9 - Adrien

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C'est l'après-midi et il est temps que je reprenne mon service au Palais des Diamants. Je vérifie que mon costard est nickel et une fois dernière fois que le chargeur de mon glock est plein. Je descends les étages, récupère mon casque intégral dans le coffre et enfourche ma bécane. C'est le meilleur moyen d'éviter les embouteillages à Paris et mon bolide m'assurera aussi de m'enfuir rapidement si jamais j'en avais besoin.

Je passe la porte de service de cet hôtel de luxe et inspire un bon coup.

Comment vais-je de nouveau approcher ce "gang des clous" ?

Je marmonne dans ma barbe. Je pénètre dans notre salle de repos pour vérifier les consignes.

— Salut Mike ! Je lance à mon collègue.

— Salut Rémy !

Eh oui, pour cette mission, je ne pouvais conserver ni mon vrai prénom ni mon pseudo. Alors j'ai choisi, en accord avec nos faiseurs de légendes, Rémy Martin. C'est LE cognac le plus prestigieux. J'ai eu la chance de le déguster une fois. À presque trente mille euros la bouteille, ce n'est pas près de se reproduire. J'avoue : j'adore découvrir les alcools de luxe, c'est mon péché mignon, ça et les femmes.

— Ça va ?

Il pince la bouche avant de me répondre.

— Hâte de finir mon service. Ces Bulgares sont bien exigeants ! Tiens, voilà une note pour toi !

J'attrape l'enveloppe pour prendre connaissance du contenu. Jamais eu entre les mains une feuille cartonnée de cette épaisseur. Ici, tout est raffiné, le silence est d'or, les pas feutrés. Quand je vais retourner au BOC, je ne vais plus être habitué au langage fleuri de mes collègues et aux gribouillis qu'on s'échange sur n'importe quel support, même parfois des serviettes de table lorsque l'on n'a pas autre chose sous la main. Et puis, ces carrés en papier, c'est très pratique pour toute sorte d'usage et ça disparaît très vite.

Je mords l'intérieur de ma joue, me demandant si je dois croire à ce que je lis.

— Monsieur Bolakov a exigé que tu rejoignes son équipe pour la soirée. Apparemment, ils ont deux gars au tas... faut vraiment faire quelque chose pour ces problèmes d'intoxication alimentaire, c'est la deuxième fois en huit jours !

Je me marre mentalement. À l'extérieur, je suis le plus sérieux du monde. L'empoisonnement de la semaine dernière a été organisée par Pot-aux-roses et c'est ce qui m'a permis d'être engagé dans cet hôtel. Bien entendu, les trois vigiles vont vite s'en remettre et je repartirais. D'ailleurs, je n'ai qu'un contrat de quinze jours, même si le gérant des ressources humaines m'a assuré que j'aurais des opportunités si je faisais l'affaire. Je l'ai chaleureusement remercié. En revanche, que le Régent utilise ce bobard m'amuse, mais il n'a pas tort, une balle c'est tellement difficile à digérer que ça peut être mortel.

— Merci pour l'info ! Dis-je en levant la carte pour le saluer.

Je sors de la salle de pose et me dirige vers le casino, tout guilleret. Alors, le vent tourne et j'ai suscité leur intérêt. Toutefois, je garde en tête que cela peut-être une technique pour m'endormir et m'éliminer. Après tout, j'ai tenu leur reine dans mes bras. Dans leurs codes, c'est une raison suffisante pour expier en rendant l'âme.

Je soupire, éjectant cette idée sombre. Je suis seul ici. Le BOC est en arrière-plan, mais pour l'instant, il n'est pas prévu que mes frères d'armes me rejoignent eux aussi sous couverture.

Les couloirs somptueux défilent et désormais une petite musique d'ambiance apporte la joie. Clairement, le but est de mettre le client dans le bon état d'esprit au fur et à mesure qu'il approche du casino. Tout est fait pour avoir envie de claquer son blé.

J'inspire et pénètre dans l'antre du fric. Ici, les jetons sont à 100 000 euros, ce qui garantit que vous vous plumez entre riches. Ils m'écœurent. L'ambiance est très loin de celle que j'affectionne particulièrement au Pussycat. Sauf que la vue de cette déesse aux cheveux d'or, dont le rubis entre ses deux seins est aussi rouge que ces lèvres, me fait instantanément tout oublier.

Je suis subjugué. Naëlle a retrouvé son allure royale, la main à nouveau posée sur son roc humain.

Un mouvement à ma droite m'alerte et mon regard change d'angle. Une armoire à glace bulgare arrive à grands pas. Son sourire est plus machiavélique que sympathique.

— Rémy ! Me tape le Mutri dans le dos.

Je cille, attendant de voir où cette aventure m'amène.

— Elle est belle, hein ?!

Je ne réponds pas à ce piège. Il enlace mes deux épaules de son bras surdimensionné et serre juste ce qu'il faut pour montrer sa force. En parallèle, il rit comme si nous étions des vieux amis. Il n'est pas question d'attirer l'attention.

Dragomir et Lazar m'accordent à peine une considération et retournent à leur partie. En revanche, Naëlle m'ignore totalement et clairement, ça me fout les boules.

— Dorénavant, tu ne la regardes plus !

Le Mutri serre plus fort encore et en bon petit soldat, je baisse les yeux.

Je lui montre la carte pour confirmer que je me mets à leur disposition.

— Tu vas rester dans la salle avec nous. Tu surveilles les moindres faits et gestes de tout le monde. Si tu détectes quoi que ce soit qui pourrait nuire à mes patrons, tu me le dis ! Tout à l'heure, nous irons prendre l'air et faire une petite balade.

Cette force de la nature claque la langue et je n'aime absolument pas l'expression vicelarde qu'il arbore.

Qu'ont-ils prévu ?

J'espère ne pas être le dindon de la farce.

Je me pose là où on me dit de me mettre.

Ce Mutri commence à partir et rebrousse chemin aussitôt.

Que me veut-il encore ?

— Et ta fuite Rémy ? C'est réparé ?

Donc, ils me surveillent et savent qu'un plombier est venu.

— Ouais ! Ces vieux bâtiments n'ont pas des tuyauteries aux normes, mais on ne va pas raser tout Paris.

Mon sourire détendu semble le rassurer. A priori, il me croit. Enfin, il se détourne et va se poster à un autre endroit de la salle.

J'ai une vue dégagée. Pratique pour espionner tout le monde. En plus mon rôle de vigile légitime complète idéalement cette situation. En revanche, en face de moi, la reine de la mafia, magnifique, indolente, joue son rôle de grande dame à la perfection. En cet instant, elle est très loin de la faiblesse qu'elle a eue dans les toilettes hier soir et encore plus loin de quand elle était prostrée dans mes bras, tremblante et terrorisée. Là, sous mes yeux, elle n'a pas besoin de trône pour paraître inaccessible et au-dessus de la plèbe.

Soudain, son œil métallique me fixe. C'est si furtif que je me demande si je n'ai pas rêvé. Et je comprends que c'est un test. Je ne dois pas la regarder. La tâche va être rude, mais je vais m'appliquer. Ces mafieux m'ont placé face à elle pour m'éprouver.


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Etreinte enflammée (romance militaire)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant