Il ne comprend pas ce type qu'il n'a pas le droit de me regarder ?
Je perçois ses yeux sur moi. Il ne perd aucun détail de mon anatomie. Pire, j'ai l'impression qu'il pénètre au plus profond de mon âme.
Toute ma noirceur et mes faiblesses, planquées, il les décèle, les lit.
Je me sens terriblement nue devant lui et j'ai horreur de ça.
Qu'a-t-il de plus que les autres ?
Je suis demeurée impassible devant la volonté de Dragomir de s'intéresser à lui. Il désire l'utiliser selon notre besoin, le temps que nous sommes à Paris, afin d'augmenter notre garde. Il est vrai que nous avons perdu deux soldats. Pour l'instant, il ne souhaite pas appeler de renforts en Bulgarie. Nous avons des trésors à garder en sécurité là-bas aussi. L'absence de la tête de notre association pourrait donner des idées aux plus courageux pour briguer notre trône et même s'emparer de notre royaume.
Je rumine ces sombres pensées et je soupire de sentir encore la chaleur des yeux ténébreux posés sur moi.
N'en pouvant plus qu'il m'observe ainsi, je le fixe brusquement durement, le défiant de continuer. C'est si rapide. Néanmoins, j'ai eu le temps de voir qu'il a compris. Il se détourne aussitôt.
Brave soldat !
Il pourrait être un bon Mutri.
Trop de gens sont morts par mes mains que ce soit moi qui ai porté le coup fatal, la recette de ma drogue ou parce qu'ils m'avaient manqué de respect comme dirait Dragomir.
Le reste de la partie continue et je m'évade dans une parcelle de mon esprit où j'ai tout autre chose à cultiver, notamment l'amour que j'ai dû abandonner en Bulgarie et qu'il me tarde de retrouver.
— Si tu veux te désaltérer Natacha, avant que nous partions, fais-le maintenant, annonce Dragomir.
Il attrape tendrement ma main et en baise le dessus, puis me laisse m'éloigner de lui. Je lui souris à peine et passe par les toilettes avant d'aller au bar. Mes gardes du corps me suivent toujours, en silence. Je n'y fais plus attention.
Au retour, je commande un cocktail sans alcool, le premier de la liste, sans vraiment porter d'intérêt à ce qu'il contient. J'avale un comprimé de caféine... on ne sait jamais.
Dragomir me rejoint et j'aperçois Lazar faire signe au vigile de l'hôtel de venir jusqu'au bar.
— Une Russo-Baltique ! Exige mon mari.
Il ne peut s'empêcher de commander la vodka la plus chère du monde. Les consignes sont systématiquement données avant notre arrivée pour que le roi des gangsters puisse s'adonner à son statut de nouveau riche. Dragomir a grandi dans la rue comme de nombreux enfants dans les pays de l'Est. Son père était chef d'un petit gang. Son paternel a semé la graine de ce que l'on est devenu. Les mauvaises habitudes, que ce fils prodigue a prises depuis, le mèneront à sa perte.
Pour autant, je reste souriante en sirotant mon cocktail dont l'ananas prédomine. Je ne suis pas fan. Me forcer, simuler, personne ne se rendra compte de rien, c'est devenu une seconde nature chez moi.
Je tends l'oreille, car je veux entendre l'entretien entre notre Conseiller et ce vigile, juste derrière moi.
— Rémy, bienvenue dans notre équipe !
— Merci, monsieur !
— Appelle-moi Lazar. Garde "monsieur" pour monsieur Bolakov.
Le ton de notre bras droit est doucereux, mais on ne peut s'y tromper. Il s'échappe de notre second, une autorité naturelle et une détermination à toutes épreuves. Lazar est capable de vous faire croire que vous êtes la priorité number one et vous assommer la seconde suivante. C'est ce qu'il a fait dans la ruelle sombre avec moi, il y a 4 ans, et je l'ai observé recommencer à de nombreuses reprises. Il m'a protégé bien des fois, car Dragomir l'exige, et même s'il m'apprécie, il m'éliminera sans état d'âme quand l'ordre lui sera donné. Leur mentalité de mafieux est impressionnante. Je n'avais jamais vu autant de personnes prêtes à obéir, se taire ou sacrifier sa vie pour LA cause. Et si leur empire du crime est si efficace, c'est parce qu'ils forment tous une unité et marchent tous dans le même sens, chacun son rôle dans le processus. Chaque maillon est essentiel, mais remplaçable, d'autant plus s'il devient faible. C'est en interne que tout se règle.
— Bien sûr, tu demeures un employé de l'hôtel, Rémy, mais nous avons demandé au directeur de louer tes services si tu l'acceptes.
J'aimerais me retourner pour voir la réaction de Rémy. Je suis certaine qu'il n'est même pas intimidé. J'aspire dans ma paille pour faire diversion en m'approchant de Dragomir. Toutefois, j'écoute.
— Avec plaisir. Que puis-je faire pour vous ?
— Nous avons une sortie à faire... tu pourrais renforcer notre garde...
Rémy se tait et semble réfléchir aux conséquences d'une telle requête. Si moi, j'ai deviné que ce vigile était familiarisé avec la mort, lui a forcément compris que nous avions des activités illégales. Il sait que nous nous sommes débarrassés des cadavres dans notre suite. Un des nôtres l'a suivi et l'aurait éliminé immédiatement s'il avait souhaité prévenir les flics. S'il est encore vivant, c'est que c'est un hors-la-loi... comme nous.
Ce Rémy dégage une dose de danger, la même fragrance que la nôtre. Mon expérience me montre que nous nous reconnaissons. Il y a des attitudes qui ne trompent pas.
— Tu seras rémunéré évidemment, insiste Lazar.
— C'est d'accord, répond l'autre.
— Alors, c'est entendu. En revanche, je veux ton téléphone !
— Pardon ?!
— Ton téléphone, je ne peux te le laisser...
Silence.
Dragomir bécote mon cou. Je n'y prends pas garde. Mon corps ne vibre plus depuis six ans et je suis tombée en enfer il y a quatre ans.
— Je comprends... tenez !
Les bruissements m'indiquent que l'appareil change de main.
— Déverrouille-le !
— Bien sûr.
Dragomir m'invite à pivoter et nous retrouver face à notre second qui inspecte sans vergogne le téléphone de Rémy. Ce dernier patiente. Ces yeux s'étirent vers mes chaussures, mais ils ne remontent pas. Il a saisi ce qu'on attend de lui.
Dommage, pour une fois, j'aurais aimé qu'il poursuive son intérêt.
C'est le seul homme qui a fait battre mon cœur alors qu'il se taisait depuis si longtemps.
Soudain, Lazar sort un petit équipement et le branche sur le téléphone du vigile. Ce dernier se tend, mécontent. Je tique. Bien sûr qu'on ne l'éliminera pas devant ce bar, en pleine salle de jeux.
Cependant, je prie pour qu'il n'insiste pas et laisse notre bras droit exécuter son travail d'inquisition. On ne peut pas engager le premier venu pour aller frayer dans les bas quartiers, même si c'est la ville des lumières.
— S'il vous plait, n'effacez pas les données. Je n'ai pas grand-chose, mais j'y tiens.
Je fronceles sourcils. S'il me regardait, je l'enjoindrais à fermer sa gueule s'il veutvivre. Toutefois, ses yeux restent braqués sur Lazar. Quand ce dernier relèvela tête, je n'aime pas son expression.
VOUS LISEZ
Etreinte enflammée (romance militaire)
RomanceIl a pour cible la reine de la mafia. Quand la romance militaire rencontre la romance mafia ! Embarquez pour une nouvelle mission du BOC (ces militaires hors normes, agents des Forces Spéciales).