Enola Holmes 3 : Leurs cœurs enragés | Sherlock Holmes x Andrea

Première victime

Une faible lumière éclaire le bureau de la jeune détective Andrea DelRose tandis qu'elle glisse ses doigts sur sa machine à écrire. Elle aime à ses heures perdues se plonger dans l'écriture de romans policiers et angoissants. C'est grâce à son imagination débordante et sa soif d'aventure qu'elle a décidé d'enquêter quelques jours auparavant sur la disparition de Lady Charlotte, une noble reconnue. Alors que même la police peinait à trouver des indices, elle avait réussi à rassembler toutes les pièces du puzzle à une vitesse exceptionnelle. Cela a suscité l'engouement de la presse qui l'a propulsée rapidement vers une célébrité inattendue. Alors que ses pensées naviguent autour de ses lettres s'inscrivant sur le papier, elle ne peut s'empêcher de réaliser la chance qu'elle a eu. Une novice qui parvient à un tel exploit, personne n'avait jamais vu ça. À vrai dire, elle-même doute encore de ses capacités, mais elle n'en est pas moins ravie. Enquêter a depuis toujours été son rêve, et le simple fait qu'elle fasse maintenant officiellement partie du métier la réjouit plus profondément, au plus grand dam de ses nouveaux rivaux. 

Ses yeux rivés sur les touches, elle entend à peine les cris provenant de l'extérieur de son petit appartement. La jeune femme continue de taper à une vitesse phénoménale les mots sur sa feuille, les idées glissant sous ses doigts fins. Elle replace une de ses mèches brunes derrière son oreille, presque hypnotisée par son travail d'écriture. Elle n'est sortie de sa transe que par le bruit d'un corps percutant sa fenêtre. Elle lève la tête, uniquement pour croiser le regard mort d'une jeune femme. Ses cheveux bruns, ressemblant exactement à ceux d'Andrea, glissent contre la vitre tandis que le cadavre s'effondre au sol, laissant derrière lui une traînée de sang. La jeune détective se précipite auprès du carré de verre et examine l'extérieur. Une foule encercle le corps affalé par terre, dont l'hémoglobine forme une flaque écarlate. La détective frissonne et peine à garder son sang-froid pendant une seconde. Affolée, ses yeux s'écarquillent.

La femme court vers sa porte d'entrée, légèrement tremblante lorsqu'elle récupère le lourd trousseau de clés. Elle peine à insérer l'objet dans la serrure tant la surprise brouille sa précision. Andrea recule, prend une grande inspiration pour se calmer et parvient enfin à enfoncer la clé. Elle tourne vivement, accélérant le pas pour se retrouver à l'extérieur du bâtiment. Elle se fraye un chemin à travers la horde de curieux et de témoins qui commencent à la reconnaître. Des policiers se tiennent autour de la victime et poussent l'attroupement pour créer un périmètre de sécurité. Dès qu'ils la voient, ils l'appellent à venir voir le corps.

— Madame DelRose, vous êtes déjà là ! s'exclame l'un d'eux. 

— J'habite ici. Que s'est-il passé ? questionne-t-elle d'un ton calme.

Il hausse les sourcils lorsqu'elle répond mais ne renchérit pas.

— Les témoins affirment l'avoir vue se faire égorger. Personne n'a vu la scène elle-même, seulement le moment où...

L'agent de police s'interrompt, bouleversé par ses propres propos.

— Lorsqu'elle est morte. Dégagez la zone, il faut que j'examine la victime.

D'un coup de sifflet strident, les policiers font fuir les habitants qui retournent vaguer à leurs occupations malgré leur choc. Certains protestent, impatients de savoir ce qui a bien pu se passer mais sont vite dissuadés par la menace de la prison. Andrea s'accroupit à côté de la femme. Sa gorge est striée d'un trait carmin. La fente est fine, sûrement faite au couteau de cuisine. La détective récupère le sac de la morte, à la recherche de papiers pour l'identifier. Elle aperçoit enfin une photographie représentant deux personnes. Au dos, un mot : "Anna Dellose et". Le reste est consciencieusement rayé, ne laissant paraître aucun indice sur le nom caché sous l'encre. Ce n'est qu'en remarquant la similarité entre son prénom et celui de la victime qu'Andrea se rend compte d'un détail glaçant. La femme a ses pieds lui ressemble trait pour trait. Les mêmes yeux, les mêmes cheveux. Bien sûr, certains éléments de son visage sont bien différents, mais la similitude entre les deux reste frappante. 

Elle en profite alors pour examiner le cadavre de plus près. Ses membres inanimés sont posés le long de son corps, indiquant qu'elle n'a pas essayé de se défendre. À vrai dire, il semblerait qu'elle a été prise par surprise, en pleine rue. Ses yeux sont fermés, sa bouche est entrouverte. Pendant un instant, Andrea revoit l'image de son regard vide lorsqu'elle s'est laissé glisser le long de la fenêtre. La détective chasse cette pensée de sa tête et retourne à son inspection. Mais pourtant, rien ne semble lui donner plus d'indices. Celui qui a fait ça a été vif, et n'a laissé aucune trace si ce n'est la coupure sur son cou. La jeune femme jette un dernier coup d'œil au cadavre, observant avec attention sa peau perdant déjà des couleurs et ses vêtements bien repassés. Elle sait au fond d'elle que la ressemblance entre elle et ce corps n'est pas un hasard. Quelqu'un souhaite attirer son attention, et il a réussi. Il semblerait que l'enquête soit venue à elle toute seule cette fois, et que le mystère la supplie d'être résolu. 

Andrea se redresse, passant un coup de main sur sa robe pour en lisser l'ourlet. Son instinct lui crie de faire attention et de ne pas accepter l'affaire sans précaution, mais la tentation d'accroître sa popularité est bien trop grande. Si elle découvre qui a réalisé ce meurtre, elle gagnera encore plus en reconnaissance. Elle sait très bien que sa place en tant que femme la limite déjà et qu'elle doit saisir sa chance. Elle recule de quelques pas avant d'indiquer aux policiers sa découverte. 

— Le meurtrier a été rapide. Je vais essayer de mener une investigation sur cette femme pour trouver des pistes. Je passerai demain au poste de police pour vous informer de mes avancées. S'il vous plaît, ne laissez personne d'autre l'accès à cette enquête. Étouffez l'affaire comme vous le pouvez, j'ai un pressentiment que ceci n'est que le début d'une affaire monumentale.