Chapitre 26

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- Qu'est-ce que vous faites ?

Dès son retour à l'appartement, Raelar avait fait de son mieux pour se détendre, sans succès. Il était encore tôt, et il n'avait que ses livres pour s'occuper, mais ne se sentait pas d'humeur. Il s'était alors attelé à une tâche plus personnelle. Fyris, qui venait tout juste de se lever, s'assit à ses côtés et embrassa son front tendrement.

- J'écris à ma famille.

Fyris resta silencieuse, et il ressentit le besoin de s'expliquer.

- Je sais, ce n'est pas mon genre, soupira-t-il.
- Au contraire. Ça ne m'étonne pas. Comment est votre famille ?
- Bruyante.

L'Immortelle éclata de rire.

- Ils sont dans votre ville d'origine ?
- Oui, ils n'en partiraient pour rien au monde. Mes sœurs seront bientôt envoyées ici pour leurs études, et laisse-moi te dire que je ne suis pas très enthousiaste à cette idée.
- Pourquoi ?
- Elles aiment bien trop se mêler de mes affaires.

Raelar signa sa lettre en silence et la scella, avant de la déposer dans un lourd coffret débordant de pièces d'or Impériales. Il scella également la boîte et poussa un soupir alors qu'il retirait ses lunettes de lecture.

- J'imagine que tu as des questions, dit-il avant de regarder Fyris.
- Je suis curieuse, mais je ne veux pas insister.
- Tu n'as pas besoin d'insister. Je veux bien en parler.

Elle hocha la tête et croisa les bras sur la table, prête à l'écouter.

- Je viens d'un petit village, loin à l'ouest. Je suis l'aîné de six enfants, et le seul fils. Mes parents avaient de grands espoirs pour moi, et bien qu'ils m'aient d'abord pris pour un fainéant, ils ont fini par réaliser que si je ne travaillais pas aux champs, c'était en faveur des livres que je dévorais dans la grange. Ils ont commencé à économiser pour m'envoyer à la Capitale. Mais ensuite...
- ... le front ?
- Oui. La situation s'est particulièrement envenimée avec un camp ennemi à proximité, et nous avons dû nous battre pour protéger le village. Nous avions tant d'anciens et d'enfants, je me suis dit que je n'avais pas le choix, et j'ai décidé de me joindre aux hommes. J'avais quatorze ans.

Il prit une pause et une profonde inspiration.

- Les combats ont duré plusieurs mois avant que l'Empire nous envoie des forces pour nous protéger. Mais c'était trop tard pour moi, j'étais trop habitué à combattre, et j'ai pensé que je ne pouvais plus faire marche arrière. J'ai été remarqué par un lieutenant, et on m'a proposé un poste à la Capitale, avec un bon salaire. J'ai décidé de saisir l'opportunité.
- Vous avez abandonné votre rêve pour vous battre ?
- J'ai un nouveau rêve à présent.

Il désigna le coffret du menton.

- La quasi totalité de ce que je gagne va à ma famille. Pour que mes sœurs puissent faire des études, et accomplir ce que je n'ai pas pu.
- Général...

Il la regarda, et ce qu'il vit sur son visage était tout simplement le sourire le plus tendre et aimant qu'elle ne lui ait jamais adressé jusque là.

- Ils doivent être si fiers de vous.
- Trop fiers, si tu veux mon avis, répondit Raelar en rougissant. Ils parlent bien trop de moi.
- Ils vous rendent visite ?
- Parfois. Ils ne sont pas venus depuis longtemps d'ailleurs. En fait, ma mère a été assez insistante ces derniers temps à l'idée de passer me voir. Je préférerais y aller moi-même, je n'ai pas de place pour eux, et ils sont bien trop envahissants à mon goût.
- Vous devriez y aller, dans ce cas.
- C'est que... comment dire...

Fyris leva un sourcil interrogateur. Il rougissait profusément, et cherchait ses mots.

- Elle insiste parce qu'elle veut te rencontrer.
- Moi ?! Mais je ne suis que...
- Ma femme.
- Ce n'est qu'un mariage arrangé, et...

Raelar posa un doigt sur ses lèvres et secoua la tête.

- Il suffit. Tu es ma femme. Et rien ne peut changer ça.

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