CHAPITRE 9 : LE MENSONGE PREND L'ASCENSEUR, LA VÉRITÉ, LES ESCALIERS

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Meredith 

J'enlève aussitôt le catogan qui enserre mes cheveux pour recouvrir à nouveau ma nuque. Dans l'euphorie du défi, j'ai oublié cette trace indélébile qui colle à ma peau. Je n'en ai pas honte, au contraire, seulement ce tatouage est à cet endroit précis, car il est imperceptible, caché habituellement par mon carré long. Papa.

À mes vingt-et-un ans, juste avant de mourir, mon père m'a offert ce tatouage. C'était notre secret, à nous. Même si j'étais majeure, nous savions que ma mère aurait été contre. À l'heure actuelle, elle ignore toujours son existence.

Lorsque le tatoueur m'a libérée, j'ai couru en direction de l'hôpital pour montrer à mon père ma nouvelle gravure. « C'est beau, ça te va si bien, ma chérie », avait-il dit, ému. Ce à quoi j'ai répondu : « Où que tu sois, j'aurais toujours un peu de toi près de moi ». Il avait ensuite déposé un baiser sur le sommet de mon crâne. Je m'en souviens comme si c'était hier. Il était mon meilleur ami.

Il faut que je me ressaisisse, que je ne me laisse pas gagner par mes émotions. La soirée avait pourtant bien commencé, je ne veux pas tout gâcher.

– Je jouais du violon, avant, avoué-je à demi-mot.

– Pourquoi as-tu arrêté ?

Pourquoi faut-il toujours qu'il me questionne sur ma vie ?

– Qu'est-ce que ça peut te faire ?

Et voilà, la Meredith aigrie fait son come-back. Il ne le fait pas exprès, pourtant, je me sens agressée par ses questions. Je n'aime pas parler de moi et encore moins de mon père. Alors comme à mon habitude, je me cache derrière mon agressivité.

– Ça m'intéresse. Tout ce que tu fais m'intéresse, affirme-t-il en essuyant ses lunettes avec son tee-shirt. Est-ce qu'un jour, tu me feras assez confiance pour me parler ? Je suis sûr d'être la seule personne sur cette terre qui ne te jugera jamais !

– Je...

– Laisse-moi terminer ! La semaine dernière, j'ai quitté ma maison en pleine nuit pour te rejoindre et réaliser ton défi. Après ça, tu m'as lâché pour aller voir un mec ! grogne-t-il en s'approchant de moi. Regarde ! Je suis encore là, avec toi, pour ce nouveau challenge et à aucun moment, je ne t'ai jugée et jamais je ne le ferai, Meredith.

Une boule s'installe dans ma gorge. Il a raison, je le sais. Je le connais depuis peu, pourtant, je suis certaine que c'est une personne de confiance. 

– J'ai arrêté quand mon père est décédé, balbutié-je, la tête baissée.

Il me regarde avec empathie et compassion. Tout ce que je redoutais. Mais alors que je pensais qu'il continuerait à creuser, il change de sujet. Merci, Ezra.

– T'as d'autres tatouages ?

– Oui, un autre sur le flanc, mais celui-là, tu ne le verras jamais, ris-je.

Ses joues s'enflamment tandis qu'il opine du chef.

L'atmosphère détendue est palpable, et ce soir, malgré les notifications de mon téléphone, je ne m'enfuirai pas.

Comme à mon habitude, l'envie de rentrer chez moi est totalement absente, mais cette fois, pour des raisons différentes. Aujourd'hui, j'ai envie de rester, parce que j'apprécie la compagnie d'Ezra. Cet idiot a gagné du terrain et ça m'énerve !

– Tu penses qu'on peut sortir de notre trou à rat ? demande-t-il en jetant un coup d'œil à la rue principale.

J'éclate de rire, repensant à ce que l'on vient de faire. Il doit penser que je fais ça régulièrement, alors que c'est une première moi. En réalité, je suis aussi apeurée que lui à l'idée de me faire prendre. Il ne manquerait plus que ça à ajouter à la liste de mes problèmes.

Défie-moi de t'aimerOù les histoires vivent. Découvrez maintenant