Nos 4x4 blindés roulent en direction de Paris. Jamais notre chauffeur ne dépasse la vitesse autorisée. Il y a des limites avec lesquelles Dragomir ne joue pas. Il surfe sur les frontières de la légalité comme ce n'est pas permis. Pour autant, jamais il n'enfreint les règles lui-même, à moins que ce ne soit une question de survie. Pour le reste, il balance une poignée d'ordres et le job est fait, là aussi, question de survie pour l'exécutant. Les félicitations, les châtiments, peuvent vite tomber.
Sa paume est posée lourdement sur ma cuisse, me rappelant sans cesse que je lui appartiens.
Comment oublier le pacte que j'ai passé avec le diable ?
Je suis vénéré par ses Mutri. Grâce à mes "talents", le "gang des clous" a supplanté tous les autres. Tous sont venus à genoux quémander une part du gâteau. Dans sa grande bonté, Dragomir a accepté, il a même fait preuve de mansuétude pour les erreurs passées. Les accords ont été signés et nous ont propulsé Régents de Bulgarie. Enfin, c'est officieux puisque nous régnons sur le royaume du crime. L'empire des dollars sera bientôt à nos pieds si nous négocions de bonnes affaires à Paris.
— La bijouterie du Palais des Diamants nous rendra visite dès notre arrivée, annonce mon mari.
Le mariage était inévitable dans ma position. Il a garanti ma survie et encore maintenant, il m'est utile. Je cille en regardant mon époux.
— Je n'ai pas besoin de bijoux supplémentaires. Si je portais tous ceux que tu m'as offerts en même temps, je n'aurais pas besoin de m'habiller et on ne verrait pas un centimètre carré de ma peau !
Dragomir éclate de rire fièrement.
— C'est bien vrai !
Il se penche et n'ose effleurer mes lèvres. Son souffle caresse ma bouche, puis il recule, dépité.
— J'ai horreur de ce truc gluant dont tu recouvres tes lèvres, ajoute-t-il dédaigneux.
Je lève les yeux dans l'habitacle. C'est le seul moyen que j'ai trouvé pour qu'il me fiche la paix. Moi, j'avais horreur qu'il m'embrasse à pleine bouche dès qu'il en avait envie et encore plus quand il y avait du public pour montrer à quel point il me possède. Alors j'use et j'abuse de ce "rouge interdit". Cette marque de luxe a ramené du répit dans ma vie.
— Tu es incontestablement la plus belle de toutes les femmes, reprend-il en glissant une mèche rousse derrière mon oreille.
Ces caresses me laissent de marbre. Même mon cœur n'accélère plus dans ma poitrine. De lui, je n'ai plus peur. Je me suis fait une raison et j'ai un certain pouvoir sur ce roi. Tout est négocié, ce qui m'a permis de faire chambre à part.
— Tu dois aussi paraître la plus riche. Telle une déesse, ils doivent tous te lécher les pieds. Tu es ma reine, Natacha !
— Trop d'égo te perdra ! Dis-je, narquoise.
C'est un désaccord entre nous. Alors que je l'exhorte à plus de tempérance et de discrétion, lui ne mesure nos actions qu'à coups d'éclat. C'est un jeu dangereux, un jeu qui pourrait nous brûler les ailes et nous coûter la vie. Lazar, son Conseiller, me rejoint pourtant dans certains domaines, mais Dragomir n'en fait qu'à sa tête et s'il disparaissait, le monde que j'ai reconstruit s'écroulerait.
Parfois, j'ai peur bien sûr. Néanmoins, je suis bien formée maintenant. J'ai appris à tirer avec de nombreuses armes. Je manie différentes longueurs de lames et le Régent me prête régulièrement ses Mutri pour que je m'entraine à la boxe. Lui m'a enseigné à jouer l'indifférence et cette attitude froide qui me sert en toute circonstance. J'ai même un plan d'évasion si toutefois, Dragomir disparaissait. Je serai traquée bien sûr, avec tout ce que je représente et probablement que je finirai une balle dans la tête, dans un paradis fiscal sur une plage de sable blanc.
Je chasse vite ses idées.
Peu importe les options qui s'offrent à moi, je ne ferai pas de vieux os et si ce ne sont pas mes ennemis qui m'abattent, c'est mon cher mari qui me répudiera quand il me jugera trop vieille. Je suis la seule à avoir cette emprise sur lui. Je sais qu'il a des maîtresses et pour mon bien, je le jette régulièrement dans leurs bras. C'est un moyen de faire durer ce couple que nous formons et de sauver les apparences.
La nuit a envahi Paris et les éclairages illuminent les bâtiments prestigieux des beaux quartiers.
Plus de quatre ans que je ne suis pas revenue à Paris.
Mes parents m'ont-ils oublié ?
Et s'ils m'identifiaient ?
Je suis même surprise que mon père n'ait pas le doute sur cette Natacha Bolakov que je suis devenue.
Je soupire.
Si mes parents me reconnaissaient et tentaient d'entrer en contact avec moi, ce serait la catastrophe.
— Il n'arrivera rien, annonce Dragomir en écho à mes pensées.
Je pince la bouche et frotte mes lèvres l'une contre l'autre afin de vérifier que mon rouge est bien en place.
— J'ai hâte de rentrer... dis-je, presque à regret.
— C'est normal, ta maison est en Bulgarie maintenant !
Je lui laisse croire ce qu'il veut. Il ne peut pas empêcher ma liberté de penser. J'ai été forcée d'abandonner mon bien le plus précieux là-bas. C'est la meilleure assurance que Dragomir pouvait trouver afin que je ne cherche pas à m'échapper. J'ai beau être docile la plupart du temps, est-il dupe sur mes intentions les plus profondes, celles que je n'avouerai jamais ?
Je n'ose regarder dehors. J'ai peur d'être tiraillée entre mon besoin de fuir et mon envie de retourner dans l'Est de l'Europe où j'ai reconstruit ma vie.
Quand notre véhicule s'arrête, je sursaute. Lazar descend avec nos Mutri. La porte s'ouvre immédiatement, nous informant que nous ne risquons rien.
Le directeur de l'hôtel est déjà là pour nous accueillir.
— Soyez les bienvenus Madame et Monsieur Bolakov.
Sa courbette fait peine à voir, mais j'en ai l'habitude. Je l'ignore. J'ai la réputation d'être la reine de glace et ça me va. Cela me dispense de conversations et d'efforts que je ne suis pas prête à concéder.
Dans mon Nouveau Monde, tout s'achète et se vend, même mes attentions, et je me suis trouvé des talents de négociatrices hors pair.
— Je veux vos plus beaux diamants dans ma suite. Je suis si heureux d'offrir de tels présents à ma fabuleuse épouse.
À peine, je souris. Dragomir lève ma main à ses lèvres pour un baiser chaste et m'entraine avec lui. Lazar s'occupera de toutes les formalités.
Du coin de l'œil, je vois les vigiles de l'hôtel, impassible. Leurs yeux scrutent la rue comme des lasers.
À quel point sommes-nous en danger ici ?
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Etreinte enflammée (romance militaire)
RomanceIl a pour cible la reine de la mafia. Quand la romance militaire rencontre la romance mafia ! Embarquez pour une nouvelle mission du BOC (ces militaires hors normes, agents des Forces Spéciales).