Chapitre 19

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Étant tous deux mis à pied pour plusieurs jours après leurs péripéties, Raelar et Fyris profitèrent de leur soirée sans se soucier de l'heure. Bien sûr, il y avait quelques ombres au tableau, et Raelar savait que l'avenir ne serait pas tout rose. Raan n'était pas réputé pour abandonner facilement, et si la dernière attaque leur avait rappelé quelque chose, c'était qu'aucun d'entre eux n'était invulnérable.

Le jeune homme commençait sérieusement à se demander quelle était la portée de ses sentiments à l'égard de sa compagne. Son attraction physique était indéniable, et il avait dépassé le stade où il refusait de toutes ses forces d'assumer ses désirs, mais il savait que Fyris représentait bien plus à ses yeux qu'une femme avec laquelle il avait envie de coucher. De surcroît, les sous-entendus de Mahir ne l'aidaient pas à y voir clair. Il savait qu'il avait beaucoup d'affection et de tendresse pour elle, mais jusqu'à quel point ? 

Il réalisait que Fyris était loin d'être un canon de beauté, même si ses cicatrices lui donnaient un certain charme et qu'elle restait agréable à l'œil. Sa peau n'était pas douce, laiteuse ou chaude ; son corps était froid, abîmé par la vie, et suffisamment puissant et réactif pour le tuer. Une véritable machine de guerre, fait pour détruire. Elle avait beau lui être dévouée sur le champ de bataille, Raelar savait qu'elle ne serait pas toujours à ses côtés. Ils ne vieilliraient pas ensemble. Tout cela aurait dû suffire à faire fuir n'importe quel homme. Raelar se dit que sa relation avec Fyris confirmait sans doute l'image que les gens avaient de lui : un pauvre fou inconscient et impulsif.

Pourtant, lorsqu'il la regardait, assise à leur table, dans leurs appartements, un sourire paisible sur les lèvres, il savait que la force de Fyris n'avait d'égale que son sang-froid. Sa puissance avait beau être colossale, pour avoir longuement combattu auprès d'elle, Raelar savait que la jeune femme maîtrisait parfaitement sa force. Sa beauté n'était peut être pas parfaite, mais l'aura de confiance qu'elle dégageait suffisait à laisser agir son charme. Elle n'avait pas les courbes délicates d'une civile, mais lorsqu'il l'avait étreinte, Raelar avait senti qu'elle lui convenait, dans tous les sens du terme. Les faits étaient là ; qu'il soit lucide ou aveuglé par un sentiment qu'il refusait de nommer, Raelar se sentait bien auprès d'elle. C'était aussi simple que ça.

S'attacher à Fyris n'avait pas fait partie de ses plans. Il n'avait jamais vraiment eu l'intention de se marier, et si se laisser mettre la bague au doigt pouvait sauver cette jeune femme, il n'y voyait pas d'inconvénient, tant qu'elle ne le dérangeait pas. Mais Fyris s'était presque immédiatement fait une place dans son cœur, sans qu'il ne voit venir quoi que ce soit.

Il ne pouvait s'empêcher de repenser aux paroles de Mahir. Raelar sentait bien qu'il désirait la jeune femme de plus en plus et qu'il finirait par ne plus pouvoir se contrôler. Les pulsions possessives qu'il ressentait de temps à autres ne l'aidaient absolument pas à se maîtriser. Et pour la première fois depuis bien longtemps, Raelar se sentait maladroit et hésitant à l'idée de se trouver au lit avec une femme. C'était peut-être leur mariage, son statut d'Immortelle, ou son apparence bien différente de ses conquêtes habituelles, mais quelque chose le bloquait et le mettait vaguement mal à l'aise. Il avait le sentiment que s'il se retrouvait à faire ce genre de chose avec Fyris, ils officialisaient leur relation, et ce mariage n'aurait plus rien de factice. Ce n'était pas tant l'idée d'être réellement marié qui effrayait Raelar, mais plutôt le fait de se retrouver avec quelque chose de permanent, et de coller une étiquette sur cette relation étrange qu'ils entretenaient.

Au bout de quelques heures de discussion animée, Raelar conseilla à la jeune femme de changer son bandage. Elle sembla hésiter, puis hocha la tête et se dirigea vers la salle de bains. Raelar lui emboîta le pas sans attendre. Fyris s'assit devant le miroir et enleva son bandage avec soin. Elle n'eut aucune réaction en se trouvant face à face avec son reflet. S'ajoutant aux cicatrices sur son nez, ses lèvres, sa mâchoire et son front, une énorme plaie barrait son œil droit, s'étendant de l'arcade sourcilière à la moitié de sa joue. Si la jeune femme n'avait pas été vraiment consciente d'à quel point la blessure la faisait souffrir jusque là, le simple fait de s'y trouver visuellement confrontée brisa toutes ses barrières. Elle effleura la plaie du bout des doigts en grimaçant.

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