Etreinte enflammée (romance militaire)

4 - Adrien

C'est la merde !

Déjà trois jours et il ne se passe rien !

Les Régents semblent en vacances. Pas un mouvement.

Spa pour la reine et casino pour le roi.

Comment entrer en contact avec Naëlle ?

Se souvient-elle qu'elle a été cette personne ?

Je m'arrange pour demeurer dans son sillage dès qu'elle sort de la balnéo. Le directeur de l'hôtel étant très impressionné par mon curriculum vitæ, il a exigé que je m'occupe de nos clients si particuliers. Bien sûr, les Régents ont leurs gardes du corps. Une bande de malabars en costard sur mesure, tout en muscle. Des brutes épaisses à n'en pas douter. Les tatouages dépassent parfois des manches et des cols de chemises. Je conserve une distance raisonnable avec eux. Mon approche de la première journée avec une blague m'a renvoyé un sourire carnassier, des poings serrés. Ces armoires à glace sont prêtes à mordre, même un vigile, probablement juste pour se dégourdir un peu.

J'oublie ma frustration et déambule dans le casino.

La fabuleuse Natacha se tient debout derrière son mari, une main sur son épaule, pendant qu'il escroque quelques milliardaires.

Est-ce pour lui porter chance ou éloigner toutes les prétendantes ayant envie de se faire remarquer par un bad boy ?

Ce dernier sait allier la classe et le danger. Il doit susciter facilement l'excitation de la gent féminine sans avoir à se lancer dans de grand discours. Son smoking sur mesure tombe impeccablement sur ses monstrueux pectoraux. Il a dû être lutteur, lui aussi, dans une ancienne vie. Sa coupe de cheveux mi-rasée d'un côté, mi-longue de l'autre, lui donne un air canaille et encore plus de charisme. Son regard acéré ne rate aucun mouvement autour de lui. Ce mec est dangereux, dans le sens létal.

Son bras droit, Lazar, l'accompagne à la table de poker. Celui-ci joue face à son boss. Je devine à leurs coups d'œil et mimiques discrets qu'ils fraudent. Leur connivence est incroyable. Elle me fait penser à celle que je partage avec mes frères d'armes au BOC. Ces deux truands roulent leur bosse ensemble depuis de nombreuses années. Le directeur du casino ne relèvera pas leur tricherie. Le mafieux a dû suffisamment graisser les pattes pour être libre de mouvements et plumer les joueurs de la table.

Quant à la reine de glace, elle est splendide, là, debout, sa main appuyée nonchalamment sur ce roc de chair et de sang. Je peine à détacher mon regard. Cette gonzesse est un véritable aimant. D'ailleurs, on ne voit qu'elle au milieu de cette grande salle de jeux. Sa robe dévoile la naissance de ses seins. Un diamant d'une taille indécente repose sur le bombé de sa généreuse poitrine, comme s'il était placé sur un écrin précieux. Ce lamé bleu acier met en valeur son regard métallique. Sa crinière d'or tombe en cascade sur son dos nu. Ce dernier arbore un lion couronné en haut de son omoplate gauche. Cet emblème de leur gang, tatoué sur sa peau, m'a été révélé quand elle a pivoté brusquement et que ses cheveux ont suivi le mouvement, me rappelant cruellement que si elle n'est plus dans mon camp, je devrai l'éliminer. Je tique et ça me brûle les entrailles. Pourtant, ce ne sera pas la première personne que je fais disparaitre sur ordre. Et mon cœur n'a jamais tressauté. D'ailleurs, je me reconnais un peu dans chacun de ces Mutri : obéir, ne pas poser de questions, sacrifier sa vie pour une cause qui nous dépasse. La légalité est un paramètre qui pèse parfois peu dans la balance.

Naëlle peut-elle être encore des nôtres ?

Je suis totalement déstabilisé par cette beauté glaciale, ses lèvres rouge carmin, ses prunelles d'argent. Son regard acéré mitraille qui ose la contempler avec trop d'insistance. Les hommes qui ne sont pas assez courageux se détournent bien vite ou l'admirent en cachette. Elle parait indolente, mais j'ai pris conscience qu'elle ne ratait rien autour d'elle.

Est-elle en mode survie ?

Cette femme est une montagne de contradictions !

Et je me demande encore, en observant ce couple, qui possède l'autre ?

Finalement, ils sont très bien assortis. Clairement, ça me fait mal. Comment a-t-elle pu passer de future médecin, de potentiel agent voulant venger sa sœur à reine de la mafia bulgare ?

Soudain sa posture sexy se transforme en démarche chaloupée. Elle vogue entre les tables de jeu vers la sortie. Immédiatement, deux gardes du corps lui emboîtent le pas.

Espérant qu'elle se rend aux toilettes les plus proches, je me hâte et pénètre à l'intérieur, avant qu'elle n'y parvienne. La porte de la salle d'aisance pour femmes se referme derrière moi. Plusieurs cabines sont ouvertes. Je me précipite dans l'une d'entre elles et me dissimule, ignorant les fauteuils de velours luxueux, les tablettes, les miroirs partout. Ces derniers, je m'en méfie. Le jeu des reflets peut être redoutables pour qui veut se cacher.

Le battant s'ouvre.

Je suis aux aguets, prêt à changer de comportement si besoin.

Bingo !

Je reconnais le cliquetis de ses talons. J'entraperçois la belle pénétrer dans cette vaste pièce et se positionner devant les lavabos. Ceux-ci sont peu nombreux et entourés de tout un tas de produits à disposition de ces dames. Le faste est omniprésent, même ici.

Face à elle, un miroir. Naëlle ne peut m'apercevoir. Ses gardes du corps sont restés à l'extérieur. Je tique, aucun n'a vérifié qu'il n'y avait pas de danger. C'est heureux pour moi, même si j'aurais pu prétexter une ronde incendie. Après tout, je n'exécute que mon job : assurer la sécurité des clients.

Elle pose sa pochette, soupire et son masque tombe. J'en suis déboussolé. Ses traits sont défaits et transpire de tristesse. Sa lèvre tremble. Mon cœur accélère et l'espoir naît qu'elle est encore dans mon camp. Le contraire me ferait si mal, même si je n'en saisis pas les raisons.

Mon regard reste aimanté à chacun de ses gestes. Elle sort une petite boite tapissée de pierres brillantes, probablement précieuses. Sa bouche se pince pendant qu'elle ouvre le couvercle et examine l'intérieur d'un œil réprobateur.

Se drogue-t-elle ?

D'ici, je ne peux voir le contenu de son pilulier. Si elle est accroc à une quelconque substance, nous sommes mal. Il sera impossible de compter sur elle si j'arrive à prendre contact. Je me renfrogne. Elle gobe un comprimé, fait la grimace et attrape un verre sous plastique pour le remplir avec une bouteille d'eau minérale.

Naëlle repose le verre un peu trop brutalement et appuie ses deux mains sur le support de chaque côté de l'élégante vasque. Un nouveau tremblement la saisit. Un gémissement lui échappe. Le contraste avec ce qu'elle dégage dès qu'elle a des spectateurs est stupéfiant.

Va-t-elle faire un malaise ?

Je me redresse prêt à intervenir lorsque la porte s'ouvre brusquement, stoppant net mon geste.

Bataillon des Opérations Clandestines