Chapitre 29

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 Raelar et Fyris n'en parlèrent plus. Ni le lendemain, ni le surlendemain, ni le jour suivant. Tous deux digéraient ce qui s'était passé, anéantis par leurs doutes et leurs peurs, se demandant de quoi serait fait le futur. S'ils en avait un.

Jusqu'au jour où Raelar commença à s'inquiéter.

Quelque chose s'était brisé en elle. Fyris, qui avait toujours confiance en elle, qui était forte et fière, semblait écrasée par le poids de pensées si sombres qu'elles lui donnaient de terribles cauchemars. Au début, elle se réveillait plusieurs fois dans la nuit, mais elle arrivait à dissimuler son trouble. Rapidement, les cauchemars empirèrent ; elle se réveillait à bout de souffle, couverte de sueur, incapable de s'exprimer et sourde aux mots rassurants de Raelar. Elle ne voulait pas en parler, et il décida de ne pas insister.

Une semaine plus tard, elle était en pleurs, hurlant dans un sommeil si profond qu'il ne parvenait plus à l'en tirer. Raelar ne pouvait que l'enlacer, alors qu'elle combattait des démons dont il ne pouvait pas la protéger, son cœur se brisant petit à petit, jour après jour. Jusqu'à cette nuit où elle se débattit dans ses bras, et manqua lui donner un coup de poing en pleine figure. À partir de là, la confrontation devint inévitable.

Il avait tenu Maru au courant, et il était terrifié. C'est donc tout naturellement que Raelar l'invita lorsqu'il décida enfin d'avoir une conversation avec Fyris. Tous les trois étaient assis au salon, et alors que Raelar préparait du thé pour détendre l'atmosphère lourde qui pesait sur eux, Maru se trouvait face à face avec l'état déplorable de Fyris.

Elle évitait de dormir, autant que faire se pouvait. Elle avait de toute évidence menti lorsqu'elle lui avait dit n'avoir fait que deux nuits blanches récemment. La profondeur de ses cernes la trahissait. Elle était encore plus pâle que de coutume, ses traits tirés la faisant paraître bien plus âgée qu'elle ne l'était, et ses mains tremblaient sous la table. Quand Raelar vint enfin s'asseoir à ses côtés, elle parvint à peine à retenir un frisson. Elle n'allait pas apprécier ce qui était sur le point de se passer.

– Fyris, commença Maru. Nous avons à parler, de ce qui est en train de t'arriver.
– Je vais bien. Je suis simplement frustrée. Je n'aime pas la façon dont Asad nous a traités.

Raelar soupira.

– Je sais que ça t'a blessée. Mais ce n'est pas une raison suffisante pour t'avoir mise dans cet état. Tu es comme ça depuis que j'ai appris...

Il n'arrivait pas à le dire. Pas quand l'évènement était encore si frais et horriblement douloureux dans son esprit marqué au fer rouge. Lui aussi souffrait de terribles cauchemars, cauchemars durant lesquels il la voyait à la place de Rizeem, son corps se déformant, son visage méconnaissable, sa voix se changeant en hurlements animaux. Mais la situation de Fyris était si alarmante qu'il avait mis ses propres peurs de côté. Elle avait besoin de lui, plus que jamais.

– Fyris, reprit Maru. Nous sommes inquiets. Très inquiets. Tu réalises ce que ton comportement signifie.
– Ça n'arrivera pas.

Raelar fronça les sourcils.

– Tu ne peux pas l'ignorer, et...
– Je le peux ! Et je le ferai !

Elle claqua violemment ses mains sur la table, faisant sursauter les deux hommes. Fyris ne perdait jamais son sang-froid. Jamais. Raelar pensa qu'il s'agissait juste du manque de sommeil qui la rendait colérique. Jusqu'à ce qu'il remarque la pâleur de Maru. Jusqu'à ce qu'il réalise ce qui était en train de se passer.

– Fyris... murmura Raelar. Est-ce que tu es...
– Non !
– Ça suffit ! explosa Maru. Tu es en plein déni, et ça ne fait qu'empirer les choses ! Accepte notre aide, et on pourra s'en sortir, tous les trois !
– Et comment avez-vous l'intention de m'aider, au juste ? C'est trop tard, et tu le sais !

L'ArrangementOù les histoires vivent. Découvrez maintenant