revanche, ils doivent s'assurer que je ne cours aucun danger.

— Je remonte pour téléphoner !

Mes gardiens hochent la tête et se positionnent autour de moi, me laissant mon espace vital. J'ai toujours été très clair sur les contacts. Seuls Lazar et mon mari peuvent me toucher, pas de la même façon évidemment. Cependant, comme je suis devenu frigide, le Régent est de moins en moins intéressé, ce qui m'arrange tout à fait. Il me conserve pour d'autres raisons...

Nous arrivons à l'ascenseur, un des gardes appuie sur le bouton d'appel. J'attends impatiemment, pressée de rejoindre ma suite, de fuir tous ces regards qui me considèrent comme une bête de foire. Les doubles portes glissent enfin pour que nous puissions pénétrer. Un des soldats vérifie qu'il n'y a personne à l'intérieur et aucun danger. J'avance dès que son hochement de tête m'indique que la voie est libre. Mes Mutri m'encadrent et la cabine se referme.

Tout à coup, une main masculine puissante agrippe un des battants l'obligeant à s'ouvrir à nouveau. Un des vigiles de l'hôtel apparaît.

— Nan ! Lance mon garde, faisant reculer le gars.

Cette armoire à glace arque un sourcil. Nous ne nous quittons pas des yeux pendant que les portes se referment. Je l'ai repéré ce type. Il est toujours dans mon sillage. Il a un physique de bad boy, lui aussi. J'en souris intérieurement. Même si son costume lui donne de l'allure, il dégage autant de danger qu'un mafieux.

Finalement, nous montons et la cage métallique nous libère à mon étage, le dernier. J'avance à grands pas, soudain pressée. Le couloir est interminable avant d'atteindre l'entrée luxueuse de la suite royale, impatiente de pouvoir être moi, enfin en quelque sorte, car il y a bien longtemps que Naëlle n'est plus.

Je sors la carte magnétique de ma pochette et la pose sur le lecteur. Mon Mutri pousse la porte et nous pénétrons dans notre antre royal.

Immédiatement, mon soldat me bouscule. Je chancelle et me rattrape au mur comme je peux, le dos tourné. Un gémissement de douleur s'échappe de ses lèvres. Je me redresse et pivote. Mon colosse s'agrippe la tête et le sang dégouline de sa tempe. Ses yeux papillonnent. Il s'écroule à mes pieds.

Mon autre garde saute sur un de nos assaillants. Ils sont trois en tenue de serveur. Seulement, d'un simple coup d'œil, je reconnais l'attitude des gangsters et non du personnel hôtelier d'un établissement aussi luxueux.

Un homme contre trois, mon Mutri va avoir fort à faire. Les lames s'élancent dans les airs. Je soulève ma robe et récupère mon poignard en inox. Celui-ci ne me quitte que pour me doucher. Jour et nuit il est accroché le long de ma cuisse par deux lanières confortables qui épouse parfaitement ma morphologie.

Je brandis bravement mon couteau étincelant. Pas question que je crève ici. Je n'ai pas subi tout ça pour mourir dans une suite d'hôtel si loin de Bulgarie.

Je bondis en avant et prends part à l'assaut.

— Attention, Natacha ! Marmonne mon garde.

Il sera tenu responsable si on me coupe un seul de mes cheveux d'or et il pourrait même perdre la vie de la main du Régent s'il survit à cette attaque-surprise.

Les trois hommes face à moi se scindent. Deux d'entre eux s'occupent de mon unique soldat encore debout. L'autre se tourne vers moi. Son sourire malicieux m'indique qu'il ne me prend pas au sérieux. Je ricane. Il va être surpris. Je ne me suis pas élevée à ce rang en me vernissant les ongles. Je me jette en avant et mon poignard fend l'air en diagonale pour lui faire une belle balafre sur la joue.

Le type recule, la main sur la coupure et grimace.

— Depuis quand les gonzesses manient la lame comme les mecs ?

Il crache ces mots comme si j'avais porté atteinte à sa masculinité.

Pauv' débile !

— Depuis que les mecs sont trop cons pour comprendre que ce ne sont pas eux qui commandent !

Et pan ! Dans tes dents !

Le lascar balance son couteau d'une paume à l'autre pour faire le malin. Je fronce les sourcils. Il me prépare un sale coup. Une montée d'adrénaline me submerge et mon cœur accélère.

Soudain la porte claque derrière moi. Je sursaute.

Le vigile de l'hôtel qui souhaitait grimper dans l'ascenseur est là, dans ma suite.

Nous sommes enfermés, je crains le pire.

Je me décale sur le côté pour garder ces deux zigotos dans ma ligne de mire.

Le nouveau venu semble vouloir entrer dans la danse.

Sa mâchoire se contracte. Sa main s'enfonce dans sa veste.

Il en ressort un pistolet automatique surmonté d'un silencieux.

Mes poils se hérissent.

Je me crispe.

L'attitude revêche du vigile ne me dit rien qui vaille.

Son canon monte vers moi.

Mon garde du corps pousse un cri et s'écroule sur le parquet verni.

Je ne suis plus que seule contre quatre.

Je suis finie !

Etreinte enflammée (romance militaire)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant