CHAPITRE 4 : SUIS-MOI JE TE FUIS

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Meredith

Je me suis résignée à rentrer à la maison, après qu'Ezra m'ait déposée au centre de Detroit, me refusant de lui divulguer mon adresse. Même si je le connais depuis moins de vingt-quatre heures, j'ai l'intime conviction que ce mec serait du genre à camper devant chez moi pour obtenir ce qu'il veut. La gêne se serait emparée de moi s'il s'était retrouvé nez à nez avec ma mère.

Pas que je me soucie de ce que pensent les gens, mais je refuse de raconter mon histoire, et attiser la pitié est la dernière chose que je souhaite. Même avec les meilleures intentions du monde, personne n'est en capacité de comprendre à quel point mon cœur est meurtri, abîmé par la vie.

La soirée d'hier était agréable, je dois l'avouer. J'ignorais que les muscles de mon visage se souvenaient comment sourire sincèrement. Et ça faisait des mois que je n'avais pas aussi bien dormi, malgré l'inconfort de la voiture.

Ezra est ironiquement amusant. Il incarne l'image du privilégié bien rangé qui semble mener une existence sans heurts. Pour m'impressionner, il a essayé de casser son reflet en jouant au mauvais garçon. Pourtant, il est évident que ce n'est pas dans ses habitudes de fumer et d'avaler des boissons alcoolisées bas de gamme. C'était une mise en scène grotesque pour attirer mon attention, qui a malheureusement échoué. Par contre, c'était hilarant.

Néanmoins, je n'ai aucune intention de le revoir. Il pense pouvoir me protéger parce qu'il n'a pas la moindre idée de ce à quoi je suis confrontée. Ce mec a dû naître dans l'opulence et je suis presque certaine que ses parents le traitent comme un prince. Lui et moi sommes trop différents pour traîner ensemble. Il est le soleil, je suis l'orage, et si la foudre s'abat sur lui, il regrettera ce jour où il m'a sauvé la vie.

Mon ventre gargouille, m'indiquant qu'il est déjà midi passé, alors, j'​​​​​​​ouvre le frigo à la recherche d'un mets qui calmera mon estomac. Évidemment, je tombe sur une banane dont la peau est noircie, un tupperware qui sent la mort et une bouteille de lait ouverte depuis plus d'une semaine. J'en ai la nausée.

Je fouille les placards dans l'espoir d'y trouver des céréales ou bien des pâtes, mais ils sont vides. Heureusement que Jason nous autorise à nous servir à la supérette. Il va encore falloir attendre quelques heures avant de me sustenter.

Dans l'un des tiroirs de la cuisine, je remarque une petite boîte en fer de biscuits secs. Ma mère les a sûrement planqués pour elle, toutefois, je compte bien lui rappeler la définition du partage. En l'ouvrant, je suis surprise de constater qu'elle ne contient aucun gâteau, mais plutôt de la drogue.

Parfois, je suis tenté d'y goûter. Heureusement, l'envie me passe en observant les dégâts qu'elle cause.

– Qu'est-ce que tu fais, Meredith ? Tu me voles maintenant ?

Dans un sursaut, je lâche la boîte par terre et la poudre se répand sur le sol.

Évidemment, l'arrivée de ma mère tombe à pic.

Elle me regarde pleine de rage avant de se jeter sur le carrelage, essayant de récupérer son précieux butin.

– T'as vu ce que t'as fait bordel ! Ramasse au lieu de rester plantée là ! vocifère-t-elle.

Je m'exécute sans broncher et à l'aide de mes mains, j'amasse un mélange de crack et de poussières que je déverse dans le récipient prévu à cet effet.

Lorsque nous avons terminé de tout remettre en ordre, elle me regarde attristée en s'attardant sur la trace qu'elle a laissée la veille, puis me prend dans ses bras en sanglotant.

– Je suis tellement désolée. J'aimerais... je voudrais que les choses soient différentes, je le jure, mais c'est plus fort que moi.

– Je sais... je le sais, maman.

Défie-moi de t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant